L’enquête sur l’enlèvement et l’assassinat, en avril – mai 2012, de soldats et officiers appartenant au Régiment des commandos parachutistes (RCP), vient de connaitre un tournant décisif la semaine dernière avec l’inculpation et l’arrestation de plusieurs officiers, et non des moindres. Le juge Karembé, en charge de l’instruction de ce dossier sensible, n’est en effet pas allé de main morte en décidant d’inculper et d’écrouer des protagonistes clé d’une affaire qui n’a pas fini de dévoiler tous ses secrets.
Il s’agit du général Sidi Alassane Touré, ex – Directeur général de la Sécurité d’Etat ; du Capitaine Amadou Konaré, ex – numéro 2 de la junte de Kati, du lieutenant Tahirou Mariko, ex – aide de camp d’Amadou Haya Sanogo, tous entendus et placés sous mandat de dépôt par le magistrat, et du général Yamoussa Camara, ex – Ministre de la défense au moment des faits et incarcéré le 14 février.
Evolution attendue de l’enquête, cette dernière rafle opérée par le magistrat instructeur au cœur même de l’ex – junte apparaît comme un véritable coup d’accélérateur dont on espère, notamment du coté des familles des victimes, qu’il permettra de démêler l’écheveau d’un assassinat collectif planifié par les putschistes de mars 2012 pour en finir avec toute une frange de l’armée malienne contre laquelle ils avaient t lancé une mortelle chasse à l’homme.
Sans préjuger de l’issue des interrogatoires et des confrontations auxquels seront soumis les militaires inculpés, on peut d’ores et déjà tirer quelques enseignements.
En premier lieu, l’arrestation des généraux Sidi Alassane Touré et Yamoussa Camara confirme l’affaiblissement irrésistible des positions et des soutiens du Général Amadou Haya Sanogo au sein des Forces armées et de sécurité. Reclus dans sa prison – école de Faladiè, l’intéressé voit désormais partir en fumée, avec la neutralisation de deux des personnages qui l’ont le plus servi pour assoir son pouvoir, toutes les illusions qu’il avait pu nourrir sur une probable action militaire en sa faveur.
Sur le plan judiciaire, la décision du juge n’est pas non plus de nature à simplifier la situation de l’ex – patron de la junte. L’intéressé, qui sera très certainement confronté à quelques acteurs – clés, arrêtés les 13 et 14 février, aura à répondre à des questions de plus en plus précises et à s’exprimer sur des éléments factuels fournis par ceux qui ont été ses plus proches collaborateurs.
En deuxième lieu, la mise à disposition par le Ministre de la défense des officiers impliqués confirme la détermination du Président IBK, malgré les pressions de tous ordres qu’il subit de la part des partisans de l’ex – junte, à faire la lumière sur le massacre survenu au lendemain des violences qui ont eu lieu à Bamako le 30 avril 2012.
L’on se souvient qu’après l’arrestation du capitaine Sanogo et les déclarations controversées de celui – ci sur des radios privées, le ministre de la Défense avait dit qu’il mettrait à la disposition de la Justice tout officier ou soldat que le magistrat instructeur souhaiterait entendre dans le cadre de l’affaire.
Le pouvoir a donc tenu parole en ne faisant pas d’obstacle à ce que de hauts gradés tels que les généraux Sidi Touré et Yamoussa Camara fussent entendus et poursuivis.
Cette attitude est d’autant plus remarquable qu’au moment de son arrestation le second occupait la fonction éminente de chef d’Etat – major particulier du Président de la République.
Enfin, avec les indiscrétions recueillies de sources judiciaires sur les rôles joués par les uns et les autres dans cette tragique affaire des bérets rouges, la découverte de fosses communes, c’est tout le mythe Sanogo qui s’effondre brutalement. Cela se traduit au plan politique par le discrédit des forces qui ont soutenu l’homme et par leur marginalisation croissante. Eclaboussés par les crimes commis, les amis de l’ex – homme fort de Kati, qui étaient légion il y a peu, rasent désormais les murs et n’osent plus élever la voix.
Cette nouvelle donne, qui est probablement l’enseignement le plus intéressant de la tragique aventure des putschistes de Kati, n’exonère en rien le gouvernement démocratique renversé de ses fautes, de ses échecs et de ses responsabilités. Elle a cependant le mérite de rappeler que la politique ne saurait se confondre avec la poursuite d’intérêts personnels étroits, sur fond de populisme, d’exclusion et de persécutions. Le court règne du capitaine Sanogo a été marqué par ces tares.
Qui plus est, l’intéressé avait fini par incarner jusqu’à la caricature ce qu’il prétendait combattre avec acharnement, c’est-à-dire l’arbitraire et l’injustice. L’histoire, implacable, le rattrape aujourd’hui.
Birama FALL