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500 milliards d’aide dans le cadre du COVID-19 : Objections, Monsieur le Président !

Dans son discours du vendredi 10 avril 2020, Le président de la République a déclaré que près de 500 milliards de F CFA seront mobilisés pour faire face à la pandémie du Coronavirus au Mali. Si ces mesures sont salutaires sur la forme, comme souvent, le diable est dans les détails.

En plus de renoncement de salaire de 3 mois pour le Président, 2 mois pour le Premier ministre et 1 mois pour les ministres au profil des actions de lutte contre le coronavirus, le Président fera preuve d’une très grande solidarité que de renoncer de façon permanente aux caisses noires ou fonds de souveraineté alloués au président de la République, au Premier ministre et aux présidents institutions de la République comme l’Assemblée nationale. Rappelons que ces caisses noires, qui ne servent aucun impératif public et échappent à tout contrôle, se chiffrent à une quinzaine de milliards de nos francs par an rien que pour le Président de la République. Ces fonds peuvent et doivent être affectés au combat contre le Covid-19. Comme il le dit lui-même, c’est la guerre et une guerre mobilise toutes nos ressources.

Mise en place d’un fonds spécial pour 100 milliards de F CFA pour les familles les plus vulnérables. Là aussi, le pire est à craindre. Presque toutes les familles maliennes sont vulnérables. Sur quels critères de sélection se basera le gouvernement ? le Président préconise aussi la prise en charge des factures d’eau et d’électricité des personnes les plus démunies. Nous remarquons surtout une accélération de délestages depuis cette annonce présidentielle.

Achat de 20 millions de masques qui arriveront la semaine prochaine. Comment a été acquis ces 20 millions de masques ? Le gouvernement est-il passé par le mécanisme d’attribution des marchés de gré à gré à des entreprises fictives ou à des amis fournisseurs comme ceux de l’acquisition de l’avion présidentiel et des équipements militaires ? Quel est le prix unitaire ? Est-ce possible de faire la réception de ces masques au Stade du 26 Mars pour certifier le nombre et la qualité ? Nous servir un énième scandale de marché public serait inacceptable. La distribution gratuite de 56 000 tonnes de céréales et 16 000 tonnes d’aliment bétail soulève les mêmes inquiétudes. Qui supervisera cette opération ?

 

Inquiétude

Les remises d’impôts pour les secteurs touristiques ne permettront pas de sauver des emplois. C’est une chimère. Pour le futur proche, les secteurs touristiques (hôtels, restaurants et agences de voyage) sont à l’arrêt et ne démarreront qu’une fois la pandémie sous contrôle. Quid des chômeurs ? Le gouvernement ne peut-il pas prendre en charge au moins 80 % de leurs revenus mensuels sur 3 voire 6 mois ? Les opportunités d’embauche sont désormais nulles. Les classes moyennes sont en train de partir en fumée et le gouvernement n’aura en face que des contribuables appauvris, et donc des recettes en berne pour l’avenir.

L’ensemble de la dette intérieure due au 31 décembre 2019 sera apuré selon le Président. Ces paiements sont exigibles de plein droit et ne représentent en aucun cas une faveur au profit des entreprises. Qui consomme paye.

 

Désormais dans le même bateau

Où est logé (banque) le fonds spécial Covid-19 mis en place par le gouvernement ? Nous demandons au gouvernement de donner un accès public à ce compte pour que les populations puissent suivre les entrées et les sorties de ce compte avec les justificatifs pour chaque opération. Aussi, ces fonds seraient-ils mieux gérés par la société civile avec ses exigences de transparence.

Le Président rappelle que la décision d’aller aux législatives n’est pas le fait du gouvernement mais du Dialogue national inclusif (Dni), sans aucune interférence. Est-ce que le dialogue national inclusif avait prévu le Coronavirus ? Avait-il prévu la détérioration du climat sécuritaire ainsi que le rapt du Chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé et donc l’une des personnes les plus importantes au Mali ? Si le Premier ministre avait été enlevé, le gouvernement aurait-il maintenu les législatives ? Comment expliquer le maintien des scrutins législatifs quand le pays a plus d’une centaine de cas officiels si ce n’est pour un agenda qui ne dit pas son nom ? Pourquoi prendre ce risque en sachant que tout le Mali ne dispose que d’une cinquantaine de respirateurs artificiels pour 20 millions d’habitants. Or, ces appareils sont indispensables pour assurer la ventilation des poumons de façon artificielle. Autrement dit, le gouvernement confirme qu’il est prêt à défendre son parti et ses alliés au risque d’exposer nos populations au Coronavirus. Aussi, nous ne comprenions pas que le nord du pays, sous occupation des rebelles, puisse enregistrer un taux de participation au-delà de 80 % et presque 100 % des voix pour le parti au pouvoir. Maintenir le second tour des élections, c’est défendre l’indéfendable.

Nous sommes désormais dans le même bateau, gouvernants et gouvernés. Les portes de Paris, Tunis et Casablanca sont désormais fermées et chacun va désormais devoir se soigner à Bamako pour l’avenir proche. Le Coronavirus ne choisit pas ses cibles. Il faudra donc saisir cette occasion pour changer de comportements et surtout de méthodes. La méfiance des Maliens envers le gouvernement est totale. Le plan de riposte avec son cortège de chèques géants, a toutes les allures de la caverne d’Ali Baba et ses velléités de surfacturation et de détournements. Il incombe au gouvernement de prouver que cette fois-ci, elle aura retenu la leçon.

 

Soya Djigué

(économiste, Bamako)

Source: Mali Tribune

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