Le Tribunal de première instance de la Commune IV du district de Bamako devait statuer hier 23 avril sur la demande d’annulation de procédure sollicitée par les avocats du directeur de publication du journal « Le Républicain », Boukary Daou, inculpé pour « incitation au crime et au délit et diffusion de fausses nouvelles ». Le délibéré a été encore renvoyé au 30 avril à la suite d’une demande de rabat formulée par le parquet. Pour ne pas cautionner ce qu’ils ont appelé un procès politique déclenché par le président de la République en personne, les avocats ont refusé d’aller au fond en suspendant leur participation au procès.
Boucary Dao
« Le procès semble prendre une autre connotation que nous ne comprenons pas ». C’est en ces termes que Me Lamissa Coulibaly a introduit sa plaidoirie le 23 avril à l’audience correctionnelle au Tribunal de la Commune IV du district de Bamako, avant d’annoncer au président que les avocats de la défense suspendent leur participation au procès. « Ce renvoi ne doit pas déranger », a rétorqué le procureur de la République qui a par ailleurs indiqué que « la défense veut (simplement) fuir le procès ».
En accédant à la requête du parquet, le tribunal a provoqué l’ire des avocats. « C’est une justice politique ; une justice qui exécute les dérives du président de la République », a enfoncé Me Amidou Diabaté, relevant que le chef de l’Etat, Dioncounda Traoré, a déclaré, contre le principe de l’indépendance de la justice, que l’inculpé sera condamné ou relaxé lorsqu’il s’avérera qu’il « n’y a pas d’homme politique derrière l’article de presse incriminé ».
Rappelons que Boukary Daou a été interpellé le 6 mars par les services de renseignements après la publication par son journal d’une lettre ouverte d’un capitaine de l’armée malienne remonté contre des avantages accordés au capitaine Amadou Haya Sanogo, auteur du coup d’Etat du 22 mars 2012 et qui dirige aujourd’hui le Comité militaire de suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité.
Daou a été détenu, sans charge, pendant 8 jours, à la Sécurité d’Etat avant d’être transféré à la Brigade d’investigation judiciaire. Présenté au procureur le 18 mars, il a été placé sous mandat de dépôt sans avoir été entendu, selon ses avocats. Boukary Daou a bénéficié d’une liberté provisoire le 2 avril dernier, mais il risque encore jusqu’à trois ans d’emprisonnement s’il venait à être reconnu coupable des faits reprochés.
« Nous ne pouvons pas participer à ce procès tant que les droits de la défense ne seront pas respectés », a souligné pour sa part Me Cheick Oumar Konaré. Quel impact cette décision des avocats pourrait avoir sur le reste de la procédure ? En conférence de presse, le chef de file des avocats, Me Lamissa Coulibaly, a indiqué qu’il s’agit d’une « stratégie visant à ne pas cautionner la violation du droit de la défense ». « Nos arguments à l’audience du 16 avril restent valables. Boukary Daou n’a jamais reçu de citation à comparaître », a-t-il déclaré.
Le vice de forme est donc constitué par l’absence de citation qui fait que le « tribunal n’a pas été saisi ou a été irrégulièrement saisi » dans ce dossier. « Lorsqu’il n’y a pas de citation telle qu’exigée par l’article 61 de la loi concernant la presse, c’est l’ensemble de la procédure qui est nulle… Boukary Daou n’a pas été cité conformément à la loi. Et conformément à la loi, la poursuite sera annulée », avait expliqué Me Cheick Oumar Konaré devant les journalistes, le 16 avril dernier.
Youssouf Coulibaly
Ils ont dit :
Me Amidou Diabaté
« C’est une justice qui exécute les dérives du président de la République »
« C’est une justice politique, une justice qui exécute les dérives du président de la République », a enfoncé Me Amidou Diabaté, relevant que le chef de l’Etat, Dioncounda Traoré, a déclaré, contre le principe de l’indépendance de la justice, que l’inculpé sera condamné ou relaxé lorsqu’il s’avérera qu’ »il n’y a pas d’homme politique derrière l’article de presse incriminé ».
Me Lamissa Coulibaly
« Le procès semble prendre une autre connotation que nous ne comprenons pas ».
Me Cheick Oumar Konaré
« Nous ne pouvons pas participer à ce procès tant que les droits de la défense ne seront pas respectés ».
Dérives de la justice :
Les nullités du procureur
Appelé à la rescousse par les autorités pour obtenir comme l’a réclamé publiquement le président de la République la tête de notre confrère Boukary Daou, le substitut du procureur de la République du Tribunal de la Commune IV, Idrissa Touré, s’est donné hier en spectacle. Il était pathétique.
Voulant défendre l’indéfendable comme pour faire plaisir à ses commanditaires, il s’est lancé dans une rhétorique dilatoire qui ne pouvait allier qu’injure et irrespect. Comme pour donner raison à la vérité qui enseigne que « qui sait tout ne sait rien », le plus fort des procureurs maliens qui démolit tout sur son passage, s’est ridiculisé en étalant son ignorance du texte avec lequel il voulait faire son droit sur le droit.
Il dira que notre confrère Boukary Daou n’était pas journaliste pour n’avoir pas fait une école de journaliste alors que sous ses yeux, la loi 00-046 portant délit de presse et régime de presse dont il se dit spécialiste, tranchait la question en son article 4.
On s’est facilement rendu compte que le pauvre a perdu la face en oubliant que ce même Boukary Daou a été inculpé visant deux articles de la loi spéciale sur la presse, les articles 35 et 37 pour « incitation au crime et au délit et diffusion de fausses nouvelles ».
Il ne pouvait pas en être autrement pour lui qui avait eu mission de passer en force et forcer la main du président du tribunal pour justifier une très prochaine promotion. Il s’est ridiculisé et ses patrons avec. Et quoiqu’il arrive, la presse et ses avocats ont déjà gagné car ils ont évité que la loi soit allégrement violée pour des raisons totalement politiques, a souligné Me Diabaté.
Youssouf Coulibaly