Officier supérieur de la gendarmerie nationale du Mali et magistrat militaire de formation, Abdoulaye Modibo Sow est également un écrivain talentueux. Passionné de la littérature et inspiré par Seydou Badian, il publie son premier roman, Dioungou, en 2019. Edité par Innov Edition, cet ouvrage éveille les souvenirs d’une partie de sa jeunesse et met en relief le quotidien et les réalités de la vie en milieu traditionnel dans la boucle du Niger. Nous avons rencontré l’auteur pour parler de sa toute première publication qui, selon lui, ne sera pas la dernière si Dieu le veut.
Aujourd’hui-Mali : Bonjour Que signifie le mot Dioungou et son choix comme titre ?
Abdoulaye M. Sow : Le mot Dioungou en langue vernaculaire Sonrhaï est une déformation dialectique de Diounga qui veut dire en français “bosse de bœuf”. La bosse de bœuf est la partie la plus prisée de la viande de bœuf parce qu’elle est tendre et molle. C’est pourquoi, par juxtaposition dans le langage sonrhaï, Dioungou est l’enfant qui est beaucoup choyé et aimé et qui bénéficie de la tendresse de toute la famille. Un enfant qui, par cette puissance de protection familiale devient le plus paresseux de la famille, voire de la communauté. Le terme est utilisé aussi dans le cousinage à plaisanterie pour qualifier son interlocuteur de paresseux.
En ouverture de votre roman, vous avez dédié un poème à votre mère. Peut-on savoir pourquoi ?
Sans pourtant être exagéré dans mes dires, je dirais que ma mère c’est ma vie car elle m’a donné vie elle m’a façonné à sa manière. C’est elle qui a façonné ma vie et ma réussite. Tout ce que je suis aujourd’hui, c’est grâce à elle. Je ne peux la remercier et ce poème c’est pour lui rendre un vibrant hommage pour tout ce qu’elle a fait pour moi.
A la page 13 de votre livre, vous faites la description parfaite d’un lieu que vous ne nommez pas. Peut-on savoir où c’est ?
Effectivement, j’ai décrit un village, une réalité. J’ai fait exprès de ne pas nommer le lieu. C’est pour que tous ceux qui partagent les mêmes réalités et les habitudes sur le long de la boucle du Niger se retrouvent dans mes écrits. C’est pourquoi, quand vous lissez cette partie décrivant ce village fictif, vous vous retrouvez dans n’importe quel village de la boucle du Niger. J’ai aussi parlé de l’aspect mythique de la localité.
Vous qualifiez l’accouchement traditionnel d’”accouchement vertical”, pouvez-vous expliquer cette qualification ?
Par le passé, il n’existait pas de centre de santé dans ces zones-là. Il y avait à l’époque une pratique annecienne de l’accouchement qui était pratiquée par des accoucheuses traditionnelles. La femme était mise dans une position verticale sur une natte. Il n’y avait pas de table d’accouchement. C’est pourquoi on appelle cette pratique l’accouchement vertical à cause de la position qu’adopte la femme sur la natte lors de son accouchement.
Vous avez parlé de l’initiation des jeunes dans votre milieu, qu’est ce qui a motivé cela ?
L’un des intérêts principaux de ce livre c’est que j’ai voulu participer à la préservation des us et coutumes et surtout des pratiques réservées aux jeunes de 10 ans ou un peu plus. C’est ainsi que j’ai évoqué la structuration de la couche jeune dans notre société car ce sont ces jeunes qui deviennent un jour les hommes responsables de la société. Dans notre société d’antan, il y avait une certaine organisation qui a tendance à disparaitre du fait de la modernité.
Vous parlez aussi de religion dans votre ouvrage… !
Le milieu dont je parle dans mon livre est aujourd’hui dominé par la religion musulmane, c’est pourquoi je ne pouvais occulter cette pratique religieuse. En dehors de tout ce qu’il y avait comme us et coutumes, la religion musulmane qui est d’ailleurs importée, est pratiquée dans ce milieu. C’est pour dire que la religion et certaines de nos traditions ne se contredisent pas, au contraire contribuent ensemble à l’éducation et à l’épanouissement de la société.
Pourquoi le choix de devenir écrivain ?
Depuis le cycle fondamental, j’avais un penchant pour l’écriture et surtout quand j’ai lu pour la première fois “Sous l’orage” de Seydou Badian Kouyaté, j’ai eu l’idée de faire comme lui et depuis je me suis lancé dans la littérature. C’est pourquoi, d’ailleurs, au lycée j’ai fait langue et littérature. Après le bac, mon choix était de faire les Lettres à l’Ecole normale supérieure (ENsup). C’était mes deux premiers choix sur la fiche d’orientation, mais j’ai été orienté à la Faculté des sciences juridiques et économiques qui était mon troisième choix. Cependant, je n’ai pas rompu avec ma passion pour la littérature, d’où ce livre.
Quels sont vos projets d’écriture ?
J’ai commencé pour ne pas arrêter. Si Dieu me donne force, santé et longévité, je vais continuer l’écriture qui est une passion pour moi. Bien vrai que ma vie professionnelle ne me permet d’écriture à plein temps, je ne manquerai pas le temps d’écriture. Ce roman Dioungou se termine par le nom Soumou qui est la fille de Dioungou.
Si à l’époque de Dioungou, il y avait les us et mœurs et la religion, l’époque de Soumou est celle de la dépravation des mœurs. Elle va grandir, aller à l’école des Blancs, venir en ville et affronter les réalités des grandes villes. C’est la suite du roman que je compte écrire si Dieu me donne la force et la santé de le faire.
Quels conseils avez-vous pour les jeunes qui veulent écrire ?
J’incite les jeunes à écrire. Ils doivent être audacieux parce qu’il y en a beaucoup qui veulent écrire, mais qui ne sont pas audacieux. Ce qui m’a donné plus de motivation dans l’écriture, c’est quand j’étais en mission des Nations Unis en Haïti, en 2014. J’ai eu à participer à un salon du livre où j’ai remarqué que les 30 % des écrivains était des jeunes. Des jeunes qui ont écrit depuis le lycée. Je pense que le moment propice pour l’écriture est pendant la jeunesse. Je reste toujours ouvert aux critiques afin de m’améliorer. Mon ambition est de figurer parmi les grands hommes de la littérature malienne. J’invite les jeunes à être audacieux et à écriture afin de contribuer à la préservation de la culture malienne.
Réalisée par Youssouf KONE