La situation de notre pays était, ce lundi 13 juin 2022, au centre d’une séance spéciale du conseil de sécurité des Nations unies. En huis clos, les membres du conseil se sont exprimés sur la situation politique, sécuritaire et humanitaire de notre pays. Le secrétaire général et son représentant spécial au Mali, El-Ghassim Wane, ont donné les premières salves accusatrices.
Comme sous influence, la majorité du conseil déplore que le Mali ne soit pas parvenu à un accord avec la CEDEAO et ait pris la décision de quitter le G5. Estimant indispensable une feuille de route claire, vers le rétablissement de l’ordre constitutionnel, les membres du conseil ont encouragé notre pays à parvenir à un accord avec la CEDEAO.
Également dans leur viseur, ils se sont plaint des lenteurs des progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger malgré les assurances données par le ministre Diop quant à l’engament de son gouvernement pour la mise en œuvre « diligente et intelligente » de l’Accord pour la paix et la réconciliation qui a connu des avancées notoires.
Sur le renouvellement du mandat de la MINUSMA, le Mali, à travers son ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale, a tenu à être clair quant à sa position et à ses préoccupations et attentes…
Voici les principaux points évoqués par les membres du conseil de sécurité :
Chronogramme de la Transition
Tous les intervenants, à l’exception des représentants de Russie et de la Chine, ont prôné qu’une solution soit rapidement trouvée à l’impasse politique entre notre pays et la CEDEAO pour envisager une levée des sanctions lors du sommet du 3 juillet prochain.
En effet, pour ce qui est de l’annonce du délai de 24 mois pour la Transition, l’écrasante majorité des membres du conseil prend note, mais sont loin de l’approuver.
Le Mali, ont-ils argumenté, a besoin d’une feuille de route claire vers le rétablissement de l’ordre constitutionnel, et pour y parvenir, la société civile doit être associée à tout plan de transition élaboré par les autorités maliennes. L’absence d’accord sur la feuille de route transitoire, ajoutent certains, a un impact négatif sur les activités de la MINUSMA, ainsi que sur la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation.
C’est pourquoi les membres du conseil de sécurité ont-ils plaidé et exhorté notre pays à poursuivre ses échanges avec la CEDEAO afin de parvenir à un accord sur la transition et à une levée des sanctions. Tous souhaitent un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
Seuls six (6) intervenants (le ministre Abdoulaye Diop du Mali, la Directrice de l’ONG Mali Muso, Sadya Touré du Mali, les représentants de la Chine, du Brésil, du Mexique et de la Russie) ont plaidé pour la levée prochaine des sanctions contre le Mali.
Pour rassurer les membres du conseil sur la question du retour à l’ordre constitutionnel au Mali, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a rappelé l’attachement du peuple malien à la démocratie. Évoquant les récents décrets relatifs à la fixation de la durée de la transition à 24 mois, à partir du 26 mars 2022 et créant auprès du Président de la Transition, une Commission de rédaction d’un avant-projet de Constitution, dans le cadre de la Refondation, Abdoulaye Diop a estimé qu’il s’agissait là de la manifestation de l’engagement des autorités de la transition pour le retour à l’ordre constitutionnel. Abondant dans le même sens, il a révélé qu’une nouvelle loi électorale sera très bientôt adoptée par le Conseil National de Transition (CNT) et que le Gouvernement procédera à la publication du chronogramme de la Transition.
Relations Mali-Minusma
L’une des préoccupations des membres du Conseil de sécurité lors de la séance de ce lundi 13 juin 2022 était relative aux relations entre l’État et la force onusienne.
En dehors du représentant de la Chine et celle de la Russie, la plupart des membres du Conseil ont demandé à l’État de respecter l’accord sur le statut de la force et de garantir la liberté de mouvement de la Mission (Mexique) et de cesser toute entrave aux activités de la MINUSMA et aux relèves des contingents. La MINUSMA, souhaitent-ils, doit pouvoir accéder aux zones où il y a allégations de violations de droits de l’homme pour mener ses enquêtes et publier ses rapports (France). En d’autres termes pour permettre à la MINUSMA de mener à bien son mandat au Mali, le Mali doit éviter d’édicter des restrictions de déplacement à l’encontre de la Minusma. Comme si cette mission était de se balader à la recherche d’atteintes aux droits de l’homme.
Enfin certains membres du conseil de sécurité ont déploré le retard dans la rotation des contingents africains de la Minusma, sachant que certaines troupes ont passé plus d’un an avec la MINUSMA par suite du non-octroi des autorisations de vol.
Sur la question le ministre au nom du gouvernement a promis que le Mali ne fera aucune restriction à la liberté de circulation de la Minusma pour remplir son mandat. Selon le ministre Abdoulaye Diop tous les vols demandés par la MINUSMA sont autorisés dès lors que la coordination nécessaire est faite, que les risques à la circulation aérienne sont maîtrisés, et que cela n’interfère pas de manière négative avec les opérations militaires en cours.
Soutien aérien
de Barkhane
Pour le renouvellement du mandat de la Minusma, le représentant de la France au Conseil de sécurité a informé les membres du conseil que la France entendait poursuivre son soutien à la Minusma sur le plan aérien, et estimé que ce soutien était nécessaire à la sécurité des Casques bleus notamment.
Pour sa part, notre ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale a répliqué en faisait savoir que « le Gouvernement du Mali exprime son opposition ferme à l’intervention sur son territoire de la force française Barkhane ». Abdoulaye Diop a appelé le Conseil de sécurité « au respect de la souveraineté du Mali et des décisions prises par les autorités maliennes à cet égard. »
Le Gouvernement du Mali, a-t-il dit, est conscient que la sécurité de la Mission est de la responsabilité du pays hôte, qui mettra tout en œuvre pour assumer cette responsabilité.
Mise en œuvre
de l’APR
La plupart des membres du conseil de sécurité des Nations unies, exception faite du représentant du Brésil, se sont plaint à la suite du représentant spécial du secrétaire général, Chef de la Minusma des lenteurs des progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger. Pour El-Ghassim Wane, l’incertitude liée à la durée de la transition a rendu plus difficile la réalisation d’avancées dans certains domaines, dont l’engagement soutenu en faveur de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation de 2015.
En réponse à ces critiques, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Mali, a déclaré que son gouvernement reste pleinement engagé dans la mise en œuvre « diligente et intelligente » de l’Accord pour la paix et la réconciliation, qui a connu des avancées notoires, notamment sur les plans politique, sécuritaire, du développement, de la justice et de la réconciliation.
Sur le renouvellement du mandat de
la Minusma
Évoquant le renouvellement du mandat de la MINUSMA, seuls les représentants du Ghana, de la Russie et de Chine ont plaidé pour qu’il soit adapté à ses objectifs. Ces membres favorables à un mandat plus robuste ont toutefois demandé un soutien plus important en matière de contingents, de renforcement des capacités sur les actions antiterroristes et de soutien logistique, y compris pour le transport aérien. Cependant, les membres du conseil de sécurité se plaisent à rappeler que même avec un mandat approprié donné par le Conseil, il n’y aura pas de résultats positifs pour la Minusma sans la coopération des autorités hôtes.
Sur le renouvellement du mandat de la MINUSMA, le Mali à travers son ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale a tenu à être clair quant à la position du Mali et à ses préoccupations et attentes :
1°) Le Mali tient tout d’abord, à ce que le mandat soit centré sur la protection des populations civiles et l’appui au rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble de son territoire.
2°) Le Mali souhaite que le mandat de la Minusma puiisse obligatoirement prendre en compte la montée en puissance des forces de défense et de sécurité du Mali
3°) Le Mali s’oppose l’intervention de la force française Barkhane sur son territoire et appelle le Conseil de sécurité au respect de la souveraineté du Mali et des décisions prises par les autorités maliennes à cet égard.
4°) Le Mali demande une nécessaire et meilleure coordination des actions de la Minusma avec l’État malien. En d’autres termes la nécessité pour la MINUSMA de travailler étroitement et véritablement avec les autorités et les parties prenantes maliennes
Respect des droits
de l’homme
Tel un procureur, le Représentant spécial du Secrétaire général, chef de la Minusma, El-Ghassim Wane, a requis à charge contre notre pays ce lundi 13 juin 2022 devant le conseil de sécurité des Nations unies en matière de respect des droits de l’homme. À sa suite plusieurs membres du conseil ont évoqué une forte augmentation des violations des droits de l’homme dans notre pays, violations dont les auteurs présumés seraient des membres des groupes extrémistes et les forces de sécurité maliennes positionnées dans le centre du Mali. Ils ont demandé des enquêtes rapides de manière à permettre la poursuite des auteurs des violations des droits de l’homme.
Pour le chef de la Minusma, le succès des opérations dirigées par le Mali dépendra de deux facteurs : une approche globale qui réponde aux enjeux institutionnels, de gouvernance et socioéconomiques et le respect des droits humains et du droit international humanitaire.
Enfin certains membres de conseil ont demandé qu’un accès humanitaire sans entrave soit garanti dans tout le Mali et que les travailleurs humanitaires soient protégés.
Réitérant la position du Gouvernement du Mali, le ministre Abdoulaye Diop a appelé l’attention du Conseil sur les risques de politisation et d’instrumentalisation des droits de l’homme aux fins d’agendas cachés.
Il a tenu à rappeler que l’amélioration de la situation des droits de l’homme est étroitement liée au progrès sur le plan sécuritaire, ainsi que le retour des représentants de l’État et des services sociaux de base au profit des populations.
Augmentation des effectifs de la Minisma
À la suite du rapport du secrétaire général, certains membres du conseil ont plaidé pour une augmentation des effectifs de la Mission, comme proposé par le Secrétaire général en juillet 2021, afin qu’elle soit en mesure de protéger son personnel, ses convois et ses camps, ce qui suppose des ressources supplémentaires.
Alors dans ce cas pourquoi l’ONU a recours à Barkhane pour protéger la Minusma ?
Le Mali qui avait déjà donné sa position sur la question estime qu’il est indispensable de mieux définir et articuler la notion de protection des civils dans un contexte de guerre asymétrique. Il y a lieu de clarifier contre qui on veut protéger les populations, sachant que la menace principale provient des groupes armés terroristes. Comment la MINUSMA peut-elle protéger les populations si elle n’est en mesure de faire face à la menace ?
Retrait de la Force G5
La plupart des membres du conseil de sécurité intervenant sur la question ont exprimé leur regret quant à la décision du Mali de se retirer de la Force conjointe du G5 Sahel, surtout après les décisions de retrait des forces françaises et autres partenaires du Mali.
Sur le retrait du Mali du G5 Sahel, y compris la Force conjointe le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a rappelé qu’il s’agit là d’une décision souveraine de notre pays en réponse aux violations des traités fondateurs de l’Organisation, à la politique de deux poids deux mesures et aux ingérences extérieures hostiles à l’égard d’un État membre fondateur. Il a invité le Conseil de sécurité à prendre acte de cette décision et à en tirer toutes les conséquences dans la mise en œuvre du mandat de la MINUSMA. En clair, a-t-il ajouté, le G5 Sahel n’a plus vocation à intervenir sur le territoire malien.
Et l’après G5 sahel ? Il gouvernement à travers Abdoulaye Diop se veut rassurant : toutes les dispositions sont prises afin qu’il ne se crée un vide sécuritaire après le retrait de notre pays du G5 et à la suite du départ des forces françaises et de la Task- force Takuba.
Situation humanitaire
Au cours de la séance de ce lundi 13 juin 2022 devant le conseil de sécurité, la situation humanitaire « dramatique » de notre pays où près de 2 millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire a été évoquée.
Les membres du conseil ont prôné un soutien urgent des donateurs afin de combler le déficit de 651 millions de dollars pour l’aide humanitaire au Mali. Quant au représentant des Émirats arabes unis, il a estimé qu’il faut agir vite pour éviter une famine au Mali, compte tenu de l’impact des changements climatiques. Elle a d’ailleurs regretté l’insuffisance des fonds concédés aux pays vulnérables à ce phénomène.
Conclusion
Selon le représentant d’un pays ami du Mali au Conseil de sécurité, il importe que la communauté internationale aide notre pays à renforcer les capacités de son État afin qu’il puisse étendre son autorité sur l’ensemble du territoire et surmonter ses difficultés politiques, sécuritaires et humanitaires. Dans ce contexte, la Minusma doit assumer ses responsabilités de force déployer pour lutter contre le terrorisme et maintenir le rétablissement de l’autorité de l’État dans le nord et dans le centre.
Mais en définitive, la résolution durable de la crise laquelle notre pays est confronté reste la responsabilité principale des Maliennes et des Maliens. La nation malienne qui entend recouvrer sa souveraineté et sa dignité reste déterminée à jouer toute sa partition pour le retour de la paix et de la sécurité sur l’ensemble du territoire national ainsi que celui de l’ordre constitutionnel, en faisant recours aux leviers politique, sécuritaire, du développement socio-économique, de la justice et de la réconciliation.
Cependant, estime le chef de la diplomatie malienne, « la réalisation de ces chantiers ambitieux requiert une lecture lucide, pragmatique, réaliste et holistique de la situation, mais également la compréhension et l’accompagnement de l’ensemble des partenaires du Mali».
Par Sikou BAH
Source : Info-Matin