Ces deux hélicoptères Puma, acquis auprès du fabriquant Airbus, un consortium européen, auraient été achetés sans garantie des vendeurs, sans appareils de viseurs, sans armements et sans pièces de rechanges. Pire, certaines closes du contrat d’achat auraient été cachées, par ceux qui étaient chargés de piloter le dossier. Composés de civils et de militaires, ils seraient sur des braises ardentes.
« Nous avons, désormais, de quoi protéger nos enfants, c’est à dire les militaires maliens », disait le président IBK, ému aux larmes, à la réception des deux hélicoptères Puma. C’était, début octobre 2017.
C’est la première fois que, depuis 15 ans, l’armée malienne se dote d’avions de combat pour se défendre.
Des épaves acquis au prix du neuf
Considéré comme un hélicoptère d’occasion, vendu au Mali 10 jours seulement après la levée de son interdiction de vol en Europe, par l’AESA, le premier hélicoptère Puma aurait couté la bagatelle de 3,87 milliards CFA ; tandis que le second, commandé auprès de Vector Aérospace financial Services Ireland Limited, une filiale d’Airbus Group, aurait été acquis à 3,46 milliards CFA. Soit 7,33 milliards CFA pour les deux monstres de combat.
Pire, cet argent n’aurait pas été versé par transfert bancaire, ni par chèque ; mais en espèces sonnantes et trébuchantes. Histoire, peut-être, de verser les rétro-commissions. Sans attirer les soupçons.
Mais deux ans après, coup de théâtre : en dépit des massacres des populations, dans la région de Mopti, les deux hélicoptères Puma ne sont pas intervenus. Ni pour combattre les présumés djihadistes, ni pour acheminer les renforts sur le terrain. Une seule question sur toutes les lèvres : où sont passés les hélicoptères de combat réceptionnés, en grande pompe, à l’Aéroport international Bamako-Senou, par le président de la République ?
La réponse viendra du Chef de l’Etat et du président de la Commission-Défense de l’Assemblée nationale.
Dans une interview, accordée, récemment, à nos confrères de « Jeune Afrique », il explique : « Les hélicoptères Puma sont cloués au sol, faute d’une maintenance appropriée ». Cette déclaration a pris tous les Maliens de court.
Quelques jours plus tard, l’honorable Karim Keïta, président de la Commission-Défense de l’Assemblée nationale, qui participait, le 13 juillet dernier, à un colloque organisé à Paris, par les élus français d’origine malienne, d’ajouter : « Les hélicoptères Puma que nous avons achetés ne peuvent plus voler. Ça marchait au début, mais vraisemblablement, on a un problème d’entretien depuis l’achat. Je me demande si on n’a pas été floué à l’achat ».
Selon des informations circulant sur les réseaux sociaux, ces deux hélicoptères Puma, ont été achetés sans garantie du vendeur, sans appareils de viseur, sans armements et sans pièces de rechange. C’est pourquoi, disent certaines sources, certaines clauses du contrat de vente ont été cachées au président de la République. Le rapport des vendeurs sur l’état des deux hélicoptères, aussi.
Il a fallu attendre, dit-on, le limogeage de l’ex- chef d’état-major de l’Armée de l’Air pour que ce fameux rapport soit divulgué par son successeur.
Plainte contre un général de l’armée, restée sans suite
Selon ce rapport, dit-on, les deux hélicoptères Puma, acquis à prix d’or, sont « inutilisables ».
Après avoir pris connaissance de son contenu, le contentieux du ministère de la Défense aurait rédigé une plainte contre un général de l’armée de l’Air, membre de la commission chargée de piloter le dossier d’achat des deux hélicoptères.
Adressée au ministre de la Défense d’alors, un civil, leader d’un parti politique qui a pignon sur rue, cette plainte serait restée sans suite. Du moins, si l’on en croit les informations relayées par les réseaux sociaux. Jusqu’au moment où nous mettions sous presse, ces informations n’ont été ni confirmées, ni infirmées par les civils et militaires cités dans ce dossier.
Il n’en fallait pas plus pour susciter la colère et l’indignation des populations ; mais aussi, celles de la classe politique.
L’opposition réclame un débat public sur cette affaire
« Des hélicoptères achetés au prix fort, qui ne marchent plus au bout d’un an et qui laissent l’impression d’une arnaque ? C’est scandaleux ! Ce n’est même pas la peine de chercher à obtenir la lumière sur cette affaire parce que, comme toutes les autres affaires, ça n’aboutira à rien. Comment peut-on réarmer le moral des troupes dans ces conditions ? », déplore Mr Cheick Oumar Diallo, secrétaire politique du parti ADP-Maliba, arrivé 3e à la présidentielle de juillet 2018.
« Que le Mali ait été floué, cela ne semble faire l’objet d’aucun doute. Que ceux qui ont initié les procédures d’achats et qui ont la charge de défendre les intérêts de la nation, annoncent de façon aussi désinvolte que les équipements de l’armée en temps de guerre, ont été compromis, demande plus d’explications devant la nation », déclarent les partis politiques de l’opposition regroupés au sein du FSD (Front pour la Sauvegarde de la Démocratie).
Installés en France, des Maliens s’apprêteraient, dit-on, à saisir Airbus pour connaître sa version des faits.
En attendant, ceux qui ont initié les procédures de vente seraient dans le viseur du pouvoir.
Composés de civils et de militaires, certains auraient été entendus par le cabinet du Chef de l’Etat, qui entend faire toute la lumière sur ce que d’aucuns appellent, déjà, « énième scandale financier de l’ère IBK ».
Oumar Babi
Source : Canard déchaîné