Passés les moments de joie et d’effusion, après la libération en fin de semaine dernière au Mali des trois otages occidentaux et du chef de l’opposition Soumaïla Cissé, la presse du continent se concentre ce lundi sur les dessous des transactions.
Combien de jihadistes ont-ils été libérés en échange des otages ? Impossible d’avoir un nombre précis. On parle d’environ 200 combattants. Ce qui est sûr, c’est que certains d’entre eux se sont retrouvés vendredi dernier pour fêter leur libération.
« Les éléments du GSIM, le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans, n’ont pas perdu du temps pour laisser éclater leur joie, relate ainsi L’Indépendant à Bamako. Plusieurs images balancées sur les réseaux sociaux les montrent, en effet, autour d’un repas copieux précédé d’une prière collective. (…) Autour de ce festin, organisé en l’honneur des terroristes libérés, on pouvait apercevoir notamment Taher Abu Saad (vétéran algérien aveugle et manchot, expert en explosifs), Aliou Mahamane Touré (ancien chef de la police islamique du MUJAO, à Gao, en 2012), le commandant de la Katiba Macina, l’imam Mahamoud Barry et bien d’autres. (…) Parmi ces gros poissons, certains ont planifié et même exécuté de nombreuses attaques au Mali et à l’étranger. Tous étaient regroupés autour de Iyad Ag Ghali, qui semble être le véritable chef d’orchestre. Selon nos sources, poursuit L’Indépendant, au cours de cette cérémonie, Iyad Ag Ghali a félicité les ravisseurs des otages, dont ceux de Soumaïla Cissé. Il aurait aussi demandé à ses hommes de procéder à ces types d’actes qui rapportent plus qu’une ou plusieurs attaques. C’est dire, estime le quotidien bamakois, le risque élevé dans les jours à venir d’assister à des enlèvements ciblés de personnalités politiques et militaires pour aboutir à ce genre de transactions. »
Et puis autre précision de taille apportée par L’Indépendant : « une rançon a été versée, affirme le journal, entre 15 et 20 millions d’euros. » L’Indépendant qui ne cite pas de sources et qui n’apporte pas d’autres précisions.
Iyad ce héros…
En tout cas, souligne Le Point Afrique, « l’émir du GSIM a de quoi pavoiser. Iyad Ag Ghali a non seulement négocié la libération de plus d’une centaine de prisonniers et en plus, plusieurs millions d’euros seraient venus renflouer les caisses de son organisation. De quoi accroître considérablement son prestige dans les milieux djihadistes et dans les régions au Nord du pays. ‘Cette libération d’otages contre des dizaines de prisonniers a donné un grand regain de popularité à Iyad. Des poèmes à sa gloire sont diffusés en audio sur Whatsapp. Ils disent qu’il a pu libérer des prisonniers et ramener des innocents à leurs familles alors que les mouvements armés n’en ont pas été capables. C’est un grand et un vrai chef’, indique Moussa, un proche des mouvements armés à Kidal qui prédit que, dans quelques jours, l’argent irriguera la ville. ‘C’est à chaque fois le cas après ce genre de deal’, lance-t-il avec une pointe de malice. »
Par ailleurs, Le Point Afrique, toujours, croit savoir pourquoi la libération des otages a pris autant de temps entre son annonce mardi et leur arrivée effective à Bamako, jeudi soir. « Il y a eu un dernier point de blocage. Les Américains, précise Le Point Afrique, se sont opposés à la libération de Mimi ould Baba Ould Cheikh qui est l’organisateur des attentats du Splendid à Ouagadougou où un Américain a perdu la vie. Il faisait partie de la liste des prisonniers à libérer. C’est donc ce qui a retardé la libération des otages. »
Retour à la case départ ?
Enfin, inquiétude dans la presse burkinabé…
« Ces terroristes qui se retrouvent sur leurs lieux de prédilection, que veut-on qu’ils fassent sinon reprendre leur boulot !, s’exclame ainsi le quotidien Aujourd’hui à Ouagadougou. Les sécurocrates qui crapahutent durement sur les dunes de sable se retrouveront à traquer des terroristes qu’ils avaient déjà arrêtés. Retour à la case départ… », lance encore Aujourd’hui.
« Et tous ces militaires doivent avoir pris ces libérations de terroristes comme une insulte et sont à juste titre sur les dents ! C’est une option, c’est un choix assumés par le Mali, mais si on a décidé de négocier, il faudra le faire en tenant compte des retombées car le remède peut être plus nuisible que le mal. Et si on a choisi de négocier avec Ag Ghali, Al-Saharaoui et autres, il faudra le dire, affirme encore Aujourd’hui, et préparer les esprits car en même temps qu’on négocie, s’il y a des rapts, des attaques et de l’argent qu’on donne aux ravisseurs… c’est tomber de Charybde en Scylla. »
Source : RFI