DW : Est-ce que vous cherchez à retrouver une forme de partenariat avec l’Allemagne ou des pays européens avec lesquels les relations ont peut-être été un peu froides ces derniers temps ?
Abdoulaye Diop : Après l’expérience de la présence des forces internationales, y compris les Nations unies, le Mali a vite compris les limites aussi de ce type d’intervention, qui dans certains cas renforçait aussi la dépendance, ne répondait pas à la situation dans le sens où ça ne donnait pas les capacités aux Maliens et à l’État malien d’assurer la sécurité.
L’État malien est parti pour un changement de paradigme qui fait que la sécurité des Maliens doit être désormais entre les mains des Maliennes et des Maliens.
DW : Et quelle est la situation de cette sécurité ? Comment la décrivez-vous actuellement ?
Nous pensons que la sécurité s’améliore au niveau du Mali.
Pendant la présence des forces internationales, le Mali ne contrôlait pas plus de 40 % de son territoire national.
Aujourd’hui, le Mali a le contrôle de l’ensemble de son territoire national.
L’armée et les forces de défense et de sécurité ont reçu des capacités et des moyens importants sont à l’offensive dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Beaucoup de succès ont été remportés. Plusieurs terroristes ont été neutralisés, certains se sont rendus.
Et aujourd’hui, nous voyons que dans beaucoup de localités, des personnes déplacées et autres commencent à revenir dans leur foyer.
Mais le défi sécuritaire est un défi de long terme et que même le terrorisme, le Mali seul ne peut pas vaincre, mais pour cela, naturellement, le Mali reste ouvert. Le Mali a indiqué qu’il y avait juste trois principes qui sont importants pour ces relations de partenariat.
Le premier, c’est que tout partenariat doit respecter la souveraineté du Mali.
Deuxième élément, nos partenaires doivent respecter le choix souverain du Mali et le choix de partenaires opéré par le Mali et enfin prendre en compte les intérêts des Maliens.
Si ces principes sont observés, le Mali n’est fermé à aucun pays, aucun partenaire, notamment l’Allemagne qui a été le premier pays qui a quand même établi des relations diplomatiques avec le Mali et avec lequel nous souhaitons maintenir et même renforcer des relations dans tous les domaines.
Aujourd’hui sur le plan bilatéral, rien n’empêche le Mali de continuer à travailler avec l’Allemagne malgré certaines difficultés liées à l’environnement géopolitique.
DW : Certains estiment que vous jouez à une politique de l’isolationnisme qui pèse un peu sur le pays. Que répondez-vous ?
Je crois que c’est une question de perception. C’est une question de narratif.
Il y a certains anciens partenaires du Mali qui sont en train de tout faire pour essayer d’isoler notre pays à cause de nos choix qui ne leur conviennent pas.
Parce que le Mali a décidé de se prendre en charge et de faire en sorte que nous soyons respectés et que notre souveraineté soit respectée donc, mais ceci ne nous dissuade pas parce que le choix que le Mali a fait, c’est pour assurer notre sécurité, c’est pour contrôler notre territoire, c’est pour le confort de nos populations.
Et ces objectifs, nous allons continuer à les poursuivre.
Ce que nous demandons à tout un chacun, c’est que nos relations soient empreintes de respect et que tout partenariat doit être pour nous un partenariat gagnant-gagnant et non de pouvoir nous imposer des politiques de domination ou d’assujettissement de nos pays.
Et justement, ce sont ces politiques, nos choix, qui conduisent certains, nos partenaires qui n’ont pas encore compris les changements qui s’opèrent en Afrique pour essayer de nous isoler.
Mais comme je l’ai indiqué, nous ne le sommes pas.
Nous avons créé la Confédération des États du Sahel, mais avec le Burkina, le Niger, nous travaillons avec des pays de la région, y compris en maintenant une discussion constructive avec la CEDEAO que nous avons quittée.
Aujourd’hui, nous sommes à Berlin pour pouvoir avoir un engagement constructif avec les Nations unies, malgré notre retrait de la Minusma et avec beaucoup de pays qui sont aujourd’hui présents.
C’est une question de perception.
DW : Et comment est-ce que vous décrivez la relation avec l’ONU actuellement ?
La relation avec l’ONU est bonne. Globalement, elle a toujours été bonne. le Mali est un membre des Nations unies depuis son indépendance.
Les Nations unies ont été présentes dans notre pays jusqu’à la mise en place de la Minusma.
Après le départ de la Minusma, aujourd’hui, le Mali a un cadre de collaboration avec les fonds, agences et programmes des Nations unies qui travaillent dans le domaine du développement, dans le domaine humanitaire et au plan politique aussi, nous maintenons un dialogue constructif avec les Nations unies afin de pouvoir l’aider à travailler dans le sens de l’atteinte de ses objectifs.
Mais pour des pays comme le Mali désormais, nous ne comptons pas sur les forces internationales pour assurer la sécurité chez nous.
Nous avons décidé de compter sur nous-mêmes et aussi de tendre toujours la main aux autres qui veulent nous accompagner.
DW : Même s’il y a des menaces, par exemple venant des régions du Nord ?
Vous savez, les régions du Nord aussi. C’est une question à relativiser.
Il y a quelques années, le Mali avait pratiquement perdu la moitié, sinon 40 % de ton territoire national.
Depuis le départ des forces internationales, le Mali aujourd’hui a recouvré l’entièreté de son territoire national.
Kidal par exemple, qui est une des régions du Mali, échapait au contrôle de l’État jusqu’à il y a un an et demi.
Aujourd’hui, grâce aux efforts de gouvernement et des forces de défense et de sécurité malienne, Kidal est revenue dans le giron de l’État malien.
Et dans beaucoup de localités, l’État a fait beaucoup d’efforts pour faire revenir les gouverneurs, les préfets, les services sociaux de base, les écoles, la justice… Donc ça demande beaucoup de moyens.
Mais il y a quand même des efforts conséquents au nord, et y compris aussi, il y a un processus de de réconciliation aussi qui est en cours à côté de l’effort militaire pour essayer de faire en sorte que nous puissions amener l’entente entre tous les Maliens.
DW : Je parlais aussi au plus large de la région, donc aussi des pays étrangers dans le Nord. Est-ce que même face à ce genre de menaces qui pourraient se passer… Vous voulez le nom ? L’Algérie.
Bon, vous savez, l’Algérie est un pays voisin du Mali. Nous travaillons avec tous nos voisins pour pouvoir assurer la paix et la stabilité.
Ce que le Mali demande, c’est que nos voisins s’inscrivent dans une démarche constructive vis-à-vis de nos pays.
Qu’ils cessent de s’ingérer dans les affaires intérieures du Mali.
Qu’ils cessent de soutenir de groupes terroristes comme des groupes séparatistes qui attaquent et déstabilisent notre pays.
Le voisinage doit être basé sur le respect mutuel.
Nos peuples, que ça soit avec l’Algérie ou avec d’autres voisins, on a des relations historiques.
Nous sommes condamnés à vivre ensemble. Le Mali travaille sur la base de principes, donc on ne peut pas être l’ami du Mali et en même temps avoir une main pour déstabiliser notre pays.
Et ça, ce dialogue là, nous l’aurons avec tous nos voisins qui inscrivent leurs actions dans la duplicité et dans la déstabilisation de notre pays.
Ceci n’est pas acceptable.
DW : Si l’Allemagne décide de soigner cette relation, quel est l’effort que vous pouvez imaginer de faire pour s’approcher à des projets communs ?
Nous n’avons pas de crise avec l’Allemagne et malgré les difficultés, la coopération avec l’Allemagne dans une grande mesure est maintenue.
D’ailleurs, le 22 mai prochain, il y aura des consultations germano-maliennes qui se tiendront à Bamako.
Et comme je l’ai dit, l’Allemagne a été le premier pays qui a établi des relations diplomatiques avec le Mali.
Et qui a toujours maintenu une approche assez réaliste de la situation, même si la conjoncture géopolitique mondiale a eu une incidence quelque part sur cette relation.
Mais nous restons confiants avec l’arrivée aussi de nouveaux responsables aujourd’hui à la tête de l’État allemand, avec lesquels nous avons déjà eu ce matin des discussions que nous allons pouvoir travailler de façon pragmatique.
Pour pouvoir préserver l’intérêt de l’Allemagne et l’intérêt du Mali, mais surtout l’intérêt de la paix.
Source : DW