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59 ans d’indépendance : Le Mali n’est toujours pas un pays souverain

Le Mali vient de souffler les 59 bougies de son accession à la souveraineté internationale. Cela fait, en effet, 59 ans que le Mali s’est libéré du joug colonial français, qu’il a pris en mains son propre destin. A l’époque, l’idée d’un grand Mali respectable et respecté partout dans le monde, faisait rêver. Mais que reste-t-il aujourd’hui du Maliba tant rêvé ? En tout cas, pas grand-chose à l’heure du bilan.

 

Sous nos tropiques, la commémoration de l’indépendance rime habituellement avec flonflon et ripaille. Mais ce n’est pas toujours le cas. Car de quelle indépendance peut-on parler au Mali quand plus d’un demi-siècle après, notre État reste économiquement sous perfusion de l’aide publique ou privée en provenance des pays du Nord ?

On peut épiloguer à souhait sur les raisons d’une telle situation. Mais la réalité est bien têtue, surtout quant aux questions purement économiques s’ajoutent des velléités séparatistes dans le Nord de notre pays qui a fêté le dimanche dernier le 59e anniversaire de son accession à la souveraineté nationale et internationale.

En fait de gâteau d’anniversaire, c’est la soupe à la grimace qui a été servie, avec la crise centrifuge qui sévit dans le Centre et le Nord malien, même si la mise en œuvre de l’accord signé entre le gouvernement central et les mouvements armés du Nord, se poursuivent. Les pourparlers, en effet, sont en cours, mais semblent achopper malheureusement sur le refus fort compréhensible de Bamako de discuter du statut de l’Azawad. Par ailleurs, la proposition des autorités de Bamako pour la paix serait une décentralisation poussée, une régionalisation, voire un nouveau pacte national. Au vu de tout cela, c’est sûr que c’est avec un certain goût d’inachevé que le président IBK dans son message, a souhaité un bon anniversaire à ses compatriotes, car il ne saurait savourer dans toute sa plénitude un tel anniversaire, pendant qu’une partie du Mali est en proie à une insécurité qu’on a du mal à juguler.

La souveraineté est un vocable creux

À l’instar de bon nombre de pays africains, l’indépendance du Mali s’est révélée très vite une désillusion. Aujourd’hui, l’État malien ne détient pas les attributs de sa souveraineté qu’il était censé avoir acquis avec l’avènement de l’indépendance.  On en veut pour preuve le recours du Mali  à la France, lors de l’attaque djihadiste, pour éviter la « disparition » de l’État. On a découvert à l’occasion, une armée en lambeaux. Cela n’est pas digne du Grand Mali.

Également, au plan économique et financier, le Mali dépend encore de la générosité et du bon vouloir des bailleurs de fonds extérieurs. On ne parle même pas des problèmes de l’arrimage du francs CFA à l’euro à travers la Banque de France, qui traduit une dépendance certaine. Mais la particularité du Mali tient, entre autres, au fait qu’en plus de ces problèmes qu’il a en commun avec les autres États africains qui ont été sous domination française, il traîne depuis les 59 ans, l’épineuse question de l’indépendance touarègue comme un boulet au pied. On aura tout essayé ou presque. La répression des indépendantistes avec Modibo Kéita et Moussa Traoré, l’effort de dialogue avec eux sous Alpha Omar Konaré et Amadou Toumani Touré. Toutes ces solutions n’ont visiblement pas été à la hauteur, car elles ont échoué à éradiquer les velléités indépendantistes des Touaregs du Nord du Mali. Aujourd’hui, plus que jamais, la question de l’Azawad se pose avec acuité. Les divergences de points de vue s’étalent au grand jour. Les Touaregs, avec le Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) en tête, ne démordent pas à l’idée de se séparer du reste du Mali. Pour ce faire, ils ont travaillé à donner beaucoup d’écho à leur cause. Ils ont mis beaucoup de soin à convaincre l’opinion internationale de la justesse de leur cause. Ces indépendantistes ont plus conscience de leur besoin d’indépendance que les autorités de Bamako n’en ont de la nécessité de sauver l’intégrité territoriale du pays. En tout cas,  il n’est pas exagéré de dire qu’aujourd’hui, on est plus proche d’une partition du Mali que de son unité.

Les efforts de développement du Mali laminés par le problème de l’insécurité

Comment peut-on expliquer cette manie de faire des dépenses somptuaires au moment où le Mali est menacé dans son unité comme dans ses valeurs ? Comment peut-on comprendre que le président IBK, dès son entrée en fonction, n’ait pas eu de feuille de route claire sur cette question de l’insécurité qu’il aurait pu s’efforcer de mettre en branle ? À la décharge d’IBK, on peut bien admettre que ses prédécesseurs n’ont pas vraiment posé les jalons d’une résolution définitive de ce problème. Pourtant, le Niger aussi qui avait un problème touareg, a pu le résoudre. Cela montre que c’est possible de parvenir à une solution durable à propos de cette question. Encore faut-il que le président malien se convainque qu’il a une lourde responsabilité dans cette affaire. C’est à lui qu’incombe la responsabilité d’amener les acteurs à trouver des solutions satisfaisantes. Mais cela exige de sa part des préalables au nombre desquels la nécessité d’un comportement exemplaire en matière de gouvernance et la capacité à convaincre les partenaires et soutiens que les rebelles  défendent une mauvaise cause. Cela devait faire partie intégrante des priorités de son action. La question est sensible et IBK serait bien inspiré de ne pas oublier que, comme le dit en substance un adage, il faut savoir tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Surtout sur des questions aussi controversées. Le président malien doit rapidement revoir sa copie si tant est qu’il ne veuille pas que les Maliens regrettent de lui avoir fait confiance.   

L’heure n’est donc pas à la fête. Il faudra une réelle prise de conscience collective et la contribution de tous les enfants du Mali, pour résoudre la question de l’insécurité. Il faut espérer que les discussions pour l’application de l’accord puissent se poursuivre dans un bon esprit, en vue d’un compromis historique et salutaire pour le Mali. Quant à la communauté internationale, il serait bien qu’elle continue, comme l’avait fait le Fonds monétaire international (FMI) au sujet de l’achat de l’avion présidentiel par IBK, à mettre la nécessaire pression sur ce président qui a jusque-là envoyé de trop nombreux signaux négatifs, pour qu’il améliore la qualité de sa gouvernance. C’est une condition sine qua non pour un retour des choses à la normale au Mali et cela constitue, pour le pays, un passage obligé pour espérer un jour parvenir à l’indépendance effective tant souhaitée.

Jean Pierre James

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