Depuis la signature du Pacte National, le 11 avril 1992, par les plus hautes autorités maliennes, notre pays est l’objet d’un complot commandité par ses dirigeants successifs, de 1992 à nos jours. Nous y consacrons nos focus.
Mali: Rapport de l’ONU sur les attaques
Le secrétaire général de l’ONU note «l’influence grandissante des groupes terroristes et fauteurs de troubles» et leurs «méthodes de plus en plus sophistiqués», alors que le nombre d’attaques a pratiquement triplé, de 2015 à 2016. De son coté, la Fédération de la ligue internationale des Droits de l’homme (FIDH) a compté, pour 2016,385 attaques terroristes au Mali, ayant couté la vie à au moins 332 personnes dont 207 civils et, au cours du premier trimestre 2017 «au moins 45 attaques terroristes ayant causé la mort de 110 militaires».
Le rapport d’octobre 2017 du secrétaire général de l’ONU estime que la situation sécuritaire s’est «nettement détériorée et que presque aucun progrès n’a été fait dans l’application de l’accord de paix».
Recrudescence du djihad, plusieurs tendances préoccupantes restent à suivre:
* La contagion djihadiste: le non-désarmement des groupes touaregs signataires a suscité des réactions d’armement ou de recherche de protection, y compris auprès des djihadiste. Par exemple, dès 2012, des Peuls ont rejoint le Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) pour se protéger des Touaregs Daoussak qui avaient alors adhéré au Mouvement national pour la libération de l’Aawad (MNLA). Il y a aussi une contagion géographique.
Des attentats organisés depuis le septentrion malien ont eu lieu à Bamako, en 2015, à Ouagadougou et en Côte d’Ivoire (Grand Bassam), en 2016. Depuis 2017, le groupe Ansarul Islam fondé par le prêcheur Malam Ibrahim Dicko, au Nord du Burkina Faso, exploite aussi des griefs sociaux et locaux.
* L’extension de l’insécurité vers le Centre du Mali: avec le pseudo-«Front de libération du Macina», branche locale d’Ansar Dine, dirigée par le prédicateur peul, Amadou Kouffa, qui aurait adhéré à la Jamma’at Tabligh, depuis 2004, et aurait effectué à ce titre un séjour au Pakistan. Il s’agit aussi d’exploiter pour certains la faible présence de l’État et de militariser des frustrations (sentiment des Peuls du Macina d’être marginalisés) et des conflits fonciers locaux, entre Peuls de castes différentes et des rivalités provenant d’une stratification sociale et religieuse sclérosée (famille maraboutique dominante).
* L’apparition du groupe État islamique (EI): dans un paysage terroriste se référant essentiellement à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Le groupe Al-Mourabitoune de Belmokhtar s’est ainsi récemment scindé en deux, dont une faction a rallié l’État islamique (EI), avec Abou Walid el-Sahraoui, «émir de l’État islamique au Grand Sahara». Iyad aurait aussi rencontré cet «émir», en 2018.
* Conséquences de l’Accord d’Alger 2015: les difficultés qui étaient très prévisibles du processus politique étaient que beaucoup de communautés locales sont restées à l’écart du conflit, alors même que les différents groupes rebelles ou loyalistes n’ont toujours pas été désarmés, en 2018.
Il s’est produit alors une fragmentation par repli identitaire, insécurité persistante due aux hommes armés, et dépit d’être écarté des bénéfices de l’accord d’Alger de 2015. Ceci a suscité de nouveaux mouvements armés sur une base tribale: outre le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), déjà cité, le Congrès pour la justice dans l’Azawad, qui veut représenter la tribu touarègue des Kel Ansar (région de Tombouctou), qui se sentait non prise en compte. Les Songhoi, majoritaires au Nord, ont créé, en 2017, leur propre mouvement politiqu : Irkanda (ce qui signifie «le pays»), englobant aussi des Peuls et des Bellahs de culture songhaï.
Enfin les Bellahs ont également formé une association «Temedt» et des groupes armés, depuis 2016, (Bouctou, MBGM, FACO et MPFR2). On assiste ainsi à une véritable tribalisation armée, conséquence logique de l’accord d’Alger de 2015.
* L’impunité des crimes et des attentats: pousse les populations à s’armer et/ou à rechercher la protection d’une milice, djihadiste ou pas. La présence prolongée de forces étrangères et non musulmanes sur place ne va pas de soi et alimente une propagande nationaliste ou djihadiste. Il faudrait une police de proximité malienne, et traiter certains crimes pour ce qu’ils sont et par voie judiciaire, sans toujours vouloir classer leurs auteurs dans une catégorie irréductible à traiter seulement par la voie militaire.
De nombreux individus avaient adhéré au Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) non par conversion au djihadisme, mais pour se procurer des armes et une formation, dans un contexte d’insécurité.
Autorités intérimaires source de tensions: par ailleurs, des signataires ex-rebelles de l’accord d’Alger, conscients de leur statut ultraminoritaire, rechignent aux élections et les ont localement empêchés, ce qui présage mal de la suite. Dans ce contexte, la formation d’«autorités intérimaires» faisant la part belle aux anciens rebelles est aussi une source de tensions (l’ex-rebelle Hassan Fagaga, président à Kidal).