Serait-t-il devenu une coquille vide ? La question mérite naturellement d’être posée. Signé à Bamako en deux temps (en mai et juin 2015), l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu des pourparlers d’Alger traine le pas au profit de la CMA.
Le bateau « Maliba » continue de tanguer. Dieu merci, il n’a pas chaviré. Le chemin de la paix reste parsemé d’embuches. La raison est simple : face à la montée en puissance de l’armée malienne, la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad), pour se défaire de l’étau qui se resserre de plus en plus autour de lui, n’a jamais cessé de multiplier les manœuvres pour torpiller le processus de paix. La dernière remonte à quelques jours, par son refus catégorique de l’entrée dans la ville de Kidal de la 3è compagnie du bataillon de « l’armée malienne reconstituée ». En effet, cette montée en puissance des FAMa a toujours créé la panique dans les rangs de la CMA. Devant le silence coupable de la communauté internationale, censée être gardienne de l’accord, ces ex-rebelles de l’Adrar des Ifoghas n’ont pas eu froid aux yeux d’exiger qu’un officier supérieur issu de leur rang soit à la tête du convoi. Le reste de l’aventure est connu : après trois jours dans le désert à Tarkint, ces troupes de l’armée dite reconstituée ont rebroussé chemin pour se replier à Gao. Et c’est l’incompréhension qui s’installe dans la même cité des Askia, où le colonel Oumar Abba Soumaré, commandant du MOC (Mécanisme opérationnel de coordination) a été assassiné le soir du jeudi 14 mai suite au braquage de son véhicule. Ce qui est incontestable, c’est que l’attitude de la CMA ne sert pas autant d’instaurer un climat de paix dans le nord. Au contraire, depuis la signature de cet Accord, l’ex-groupe rebelle a toujours montré une position confuse quant à la reconnaissance de l’unité nationale et l’intégrité physique du territoire du Mali. A chaque étape de la mise en œuvre de l’Accord, les ex-combattants de la CMA ont trouvé des astuces pour imposer leur volonté séparatiste au point que le sud du pays commence à croire que Bamako est complice de la partition du territoire. En réalité, l’Accord connait des blocages énormes, tant bien qu’on s’efforce à positiver le processus à travers des actions du DDR, le MOC, et le retour de l’Etat à Kidal. Quel Etat ? A quelle condition ? Pour quelle fin ? Et ce n’est pas la Minusma qui soutiendra que les avancées de l’accord sont à la hauteur des attentes. On aurait pu mieux faire si le clan de Bilal Ag Chérif privilégiait la carte de la sincérité. Au regard des efforts consentis pour sa mise en œuvre et le résultat obtenu après 5 ans, on est en droit d’affirmer sans se tromper que l’Accord pour la paix joue en faveur de la CMA qui ne s’est jamais séparée de son agenda séparatiste. C’est pourquoi, avec moins de 1% de la population nationale elle se bas comme un beau diable pour arracher son autonomie et se rendre maitre des ¾ du territoire. En vérité, l’accord est une coquille vide, et ce n’est pour rien que le DNI a recommandé aux parties signataires le contenu pour que la paix durable à laquelle aspire la majorité des Maliens puisse voir le jour. Mais à cette allure, on atteindra une décennie sans que Kidal ne soit véritablement dans le giron du pouvoir central de l’Etat. Cela ouvrira certainement la voie à l’indépendance de l’Azawad, ce que les Maliens ne souhaitent pas voir et entendre.
Jean Goïta
Source : La lettre du peuple