Après Les Larmes du silence, Serges Cyrille Kooko, poète, écrivain et critique littéraire camerouno-malien, vient de mettre à la disposition du public malien un recueil de poèmes intitulé « À la croisée des chemins ». À travers des thèmes riches et variés, le poète dépeint les maux de la société malienne ainsi que de toute l’Afrique. Amoureux de l’Afrique en général et du Mali en particulier, M. Kooko nous mène avec lui dans son bateau à travers des poèmes sur la paix, le fleuve Niger, l’excision, etc. Ce recueil est un véritable « livre de carrefour » qui nous appelle à nous poser de multiples questions sur notre existence. Lisez l’interview !
Le Pays : Pourquoi le titre ” A la Croisée des chemins “?
Serges Cyrille Kooko : Merci de me donner l’occasion de parler de mon nouveau livre. J’ai choisi le titre A la croisée des cheminsparce que je voulais faire de cet ouvrage un carrefour. Un carrefour décisif dans ma carrière professionnelle, dans ma carrière de poète et d’écrivain, dans ma vie, dans le sens nouveau que j’allais désormais donner à toutes mes affaires. Et partant, donner à mes lecteurs, l’occasion et la possibilité de se poser les mêmes questions. Dans la vie de chacun, il y a toujours un moment où on doit se poser les bonnes questions et prendre les décisions qui s’imposent. C’est cela qui explique le choix de ce titre.
Dans votre second poème, Je crie ma peine, vous avez écrit : « Je crie ma peine pour toutes ces choses inhumainesqui nous mettent en quarantaine et rendent nos vies incertaines. » Vous dénoncez quelle inhumanité précisément?
Je n’aime pas trop le mot dénoncé. Je préfère parler d’attirer l’attention. Dans ce texte, je voulais justement attirer l’attention des uns et des autres sur certaines choses que je qualifie volontiers d’inhumaines et qui nous pourrissent parfois la vie. Je pense aussi à l’injustice galopante dans notre société, je parle de l’inégalité galopante, les pauvres deviennent de plus en plus pauvres, les riches deviennent plus riches, pour ne pas dire, trop indifférents aux malheurs des autres.
Que puis-je donc y faire à part, crier ma peine à travers ma plume pour essayer d’attirer l’attention et espérer un hypothétique changement ?
Vous abordez également dans votre recueil la question de l’excision. Pouvons-nous savoir ce que vous dénoncez dans cette pratique?
Je me disais bien que cette question allait arriver tôt ou tard. C’est l’une des thématiques de ce recueil que je qualifierai de sensible. Parce qu’elle est très clivante. Je me suis juste dit, sans prétention aucune, sans m’arroger un quelconque droit, sans non plus fustiger les us et coutumes que je ne maîtrise peut-être même pas, que le monde actuel ne mérite ou alors, ne mériterait plus, certaines pratiques d’un autre âge. Aucun être humain, aucune femme encore plus ne mérite d’être traitée de la sorte.
Parmi vos 55 poèmes, nous retrouvons également la question de la paix au Mali. Quelle est votre position face à cette guerre au Nord aussi bien qu’au centre de ce pays dans votre livre?
Je ne pouvais ne pas parler de la situation du Mali. Toute guerre est néfaste pour les deux camps, quelle qu’en soit l’issue. Je pense que la guerre qui déchire notre pauvre pays est comme un virus informatique qui s’attaque surtout aux données importantes. Ces données sont ici les populations qui n’ont rien demandé et qui subissent les affres de ce conflit qui n’a que trop duré.
Dans ce recueil de poèmes, nous retrouvons plusieurs thématiques riches et variées. Vous parlez du fleuve Niger. Pouvons-nous savoir ce qui vous a motivé à écrire sur un cours d’eau? Ce fleuve représente quoi pour vous?
Pour moi, faire un livre sans parler des changements apparaît comme une hérésie, car nous en subissons les conséquences tous les jours. Regardez vous-même, il est presque devenu impossible de faire la différence entre les saisons. Ce fleuve est la mamelle nourricière de beaucoup de Maliens et d’Africains puisqu’il traverse d’autres pays. Le traitement qu’il subit est vraiment irresponsable. Le détruire, c’est détruire la vie de tous ceux qui en dépendent ainsi que sa faune et sa flore aquatique.
Malgré tous les problèmes dont souffre l’Afrique, on a l’impression que vous ne perdez pas espoir. Pourquoi cet optimisme?
On dit souvent que l’espoir fait vivre l’homme. Pour moi, il est primordial de ne jamais baisser les bras face aux aléas, aux turpitudes, aux attaques et aux surprises de la vie. Aucune situation n’est éternelle, tout finit toujours par s’arranger. Perdre espoir, c’est perdre l’essence même de notre humanité. Le mien m’accompagne en toute circonstance.
Votre dernier mot.
Quelqu’un a dit un jour, écrire c’est hurler en silence. J’ajouterai que pour moi, écrire c’est vivre, écrire fait partie de mon ADN et si je ne le fais pas, je perdrai une partie de moi-même.
Je ne saurais terminer sans vous remercier pour cette opportunité inestimable. Je remercie aussi tous ceux qui lisent mes modestes écrits, car leur regard et avis me permettent de m’améliorer.
Propos recueillis par
Fousseni TOGOLA
Source: Le Pays