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8 mars 2021 : Les conditions de vie des femmes d’Afrique en milieu rural sont encore à améliorer pour faire émerger leur leadership »

Revisitant ses souvenir d’enfance au Sénégal, Cécile Thiakane observe qu’en quarante ans, les conditions de vie des femmes rurales d’Afrique ne se sont pas assez améliorées. La journée internationale des femmes du 8 mars lui offre l’occasion de nous présenter son plaidoyer en faveur d’un mieux-être de ces femmes, si importantes pour l’avenir de l’Afrique.

Le thème de la journée internationale des femmes du 8 mars 2021 étant « Leadership féminin : pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19 », il me plaît de faire ce plaidoyer sur les conditions de vie encore si difficiles des femmes du monde rural en Afrique, et qui bien sûr appellent davantage à des gros efforts en allocation de ressources dans ces zones.

Ayant passé mon enfance en milieu rural au Sénégal, je suis toujours peinée de constater que quarante ans après, il y a encore des situations de pénibilité de la vie de ces femmes rurales qui perdurent : accès à l’eau potable, à l’énergie, aux soins de santé de base et à l’éducation.
Donc en ce 8 mars 2021, j’appelle à plus de justice sociale pour elles. Oui à l’idée cruciale de les défaire de ces tâches pénibles et chronophages. Ce temps gagné, au-delà du confort et du mieux-être se convertirait dans des activités créatrices de valeur pour la communauté, à faire éclore du leadership féminin et qui favoriserait des cycles de développement complet.
Ces femmes ont plus que jamais droit à un bien-être durable.

Des conditions de vie difficiles qui traversent les générations:

Quand j’étais petite fille, habitant à Thiadiaye, un village à la croisée des chemins, aux confins des régions de Thiès et de Fatick (au Sénégal), je voyais des femmes accomplir bon nombre de tâches lourdes, « pénibles » et éreintantes. Elles passaient une grande partie de leur temps à chercher de l’eau, bien souvent très loin de leurs habitations, car il n’y avait pas de bornes-fontaines ou de puits à proximité. Elles revenaient portant sur leur tête des bassines remplies d’eau. Elles faisaient preuve d’une adresse digne des grands acrobates. Il ne fallait pas que ces déesses des cirques d’antan perdent une goutte de ce précieux sésame.

Parmi leurs différentes corvées, il y avait la collecte de bois pour la cuisson, une corvée très esquintante et tout aussi chronophage. À l’époque, il y avait très peu de moulins. Elles pilaient le mil dans un mortier avec un pilon. Cet outil leur permettait également d’écraser d’autres céréales ou de malaxer différentes feuilles qui leur servaient d’aides culinaires.

Piler dans un mortier avec un pilon, quel beau geste, quelle posture tout en grâce ! J’adorais les regarder faire. Elles étaient impressionnantes par leur adresse. Elles n’avaient pas besoin de garder un œil rivé sur leurs accessoires et elles ne tapaient même pas à côté. Même les petites filles réussissaient cette prouesse.
Elles concoctaient des repas sous une chaleur ardente, dans une cuisine dénuée de tout confort. Parfois, juste une porte-fenêtre permettait d’évacuer la fumée noire et épaisse qui émanait du bois.

 

Certaines femmes moins nanties étaient obligées de cuisiner au charbon ou au feu de bois, dans un fourneau à l’air libre, sous un soleil au zénith. Jusqu’à présent encore bon nombre de femmes du monde rural, enfermées dans les cercles vicieux de la « pauvreté énergétique », continuent à cuisiner au charbon de bois ou au bois de chauffe, assez souvent dans des cuisines en absence totale d’aération. Il en provient une fumée nocive pour la santé humaine et qui peut causer différentes pathologies, telles que : pneumonie, maladies chroniques des voies respiratoires, cancer des poumons et cécité précoce…

À ces braves femmes, il revenait en plus de faire le ménage, laver le linge à la main, s’occuper de leur famille et élever leurs enfants, s’occuper de leurs maris tout en tenant un petit commerce pour faire vivre leur famille. En période d’hivernage, elles s’acquittaient de l’usante tâche consistant à cultiver leurs champs. Le problème d’accès à l’eau les contraignait à ne cultiver que pendant cette période.
Une majorité d’entre elles étaient victimes de grossesses rapprochées, ce qui avait pour conséquence de fragiliser leur santé. Leur accès aux soins restait précaire. Notons aussi que la surcharge de travail sur leurs frêles épaules, une alimentation pauvre et des conditions d’hygiène sommaires n’étaient pas gages de bonne santé.

Des situations de pénibilité de la vie de ces femmes rurales qui perdurent:

Elles recommençaient jour après jour et saison après saison, accomplissaient leurs tâches ménagères avec bravoure, dignité, sourire, amour et dévotion.
Je ne les entendais jamais se plaindre.

S’étaient-elles résignées dans ce rôle ou accomplissaient-elles juste leurs devoirs ? Pendant ce temps, les hommes étaient loin de vivre les mêmes contraintes. Ils avaient le temps de se retrouver et de se distraire sous l’arbre à palabre ou dans d’autres lieux de socialisation. Cette inégalité, cette domination patriarcale perdurent…
Les rares distractions de ces braves femmes restaient leurs séances de tressage, les veillées à la belle étoile avec les enfants de la concession et quelques cérémonies familiales ou coutumières.
À quelques variantes près, c’était leur quotidien. C’étaient leurs seuls horizons. C’était leur vie…

Les jeunes filles commençaient cet apprentissage très tôt, vers 5 à 6 ans, pendant que sous d’autres cieux, à cet âge, les jeunes filles jouent à la poupée ou à se déguiser en princesse. Elles aidaient leurs mamans et bien souvent, aucune alternative ne s’offrait à elles d’ailleurs.
Elles n’étaient pas toujours scolarisées, ou celles qui commençaient une scolarité n’avaient pas la chance d’être maintenues à l’école pour finir leur cycle primaire, car mobilisées très tôt pour des tâches ménagères, ou victimes des choix induits par la précarité de leurs familles.

À cette époque, les mariages étaient majoritairement « précoces » et survenaient, en moyenne, bien avant l’âge de 16 ans. Et je me posais souvent cette question : « de ma génération, combien de filles mariées plus tard et vivant toujours dans les environs accompliraient encore ces tâches ménagères, sous cette forme quand elles seraient mariées et mères de famille ? » Aucune, j’espérais ardemment !

Ce tableau de la vie quotidienne, de femmes rurales que je décris date de plus de quarante ans et malheureusement il reste encore observable dans bon nombre de villages africains. Lors de récents voyages, j’ai pu en effet constater que ces images de mon enfance n’appartiennent pas qu’au passé. Elles sont d’actualité et sont des facteurs saillants de l’urgence de continuer le combat.

Certes les conditions de vie des femmes rurales africaines ont connu des avancées notables, mais force est de constater que certaines questions subsistent toujours et devront être adressées dans les efforts de capacitation de la femme, en général. Agir davantage sur la cible du monde rural et celle des analphabètes, est indéniablement un levier de progrès socio-économique pérenne et d’inclusion.

Malgré les OMD, malgré de nombreux programmes, plans gouvernementaux et les ODD, le défi de l’amélioration des conditions de vie de la femme rurale reste crucial. Certaines d’entre elles sont toujours confrontées à l’extrême pauvreté et doivent encore faire face de manière quotidienne à de nombreuses urgences de survie. Dans nos pays africains au sud du Sahara, en quête d’émergence, l’intégration de l’amélioration de leurs conditions de vie devra rester au cœur des priorités.

 

Accès à l’eau potable, à l’énergie, aux soins de santé de base et à l’éducation:

Un accès à l’eau potable et en quantité, à l’assainissement et aux installations sanitaires de base est un prérequis.
Des sources d’énergie propre, accessibles et durables sont opportunes pour leur assurer du confort dans les tâches ménagères, comme la cuisine, et aussi pour une préservation des forêts des savanes. Cette énergie permet aussi une électrification des villages, gage de sécurité.

Rappelons que de nombreuses zones rurales affichent encore des taux « préoccupants » en termes de mortalité maternelle et infantile. Ces femmes méritent un focus spécifique pour davantage sécuriser les grossesses et les accouchements. Hormis l’aspect purement médical, certaines croyances sont à faire évoluer car elles restent des freins à l’épanouissement et au suivi des grossesses.

Effectivement, trop nombreuses sont les femmes enceintes qui n’ont aucun suivi médical sur le premier trimestre de leur grossesse, car certaines traditions ou croyances les amènent à garder secret leur état de grossesse le plus tard possible pour éviter le mauvais œil. Il serait aussi bénéfique de davantage vulgariser la santé de la reproduction pour réduire les grossesses à répétition qui inhibent le développement d’un point de vue socio-économique, car les maintenant dans une situation précaire de dépendance financière et les enfonçant dans l’impécuniosité.

Comme on le sait, un accès à l’éducation et à santé permet d’adresser de nombreux enjeux de développement. Ces femmes ont un rôle de pilier social qui doit être valorisé ! Tant qu’elles ne sont pas en bonne santé, elles ne peuvent pas créer de la valeur au bénéfice de toute leur communauté à l’instar de l’éducation de leurs enfants, d’un travail décent générateur de revenus ou encore d’élever une famille. Tandis qu’une amélioration de leurs conditions de vie, de leur santé et de leur alphabétisation porte les germes d’une embellie de beaucoup de composants de la vie et, in fine, profite au développement durable. Ces femmes du monde rural d’Afrique méritent mieux et plus dans leur quotidien. Elles méritent plus d’équité et ont plus que jamais droit à un bien-être durable.

Une contribution de Cécile THIAKANE
Fondatrice du L@b’ISEP (Paris),
Laboratoire en innovation sociale et environnementale

Source: Bamakonews

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