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Affaire des 49 mercenaires ivoiriens: qui a menti

Quarante-neuf (49) soldats, accompagnés d’armes de guerre, avec des fausses identités, sans ordre de mission, débarqués dans un aéroport, à l’insu de leur hiérarchie et des autorités territorialement compétentes… le feuilleton est digne de Ali Baba et les 49 mercenaires. Contre le communiqué N°34 du gouvernement de Transition, la Côte d’Ivoire a cru devoir apporter sa part de vérité. Mais comme le rappelle le Sage Amadou Hampâté Ba entre ta vérité et ma vérité se trouve la vérité : « un vieux maître d’Afrique disait : il y a ma vérité et ta vérité, or la vérité se trouve au milieu. Pour s’en approcher, chacun doit se dégager un peu de sa vérité pour faire un pas vers l’autre ». Faisons l’exercice pour les impératifs pédagogiques et éthiques. Examinons l’intégrité morale et la rigueur intellectuelle du communiqué du Conseil National de Sécurité de la Côte d’Ivoire avant de faire notre religion. La vérité étant une et inaltérable.

 

Quarante-huit heures après les faits, la Côte d’Ivoire sort du silence dans lequel elle s’était murée depuis l’interpellation de 49 de ses soldats à l’aéroport Président Modibo Keïta de Sénou. Ce mardi 12 juillet, une réunion extraordinaire de son Conseil National de Sécurité s’est tenue sur l’arrestation, le dimanche 10 juillet 2022, des 49 militaires ivoiriens que notre pays qualifie de mercenaires.

Qui se justifie s’accuse

Selon un communiqué de la Présidence ivoirienne, au Conseil national de sécurité ivoirien, le Chef d’État-major général des Armées a fait une présentation sur les circonstances de la présence des 49 militaires ivoiriens sur le sol malien et de leur arrestation. En fait, il s’agit d’un bel euphémisme pour dire justification a posteriori du rodéo incongru de ce contingent sur notre territoire. En effet, on le sait en matière de justification, qui se justifie s’accuse or “la justification, c’est le début du mensonge.” Dans l’obligation de justifier devant l’opinion nationale et internationale, le Côte d’Ivoire a-t-elle tout dit sachant qu’“une demi-vérité est un mensonge complet.” ?

Pour sa part, le Mali qui n’a aucun intérêt à une crise diplomatique ou une brouille de quelque nature que ce soit avec la Côte d’Ivoire voisine a fait son devoir, dans la fraternité africaine et dans la convenance du bon voisinage. «Pour en savoir davantage, des responsables des Forces de Défense et de Sécurité maliennes ont contacté immédiatement leurs homologues ivoiriens. Ces derniers ont affirmé qu’ils ignoraient tout de la présence des militaires ivoiriens interpellés au Mali», précise le ministre Porte-parole du gouvernement.

Or, nulle part dans le communiqué daté du 12 juillet 2022, 24 heures après celui de notre gouvernement, la présidence ivoirienne ne nie et ne dément que des responsables des Forces de Défense et de Sécurité malienne ont contacté les leurs et que ceux-ci ont affirmé qu’ils ignoraient tout du rodéo du contingent des 49 mercenaires sur notre territoire. “La vérité attend. Seul le mensonge est pressé.” Et comme aimait à enseigner le Sage de Horokoto, Fily Dabo Sissoko : « La vérité finit toujours par triompher, le mensonge n’attend que son heure de honte ».

Soldats ivoiriens, mais…

Autant “une excuse est un mensonge fardé” autant “une demi-vérité est un mensonge complet.” Quid des douces et berçantes contre-vérités avancées dans le communiqué de la présidence ivoirienne ? Ces mélodieuses contrevérités peuvent-elles se justifier par la situation exceptionnelle de la fête ou un cas de force majeur ? Que nenni.

De manière péremptoire, croyant faire mentir le gouvernement du Mali et oubliant qu’il n’y a pas que des benêts pour avaler tout ce qu’elle raconte, la Présidence ivoirienne avance ses arguments à faire dormir debout. Examinons-les :

La Côte d’Ivoire reconnaît que «ces militaires sont régulièrement inscrits dans l’effectif de l’Armée ivoirienne ». En justifiant la présence des 49 mercenaires dans notre pays comme entrant dans le cadre des opérations des Éléments nationaux de Soutien (NSE), la présidence ivoirienne prend un grand écart avec la vérité.

Selon le communiqué, «en vertu d’une convention signée, en juillet 2019, entre la Côte d’Ivoire et l’Organisation des Nations Unies, et conformément à un contrat de sécurisation et de soutien logistique signé avec la Société Sahel Aviation Service (SAS), des militaires ivoiriens sont présents à l’Aéroport de Bamako. Depuis cette date, 7 contingents se sont relayés périodiquement sur ce site, sans aucune difficulté ». Non, depuis cette date, il y avait magouille.

Engagés à une

protection privée

En effet, la Côte d’Ivoire évoque deux conventions, l’une avec les Nations-Unies, l’autre avec une société étrangère, sous-traitant de l’ONU pour déployer un contingent sur le territoire souverain du Mali sans demander son avis et son accord à aucun moment. Fermons notre passion anti-colonels, anti-Assimi ou anti-Choguel et ouvrons notre intelligence ! Des gens se mettent d’accord sans te consulter pour déployer des militaires chez toi, et on dit que tu ne dois pas réagir…  Un gouvernement responsable, respectable de l’État de droit et de la souveraineté du Mali, dans la circonstance, aurait produit un document qui atteste de l’accord du Mali pour déployer ce contingent problématique à l’aéroport de Bamako. Mais au lieu de ça, la Côte d’Ivoire veut tirer profit de la chienlit qui existait et dont la Refondation s’est donné comme mission d’éradiquer. Donc, la Côte d’Ivoire n’a aucune convention d’aucune sorte avec notre pays pour y déployer un contingent. Sinon elle aurait brandi le document comme elle a brandi la convention qui la lie à l’ONU depuis 2019. Quid de la conformité du détachement avec les normes onusiennes du NSE ?

Selon le communiqué de la présidence ivoirienne, «la présence de ce détachement des Éléments nationaux de Soutien est conforme aux mécanismes de soutien aux contingents des pays contributeurs de troupes dans le cadre des Missions de Maintien de la Paix et est bien connue des autorités maliennes ».

Sordide business

La question se pose alors de savoir comment le « 8e détachement NSE » ivoirien au Mali qui est censé être déployé par la Côte d’Ivoire (Pays contributeur) en soutien à son contingent à Tombouctou se retrouve à sécuriser la base logistique à une compagnie aérienne à Bamako « conformément à un contrat de sécurisation et de soutien logistique signé avec la Société Sahel Aviation Service (SAS) » ?

Deux observations ne sont pas intelligibles à l’esprit :

Comment la mission onusienne se permet-elle sans aucun accord du pays hôte (le Mali) d’autoriser le déploiement d’un détachement de militaires d’un pays contributoire de troupes à la Minusma sous les ordres d’une société privée (SAS) chargée de se sécuriser ou de sécuriser le détachement allemand ?

Comment la Minusma a autorisé (convention signée en 2019) à la société privée, Sahel aviation services (SAS) à avoir sa petite armée privatisée dans notre pays basé à l’aéroport ?

Comment la Côte d’Ivoire, nation respectable et souveraine, est-elle arrivée à monnayer à une société privée le soutien pour son contingent déployé dans le cadre de la Minusma ? N’est-ce pas là un sordide business au détriment de ses troupes et du Mali qui, pendant tout ce temps, est mis à l’écart et tenu en ignorance de ce business dans lequel la Mission onusienne n’est pas totalement claire ?

Mercenariat établi

Dès lors le gouvernement malien n’a-t-il pas raison de les qualifier de mercenaires ? Selon l’article 1er de la Convention de l’OUA sur l’élimination du mercenariat en Afrique est mercenaire, en effet, non seulement celui : «qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l’étranger pour combattre dans un conflit armé » mais aussi celui «qui prend part aux hostilités en vue d’obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise, par une Partie au conflit ou en son nom, une rémunération matérielle ». C’est le cas de ce détachement engagé par cette société privée « Sahel Aviation Service (SAS) moyennant la rétribution en espèces sonnantes et trébuchantes.

C’est bien de crier et de donner les «mercenaires» recruter par le Mali, mais, quand un État souverain et respectable comme la Côte d’Ivoire fait faire du mercenariat à ses soldats pour des sous-traitants de la Minusma, c’est le comble.   

L’ONU se démarque

C’est avec surprise et circonspection, le Palais de ver s’est planché ce mardi sur cette Affaire rocambolesque des 49 mercenaires. Contrairement aux affirmations de la Présidence ivoirienne et de ses relais, les Nations-Unies n’ont pas été informées en amont (avant), mais en aval (après). Elles y ont trouvé beaucoup d’incohérence. En effet, l’ONU prend carrément le contre-pied du porte-parole de la Minusma, Olivier Salgado qui disait qu’étaient « déployés depuis plusieurs années au Mali dans le cadre d’un appui logistique pour le compte de l’un de nos contingents» et laissait entendre qu’ils faisaient effectivement partie d’« éléments nationaux de soutien » logistique à la Minusma. Bien, faux et archifaux. Selon plusieurs médias, qui ne caressent pas notre pays dans le sens du poil, «après avoir épluché les fichiers de personnel, l’ONU en est sûre : ces hommes n’ont pas le statut d’éléments nationaux de soutien, comme a tenté de faire croire le Conseil national de sécurité ivoirien. Pire : l’ONU se dit dans l’impossibilité de «déterminer dans quel cadre ces soldats ont été dépêchés à Bamako, ni leur lien contractuel avec la société censée les embaucher, Sahel Aviation Service». Par-dessus tout, les Nations-Unies disent n’avoir jamais autorisé l’importation des armes dans le second avion.

Dès lors, c’est un grossier mensonge loin d’être honorable de la part de la présidence ivoirienne que dire que «les armes du contingent (étaient) autorisées par les Nations Unies pour la protection personnelle et les cas d’autodéfense et selon les procédures en la matière… » Encore que nulle part, le ministre porte-parole du gouvernement du Mali n’a dit que les militaires ivoiriens étaient armés à leur descente de l’avion.

Selon la version des autorités ivoiriennes, les 49 soldats seraient venus au Mali dans le cadre de la sécurisation de sites logistiques de la compagnie SAS, elle-même mandatée par le contingent allemand de la Minusma. Cette dernière conteste avoir fait appel aux éléments ivoiriens. La Minusma est-elle au courant ? Non répond Olivier Salgado, porte-parole de la Minusma à notre confrère français Libération. À ses dires, à prendre avec des pincettes dans cette affaire : «les détachements NSE sont embauchés par les contingents pour réaliser des tâches hors mandat, comme garder des entrepôts…. La Minusma n’intervient pas dans ces contrats».

Qui est au courant du contrat entre l’État de la Côte d’Ivoire et la société SAS ? Pour sa part à l’ambassade d’Allemagne, on nie être à l’origine du recrutement. «Il n’y a pas de lien direct entre ces soldats ivoiriens et nous», assure un diplomate allemand au journal Libération. La société SAS n’a pas encore communiqué sur l’affaire, mais comme on l’a vu le cadre légal des NSE n’autorise pas des entreprises à faire appel à ce mécanisme dévolu aux États.

Grossier montage

Les constats faits par le communiqué N°34 restent irréfutables à savoir que :

« 1. Ces militaires, dont une trentaine des forces spéciales étaient en possession d’armes et de munitions de guerre, sans ordre de mission ni autorisation ;

2. La profession réelle des militaires était pour la plupart dissimulée. Sur la majorité des passeports des militaires interpellés, les professions inscrites étaient les suivantes : étudiants, chauffeurs, maçons, mécaniciens, vendeuses, électriciens, vigiles, peintres, etc. ;

3. Quatre (4) versions différentes ont été avancées par les militaires interpellés pour justifier leur présence sur le territoire malien, à savoir : la mission confidentielle, la rotation dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA), la sécurisation de la base logistique de la compagnie aérienne « Sahelian Aviation Services » et la protection du contingent allemand».

  

Nulle part le communiqué de la Présidence ivoirienne ne démet des constatations. Il se contente tout juste d’aligner une autre contre-vérité en disant qu’à « leur arrivée au Mali, dans le cadre de la 8e rotation, le dimanche 10 juillet 2022, une copie de l’ordre de mission du contingent a été transmise aux autorités aéroportuaires maliennes, pour attester de la régularité de la mission. Le Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale ainsi que le Chef d’État-major des Forces armées maliennes en ont reçu copie».

Pour vernir ce mensonge, les services ivoiriens font largement fuité la lettre en date du 11 juillet 2022 de leur ambassade au Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale (Direction du protocole de la République) dont l’objet était de « faire parvenir, ci-joint, l’ordre de mission du 8e détachement de la Nationale support Element (NSE) au Mali pour la relève du 7e détachement». Si on se fie à ce document fuité par les services ivoiriens le 11 juillet 2022, soit 24 heures après l’arrestation des 49 soldats ivoiriens leur ordre de mission n’avait pas été transmis. Mieux, le policier sanctionné dans cette affaire dit clairement dans un audio qui circule sur les réseaux que lorsque le détachement a débarqué et voulait viser ses passeports, mais il n’y avait pas d’ordre de mission.

Prêcher l’apaisement

Au lieu de reconnaître humblement que quelqu’un n’a pas fait son travail, de plaider les contretemps de l’embargo et de la fête et d’implorer la compréhension fraternelle, la Côte d’Ivoire fait dans les oukases et ordonne «aux autorités maliennes de libérer, sans délai, les militaires ivoiriens injustement arrêtés » 

Que le Conseil National de Sécurité qui pense devoir « rappeler que la Côte d’Ivoire, qui a toujours œuvré au sein des instances sous-régionales, régionales et internationales, pour la paix, la stabilité et le respect de l’État de droit, ne peut s’inscrire dans une logique de déstabilisation d’un pays tiers » explique aux Nations-Unies d’abord pourquoi ce détachement est dans notre pays, sans papier et sans aucune information.

Tant que le pays leader du panafricanisme, le Mali, doit prendre note de la volonté des autorités ivoiriennes de continuer d’œuvrer pour le maintien du climat de paix et de la fraternité qui a toujours prévalu entre nos deux nations, mais ne pas baisser la garde.

PAR SIKOU BAH

Source : Info-Matin

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