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Accords militaires entre le Mali et la France : Cloués au sol !

Dans cet article au sens plein de sens, l’expert, Dr. Aly Tounkara, éclaire les positionnements des forces qui ne s’aiment pas dans le Sahel. L’avenir du Liptako-Gourma sera un théâtre bouillant en raison des velléités inavouées par certaines parties.

 

 Il n’est l’ombre d’aucun doute que rien ne se passe de positif entre le Mali et la France (depuis le second coup d’État de mai 2021), entre l’élite militaire malienne au pouvoir et les dirigeants français En effet, depuis un certain temps, un climat délétère s’est installé entre les deux pays,  situation conflictuelle qui vient de connaître son apogée avec la dénonciation par le Mali des accords miliaires signés avec la France et ses partenaires de Takuba  (Traité de 2014 et Status of Force Agreements, ou Sofa). ). Cette dénonciation intervient, selon les autorités maliennes, après plusieurs violations par la France desdits accords (violation de l’espace aérien, atterrissages sans autorisation préalable dans des localités hors aérodromes, falsification des documents de vol, etc.). 

 Quelles sont les conséquences de cette montée d’adrénaline entre les deux parties ?

 Au regard du contexte actuel, on peut avancer que la France va continuer sûrement à isoler le Mali dans le cadre de la coopération internationale. Cela pourrait se concrétiser par la mise à l’écart du Mali lors des exercices militaires sous régionaux, le refus d’accorder le visa aux officiels militaires maliens, quel que soit le motif du séjour évoqué par ces derniers.En ce qui concerne la formation, le partage de renseignements, le soutien logistique accordé aux Forces Armées Maliennes (FAMa), la coopération avait été déjà suspendue par la France, il y a de cela quelques temps. Dans ce contexte, la dénonciation des accords précités pourrait aboutir à l’arrêt définitif (car on assiste déjà à la suspension) d’une coopération militaire effective et réelle entre le Mali et ses voisions, en occurrence le Burkina Faso et le Niger car la France, très engagée dans ces deux pays et servant d’interface entre les armées de ces deux pays et l’armée malienne, n’est pas du tout satisfaite des autorités militaires de Bamako. En conséquence, la coopération transfrontalière, dans le cadre de la lutte contre les groupes radicaux violents avec le référentiel musulman, reste donc très hypothéquée.

Ce faisant, la dynamique du retrait des forces européennes (Barkhane et Takuba) du Mali pourrait se poursuivre avec plus de tensions, de suspicions et de menaces de part et d’autre. On sait que déjà les deux armées (malienne, avec l’aide des éléments russes, et française) s’accusent mutuellement d’être à l’origine d’un charnier supposé ou réel découvert à Gossi (camp anciennement occupé par la force Barkhane dans le Nord du Mali) après le transfèrement solennel du camp à l’armée malienne. Subséquemment, les troupes européennes, en cours deretrait du territoire malien, perdraient la liberté de circulation sur le territoire de ce pays, de même que l’exonération douanière accordée dans le cadre desdits accords. Il n’y aurait plus   d’immunité militaire sur les possibles bavures qu’occasionnerait la suite du retrait des hommes et du matériel de la Barkhane et de la Force Takuba du Mali.

Sur un tout autre plan, le risque de voir la France ne pas du tout obtempérer aux injonctions de la partie malienne est réel. Si cela advenait, les autorités maliennes continueraient à prêcher dans le désert parce que n’ayant aucun moyen (ni militaire, ni économique) pour exiger de la France un retrait dans un délai hors de celui que la France considérerait comme celui du « bon ordre et du nécessaire » (cf. les déclarations du Président Macron à ce sujet). Ce qui pourrait être considéré par les autorités maliennes comme un manque de respect de la souveraineté du pays et de la dignité du Peuple malien, et entraîner une surchauffe dans la rue ou une escalade diplomatique. 

Incidemment, le futur de la région du Liptako-Grouma pourrait être marqué par une compétition sans précédent entre les puissances militaires occidentales, en particulier française et russe, puissances qui instrumentaliseraient la menace terroriste, infantilisant ainsi les militaires sahéliens (incapables de lutter tous seuls contre les groupes terroristes sans le soutien de leurs frères d’armes de l’Occident) afin de  légitimer leur  présence en qualité de sauveurs et de s’adonner à une compétition sans précédent autour du sous-sol sahélien et, par ricochet,  s’assurer d’un positionnement géopolitique et stratégique dans le concert des Nations. 

 A retenir

 In fine, il est important de dire que la pertinence et la vertu du droit international à travers la règle du pacta sunt servanda(article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969) ne sont que la cube de surface. Seules les forces économiques et militaires comptent dans les relations internationales, entre États, et ce, étant entendu que les pays membres du Conseil de Sécurité de l’ONU ne lèveront pas le petit doigt pour obliger un des leurs à se plier aux règles internationales, eu égard aux intérêts qu’ils se partagent.  Tout le reste n’est que du vent.

Dr. Aly TOUNKARA, Expert au Centre des Études Sécuritaires et Stratégiques au Sahel (CE3S).

Email : contact@ce3safrica.net

Source : Le National

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