Rien ne va plus dans la ruche. En effet, depuis la désignation controversée de M. Dramane Dembélé par la Commission de bons offices comme candidat de l’Adema – Pasj à l’élection présidentielle de juillet, un climat délétère semble s’être installé à Bamako – Coura (siège du part), où déjà chacun aiguise les couteaux en attendant l’instant fatidique, celui du clash final.
Déjà, de nombreux militants, effrayés par la perspective d’une défaite perçue comme quasi certaine à l’élection présidentielle, ont commencé à faire leur valise, en quête de cieux ou plutôt de points d’atterrissage plus cléments. Ils iront probablement grossir les rangs d’autres formations politiques ou rejoindront d’autres écuries présidentielles.
Au sommet du parti, le mouvement de contestation consécutif au choix porté sur l’ancien directeur national de la Géologie et des Mines, s’élargit et s’amplifie. A sa tête, deux figures emblématiques du parti rouge et blanc définitivement convaincues qu’en choisissant Dramane Dembélé, la Commission de bons Offices a, à des fins inavouées, délibérément compromis les chances de succès des abeilles aux élections générales prévues en cette année 2013. Il s’agit de Soumeylou Boubèye Maïga, ancien ministre et membre fondateur du parti, et de Boubacar Bâ dit Bill, maire de la Commune V du District de Bamako, également militant de première heure.
La démission du premier de tous les organes et instances de l’Adema est désormais acquise ; quant au second, il envisagerait sérieusement de maintenir sa candidature à la présidentielle en dépit de la désignation du candidat officiel du parti. D’autres responsables de premier plan de l’Adema seraient, selon nos sources, également sur le point de quitter le navire. Comment en est- on arrivé là et quelles pourraient être les conséquences du choix porté sur Dramane Dembélé pour porter les couleurs du parti de l’abeille à la présidentielle ?
Retour sur un sabordage spectaculaire
Au soir du 14 avril 2013, lorsque fut annoncée la décision de la Commission des bons offices de proposer à l’approbation de la Conférence Nationale de l’Adema, la candidature de Dramane Dembélé, les militants du parti étaient partagés entre plusieurs sortes de sentiments : l’incrédulité et la stupeur pour les plus politiques, et un sentiment diffus mêlant soulagement et résignation pour le plus grand nombre. Les travaux de la Commission de bons offices avaient en effet traîné en longueur et l’impatience gagnait les rangs face aux rumeurs et surtout aux tergiversations de ses membres qui donnaient l’impression de faire du surplace.
A ces sentiments très subjectifs, succéderont bientôt la circonspection et le scepticisme nés de l’analyse lucide et objective de la situation inédite qui venait d’émerger au sein de la ruche avec le choix d’un candidat quasi – inconnu du public, au prétexte de mettre le parti au diapason de l’exigence de renouvellement de la classe politique exprimée au sein de l’opinion.
Très vite, la prise de conscience face aux dangers et périls créés par la nouvelle donne s’opérera. Et le fait que le candidat désigné était celui qui répondait le moins aux critères fixés par la Commission elle – même ne fera qu’aggraver le soupçon de manipulation de ses travaux. Dans un premier temps, d’aucuns ont pointé du doigt la corruption, soupçonnant le candidat désigné d’avoir distribué des espèces sonnantes et trébuchantes aux membres de la Commission et aux délégués des sections.
Peu de temps après, et compte tenu du profil des membres de l’auguste instance, l’on est arrivé à se poser la question de savoir si l’élément déterminant de leur choix pouvait être réduit à la simple vénalité et à se demander s’’il ne fallait y voir l’expression d’une décision politique murie, délibérée. Et de conclure que si la Commission a jeté son dévolu sur un candidat n’ayant aucune chance de gagner, c’est qu’elle entendait ouvrir ainsi la voie à un candidat extérieur à la Ruche. Suivez mon regard.
L’objectif recherché serait, d’une part, d’empêcher au jour de l’élection présidentielle le vote des militants au profit du candidat officiel du parti, ce qui serait facile avec un candidat souffrant d’un réel déficit de légitimité et de notoriété tel que Dembélé, et d’autre part d’orienter ces suffrages sur le candidat Modibo Sidibé.
L’on notera pour mémoire que c’est en vain que l’ancien Premier Ministre d’ATT avait sollicité l’onction du parti de l’abeille à la veille des élections avortées d’avril 2012 et qu’il reste toujours démuni d’un appareil politique digne de ce nom en dépit de la création d’un mouvement de soutien, le Fare.
Au surplus, les tenants de la thèse du complot avancent deux arguments de poids pour étayer leurs dires : la proximité politique de la quasi – totalité des six membres de la Commission des bons offices avec l’ancien président de la République Alpha O. Konaré, dont on dit qu’il est le plus important soutien de Modibo Sidibé, et les liens solides que les uns et les autres entretiendraient avec ce dernier.
Quand on ajoute à tous ces éléments d’appréciation, le tropisme pro Modibo de nombreux barons de l’Adema, on peut se faire une idée de l’identité du bénéficiaire réel du choix de la Commission des bons offices de l’Adema.
Quoi qu’il en soit, un constat s’impose désormais : pour l’Adema – Pasj et sans doute pour de nombreuses années, c’est le monde qui s’est véritablement effondré, pour utiliser le titre français du célèbre ouvrage de l’écrivain nigérian Chinua Achébé intitulé dans sa version originelle «All fall’s apart».
Un bref coup de projecteur sur les conséquences du choix de son candidat au scrutin présidentiel suffit à en convaincre les plus sceptiques.
Coup de projecteur sur les suites d’un choix malencontreux
La conséquence la plus immédiate de la désignation de Dramane Dembélé comme porte étendard de l’Adema – Pasj sera sans doute son élimination de la course présidentielle dès le premier tour, sans que rien ne permette cependant de garantir que le peuple Adema basculera son vote sur le candidat Modibo Sidibé. Cette issue semble inéluctable au regard des deux handicaps rédhibitoires que présente la candidature du chouchou de la Commission des bons offices : son absence criarde de notoriété et son manque de légitimité au sein de sa propre famille politique.
Cristallisant les divisions au sein du parti lui – même, il est illusoire de penser que la candidature de l’homme suscite une dynamique d’adhésion au – delà du Pasj. Or, le vote militant seul ne peut suffire pour accéder au second tour, la majeure partie des électeurs se situant en dehors des organisations partisanes.
A l’Adema, les dieux sont tombés sur la tête
La deuxième conséquence prévisible de la candidature Dramane Dembélé est autrement plus redoutable que la simple élimination d’un candidat au premier tour. Il s’agit de l’inéluctable implosion du parti et son affaiblissement durable. En effet, la campagne pour la présidentielle sera forcément marquée par des divisions et des dissensions qui auront un impact certain sur les listes de candidatures aux élections législatives. Et d’ores et déjà, l’Adema peut faire son deuil de son statut de force parlementaire majoritaire car l’on voit mal comment des leaders politiques qui auront voté et fait campagne pour des candidats opposés à l’élection présidentielle, pourraient se retrouver, sans perdre toute crédibilité, sur les mêmes listes pour l’élection des députés.
Décidément, au sein de la ruche, les dieux sont tombés sur la tête, tandis qu’un cycle politique semble inexorablement s’acheminer vers sa fin.
Birama FALL