L’être humain est d’une complexité inouïe. Le Malien l’est encore davantage. Qui aurait cru en la réélection de mon cousin, tant ses compatriotes semblaient le vouer aux gémonies ? Moi, sans fausse modestie. Tant la vie du Malien se résume à des actes manqués (manifestes et latents), à des rendez-vous manqués avec lui-même et avec l’histoire.
Un soir dominical (dimanche tout près), je conversais au téléphone avec un ami, fervent admirateur de mon cousin, qui l’avait, pourtant, un moment et un tantinet, détesté. Avant de se raviser, en lui renouvelant sa confiance. Au fil de notre conversation, il dit déjà regretter son choix. Et pour cause : l’argent circule très peu et, soi-même, peine à recouvrer ses créances auprès de l’Etat.
En vérité, ce qu’il n’a pas dit, ce qu’il souhaite être payé par l’Etat. S’il avait eu gain de cause, il se soucierait peu du reste. Était-ce un acte manqué ? Un acte manqué est, en psychanalyse et depuis Freud, le résultat d’un acte qui a manqué un objectif consciemment visé et qui traduit par là l’expression d’un désir inconscient.
Le cas singulier de mon ami (il a un inconscient satisfait, mais, consciemment, il ne désirerait pas en être là) renseigne davantage sur le comportement de chacun d’entre nous. Mon cousin l’a compris, même si lui-même en est l’exemple parfait.
Pour son confort, mon cousin sacrifierait la vie de milliers de Maliens. Et il n’en serait pas peu fier, mais il s’en cacherait, en feignant la tristesse (verser quelques larmes de crocodile). Il met des milliards dans un défilé militaire, pendant que ses compatriotes tirent le diable par la queue.
Comme une lettre envoyée au mauvais destinataire ; comme faire durer une conversation avec une personne afin de ne pas avoir à discuter avec une autre personne ; nous avons (une majorité supposée de nos compatriotes) renouvelé notre confiance à mon cousin.
Ce faisant, nous avons manqué le rendez-vous avec nous-mêmes et avec l’histoire. Mon cousin et sa douce moitié peuvent encore roucouler dans leur jacuzzi. Et nous, «trimer» du matin au soir !
Issiaka SISSOKO
Le Reporter