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A la rencontre de la tradition : Par Hamadoun Ouologuem, chercheur à l’Académie Malienne des Langues (AMALAN) : La perception de la mort et les pratiques funéraires en pays dogon/ Mali (3ème partie : suite et fin) – Le « JEMU » (cérémonie d’accompagnement

Pour le Dogon, les âmes des défunts restent d’abord au soleil pour une purification avant leur accompagnement au paradis par le prêtre traditionnel. Pourquoi les âmes restent-elles au soleil ? Dans la pensée Dogon, l’homme vient au monde avec une âme dépourvue de péché. C’est au cours de sa vie ici-bas que l’homme pêche pour souiller son âme. Pour le Dogon, l’âme est comme une vitre c’est-à-dire une matière précieuse qui ne s’oxyde pas. Chaque fois que le corps où elle loge pêche, l’âme se couvre de ce péché. La couche de péchés qui enveloppe l’âme varie d’un individu à un autre selon le degré de fautes commises au cours de la vie.

Quand la mort survient, l’âme souillée, ne peut retourner chez Dieu sans être purifiée par le soleil. C’est pourquoi, tout individu qui meurt, va au soleil d’abord.

Là, son âme est chauffée par le soleil pour que tombent les impuretés.

Une fois que l’âme se débarrasse des péchés, le corps où elle loge attend son accompagnement à l’ombre afin d’être conduit au « paradis ». Pour qu’il soit conduit au « paradis » il faut organiser une cérémonie funéraire grandiose appelée « Jemu ».

Les préparatifs du « jemu »

Le « Jemu » est organisé pendant l’année de bonne récolte.

Les préparatifs de la cérémonie peuvent durer 2 à 3 trois mois à partir de la fixation de la date du « Jemu ».

Entrent dans les préparatifs du Jemu, la confection des masques, la cotisation du petit et du gros mil pour la bière, la fabrication des poudre à canon par les chasseurs, etc.

Le déroulement du « Jemu »

Quand le jour « J » arrive, le bal est ouvert avec la danse nocturne organisée à l’intention des morts. Le lendemain matin se tient la cérémonie de conduite des défunts au « paradis ».

Cette cérémonie est dirigée par un prêtre traditionnel assisté d’un interprète. Avant d’inviter les défunts à regagner l’ombre, le prêtre est tenu de faire appel à Dieu, le tout puissant (Amba) et aux fétiches pour qu’ils lui viennent en aide c’est-à-dire qu’ils fassent en sorte qu’il ne se trompe dans la démarche.

Aussi, le prêtre présente une fois de plus ses condoléances aux familles des disparus et passe le communiqué village par village ou groupe de villages sur toute l’étendue du pays Dogon en invitant le Hogon et l’aîné de chaque village à partager l’information. Après la diffusion de l’avis de décès, le prêtre invite les défunts un à un à regagner l’ombre. Une fois cette mission terminée, il les met en route vers Dieu.

Il y a trois chemins parallèles qui se positionnent devant eux mais les morts ne savent pas lequel des trois chemins mènerait vers Dieu (Ama).

Le prêtre-guide leur propose de suivre celui du milieu car selon lui, il est le mieux indiqué. Ainsi, ils empruntent ce chemin qui a une orientation Ouest-Est. Les défunts quittent l’Ouest et vont vers l’Est. C’est-à-dire du plateau ou de falaise vers le Gondo Séno. Dans la pensée Dogon, Dieu se trouverait vers l’Est du pays Dogon. Tout au long de leur parcours, les morts rencontrent beaucoup d’obstacles qui leur rendent le passage difficile.

Le premier obstacle qui se dresse en eux, est un chat appelé « gama yabujaga » qui leur barre le chemin. Le prêtre-guide leur dit d’acheter du lait avec une femme peulh qu’ils donnent au chat pour qu’il les laisse passer.

Après cette première barrière, une deuxième barrière qui se présente en eux, cette fois-ci tenue par un chien. Le prêtre-guide leur ordonne de payer la viande avec un boucher et l’offrir au chien pour que celui-ci les libère le passage. Après avoir franchi cette barrière, les morts continuent leur chemin à la rencontre de Dieu. Arrivés à un certain niveau, ils rencontrent un monstre aux yeux rouges qui les questionne.

–          Où allez-vous ?

–          Nous allons chez Dieu.

–          Ne me voyez pas aussi puissant que Dieu ?

–          Vous êtes puissant, mais Dieu est le plus puissant.

Alors, si c’est ainsi, vous pouvez passer.

Ainsi, les morts continuent leur route en direction de Dieu.

Arrivés au terminus du plateau, les morts sont obligés de descendre pour atteindre la plaine du Séno-Gondo.

Là, il y a trois échelles qui sont positionnées : une, en cuivre, une, en aluminium et une, en fer.

Le prêtre-guide leur dit :

–          L’échelle en cuivre est trop glissante n’allez pas là-bas !

–          L’échelle en aluminium est trop fragile ne l’empruntez pas !

–          L’échelle en fer est rigide, elle est la mieux indiquée. Empruntez-la et descendez !

Ainsi, les morts descendent par l’échelle en fer et atteignent la plaine. En plaine, les épines les empêchent de marcher.

Le prêtre-guide les invite à payer de sandales en cuir avec Bamba angudo pour se protéger des épines.

Après l’achat des chaussures, les morts continuent leur chemin jusqu’à un endroit qui leur semblerait bon pour se reposer.

Le guide leur dit que l’endroit-là, est un lieu de caïmans, alors que le lieu de caïmans est un endroit rugueux, il les invite à continuer. Ils continuent leur chemin et arrivent à un à second endroit où ils se proposent de se reposer.

Le guide leur dit que l’espace là, est un lieu du génie d’eau (Nomon), alors que le lieu de génie d’eau, est un lieu de chaleur et leur dit de poursuivre leur chemin. Les morts continuent encore leur route et arrivent à un troisième lieu et se proposent de se sédentariser. Pour cette fois-ci, leur guide donne son accord et leur dit que l’endroit-là, est un domaine de « Idu Nèminè » (poisson qui hiberne), alors, le domaine de Idu Nèminè est un lieu de fraîcheur éternel, reposez là, éternellement dans le bonheur. Ainsi prend fin la cérémonie d’accompagnement des défunts au « paradis ».

Après cette cérémonie, le soir aux environs de seize heures, se déroulent successivement le défilé des chasseurs, des masques et la danse des bergers.

Tous ceux-ci rendent hommage aux défunts à l’occasion du « Jemu ».

Dans la nuit, les chasseurs organisent leur danse et s’amusent avec le feu.

C’est la nuit indiquée pour les chasseurs, pour faire le cousinage avec les sorciers.

Il faut reconnaître qu’entre le chasseur et le sorcier il y a un pacte. C’est ce pacte qui leur autorise à faire la plaisanterie avec les sorciers.

Le troisième jour, la fête prend fin et le rendez-vous est donné dans dix ans ou même plus.

A travers l’étude   sur la perception de la mort et les funérailles chez les Dogon, nous avons pu découvrir quelques points de similitudes avec les religions révélées. Les religions révélées parlent de survie de l’âme après la mort, l’enfer, le paradis. Ces mêmes termes apparaissent dans la religion traditionnelle Dogon : à la place de l’enfer on parle de soleil, à la place de paradis, l’ombre.

Nous pensons qu’en sachant toutes ces valeurs culturelles, nous nous connaitrons mieux.

D’autres découvertes  dans la prochaine parution

Soloni

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