Les pathologies sociales et leurs impacts sur la gouvernance politique…
En moins d’une décennie, le Mali enregistre deux coups d’Etat militaires (2012 et 2020). Ces ruptures brusques et violentes avec l’ordre constitutionnel traduisent l’inadaptabilité des institutions républicaines aux réalités sociales. Les institutions doivent être nécessairement des produits de la société et non le résultat des importations extérieures. Le milieu social, l’environnement culturel et les valeurs traditionnelles doivent trouver leur expression pleine et entière dans les lois de la République. Pourtant, c’est ce décalage institutionnel avec les déterminants sociologiques qui créent à chaque fois les conditions d’une intervention militaire dans le champ politique. Condamnées par les uns et louées par les autres, les interventions militaires dans le champ politique se produisent toujours dans un contexte de contestation et de dénonciation de la mauvaise gouvernance. En d’autres termes, le coup d’Etat qui est en soi l’expression pathologique d’une démocratie mal adaptée, s’appuie sur des tares sociales qui lui donnent en apparence une certaine légitimité populaire. On comprend alors que le coup d’Etat n’est que la conséquence objective de l’accumulation exacerbée des frustrations collectives. Celles-ci ont pour cause fondamentale la rupture de confiance entre la base et le sommet de l’Etat. Une démocratie forte nécessite la stabilité des institutions. A ce titre, un coup d’Etat n’est jamais souhaitable dans une démocratie. Mais pour ne pas en arriver là, la logique voudrait que le cadre de gouvernance soit désintoxiqué des grandes pathologies sociales au premier rang desquelles la corruption ; l’injustice ; le manque de transparence dans la gestion des affaires publiques ; les malversations financières etc.
La nécessité de renforcer l’utilité sociale de l’Etat…
Le bilan des trente-ans de démocratie au Mali est sans conteste un bilan mitigé. Il y a certes beaucoup d’insuffisances à souligner telles que les coups d’Etat, les rebellions et les insurrections populaires ; mais qu’à cela ne tienne, il y a lieu de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. En toute évidence, la démocratie est avant tout un processus qui nécessite du temps. La pratique démocratique avec les exigences qu’elle requiert (alternance politique ; organisation d’élections régulières, etc.) demande des acquis et des sacrifices de longues haleines. Et pour le cas d’espèce du Mali, on a beau dire qu’il s’agit d’une démocratie de façade, force est de constater qu’elle n’a pas que des aspects négatifs. Elle a apporté énormément de bien-être au peuple malien en termes de liberté d’expression, de participation citoyenne dans le débat public, de créativité et d’initiative individuelle etc. Ces éléments participent de l’éveil de conscience populaire et permettent une implication de plus en plus importante des citoyens dans des questions d’ordre national. Mais, encore faudrait-il que cette liberté d’expression s’appuie sur des bases solides, afin de la prémunir de l’arbitraire politique. Pour cela, la démocratie devra permettre de créer les conditions d’un rapprochement véritable des citoyens de l’Etat. Dans un contexte de crise multidimensionnel, l’efficacité politique passe, nécessairement, par la revivification de la démocratie locale et le renforcement de la présence de l’Etat dans les collectivités territoriales. En outre, dans le cadre de la gouvernance démocratique, la légitimité de l’Etat est fonction de sa rentabilité sociale. Les citoyens attendent avant tout que l’Etat apporte des solutions à leurs problèmes quotidiens de santé, d’éducation, d’alimentation, de sécurité etc. Or, c’est surtout sur ces questions épineuses que l’Etat démocratique malien a le plus échoué. Ce qui explique d’ailleurs aujourd’hui l’immixtion des religieux dans le champ politique ainsi que la floraison du phénomène de terrorisme et des milices d’autodéfense communautaires à travers les pays. Ces nouveaux acteurs politiques sont entrain aujourd’hui de concurrencer l’Etat dans bien de domaines (éducation, sécurité, etc.) parce que tout simplement celui-ci a échoué au bout de trente-ans à assumer pleinement auprès des populations son rôle de protecteur et de garant d’une justice équitable.
DIAKITE B., Politologue et DEMBELE K., Economiste.
Source: Bamakonews