Les textes stipulent que l’abattage de tout animal de boucherie soit fait dans un abattoir public ou dans une aire d’abattage. Si des dérogations à ces textes existent pendant les cérémonies religieuses, l’aménagement des infrastructures d’abattage de proximité dans les quartiers peut éviter bien des nuisances
Des déchets d’abattage jonchant les sols de rues, des odeurs nauséabondes, ou encore des traces de sang d’abattage couvertes par un essaim de mouches, ce sont des images auxquelles nous sommes habitués les lendemains de fête de Tabaski. L’Aïd el-Kebir, la grande fête, est célébrée durant le dernier mois du calendrier musulman, en commémoration du sacrifice effectué par Abraham. Le Mali fête ce dimanche. C’est un évènement religieux d’une grande importance pour des millions de fidèles. La fête se caractérise donc par le sacrifice d’un bélier. Sacrifice dont l’accomplissement occasionne l’abattage en dehors des lieux déterminés par la loi.
En effet, l’abattage est régulé dans notre pays. Et l’une des dispositions qui le régit est l’article 3 de l’arrêté ministériel N° 21-99 portant interdiction d’abattage d’animaux domestiques et de vente de leurs viandes en dehors des lieux et endroits légalement autorisés. Cet article stipule que « dans le district de Bamako et partout ailleurs en République du Mali, tout abattage en dehors de l’abattoir et des aires d’abattage en tenant lieu est formellement interdit. Toutefois, des dérogations pourront être accordées à titre exceptionnel par le maire, le commandant de cercle ou le chef d’arrondissement à l’occasion de certaines cérémonies (religieuses) et sous réserve de l’autorisation de l’agent de l’inspection sanitaire ».
Ce texte qui remplace l’article 11 de la section 2 de l’arrêté interministériel N° 7028 MNRE-MSPAS, déroge aux dispositions relatives à l’interdiction. Toute chose qui permet en effet aux fidèles musulmans maliens d’abattre désormais leurs moutons de Tabaski à la maison. Mais, certaines contraintes liées à cette pratique restent toujours entières, comme les nuisances environnementales dues aux déchets d’abattage. En effet, peu sont les ménages qui acceptent de conduire leurs moutons à l’abattoir ou dans les aires d’abattage comme le prescrit l’article 3 de l’arrêté ministériel N° 21-99.
PROLIFÉRATION DES INSECTES- La cause ? Le chef du service assainissement et contrôle des pollutions à la maire de la Commune IV du district de Bamako, Oumar Camara, explique que « le respect de ce texte est compliqué. Si on l’appliquait, chaque ménage devrait aller dans une aire d’abattage, alors que dans les communes il n’y en pas assez. C’est très difficile, ce qu’on peut faire, c’est s’assurer que les animaux qu’on abat soient sains en majorité », explique-t-il. Tout en affirmant que l’abattage à domicile pendant la fête n’est pas recommandé, mais il n’y a pas d’autres alternatives. Ce qui doit être accepté de tous, c’est le respect de l’environnement après l’abattage, signale Oumar Camara. Pour lequel, il faut prendre soin des déchets d’abattage pour éviter la prolifération des insectes nuisibles et des microbes, vecteurs de maladies. Selon lui, il y a beaucoup de productions de déchets d’abattage à l’occasion de la fête, beaucoup de nuisances dues à la putréfaction, cela est du à la mauvaise gestion des déchets, regrette-t-il. Il faut bien conditionner ces déchets dans les sacs en attendant l’arrivée des GIE de ramassage, recommande-t-il.
Pour ce qui concerne les contraintes relatives à l’application de la loi portant l’abattage, le Dr Boubacar Y. Kanouté, directeur national adjoint des services vétérinaires explique, lui aussi, l’absence des infrastructures locales nécessaires à l’application de cette disposition. « Actuellement, nous n’avons pas d’aire d’abattage intégrée dans chaque quartier de Bamako, car cela nécessite un travail de fond de la part des municipalités et des services vétérinaires. Néanmoins nous avons les abattoirs, mais malheureusement les populations n’approchent pas ces derniers durant les fêtes pour pouvoir bénéficier d’une meilleure qualité de viande à consommer », déplore le Dr Boubacar Y. Kanouté. Il conseille aux populations de ne pas négliger la présence des services vétérinaires qui sont à leurs dispositions. L’abattage, poursuit-il, est un travail de synergie de toutes les parties pour la préservation de la santé.
Il suggère aussi que l’Association des consommateurs du Mali (Ascoma) agisse pour préserver les vies humaines, car elle a aussi une grande partition à jouer dans la sauvegarde de la santé. L’article 3 de l’arrêté ministériel N° 21-99 n’est pas très bien connu du public. Mahamadou Sidibé, vendeur de bétail venu de Mopti, assure qu’il ne connaît aucun texte stipulant qu’il doit abattre son mouton à l’abattoir. Boukary Karambé, vendeur de cartes de rechange téléphonique à l’avenue l’Yser, lui explique : « dès que je quitte la mosquée, j’égorgerai mon mouton à la maison. Tout le monde ne peut pas aller à l’abattoir, et puis ce n’est qu’une fois par an. En plus, rien que pour les frais de déplacement et les frais d’abattage, les gens iraient difficilement dans les abattoirs ». Notre interlocuteur suggère que les autorités fassent des fosses dans lesquelles on peut jeter les déchets d’abattage.
Mohamed Diallo, un cambiste, n’a jamais mis les pieds dans un abattoir bien qu’il abatte chaque année son mouton. « On a vu nos parents procéder ainsi, nous ne faisons que les suivre », souligne-t-il. Mohamed reconnaît bien l’utilité de l’abattoir qui détecterait toute zoonose (maladie animale pouvant contaminer l’homme), mais il préfère perpétuer la tradition d’abattre son mouton à la maison. Pour le directeur national de l’assainissement et du contrôle des pollutions et nuisances, Amadou Camara, l’incivisme est devenu une habitude qui empêche le citoyen d’assainir son espace afin de ne pas nuire à autrui. Cette habitude de jeter les ordures n’importe comment fait que bon nombre de gens ne se préoccupent plus de l’environnement et des conséquences que cela peut engendrer, déplore-t-il. Le directeur national ajoutera que l’abattage à l’occasion de la fête engendre d’énormes difficultés. Il incite chaque citoyen à respecter les mesures d’hygiène en s’employant à ne pas polluer l’environnement. Amadou Camara invite les citoyens à se rapprocher des structures spécialisées ainsi que les mosquées pour y déposer les cornes, sabots et peaux. Pour ce qui est du sang, des intestins et excréments, il exhorte à creuser une fosse et les y mettre, cela constituerait un engrais pour le sol.
Bintou SOW
Source: L’Essor- Mali