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27 décembre 1966 : La défaite du Réal de Bamako en finale de la coupe d’Afrique des clubs champions

Après avoir remporté la manche aller à Bamako, 3-1, les Réalistes se sont inclinés 1-4 au match retour contre le Stade d’Abidjan. Ainsi, les Yéyés sont devenus les deuxièmes à soulever le prestigieux trophée, après l’Oryx de Douala. 53 ans après, retour sur le compte rendu de Pierre Campmas

Devant 35.000 spectateurs et en présence de nombreuses personnalités, le Stade d’Abidjan a battu le Réal de Bamako par 4-1 après prolongations et enlève ainsi la deuxième Coupe d’Afrique des clubs. Victoire sans appel que nul ne peut contester quant au nombre et à la validité des buts mais score invraisemblable, jugé à travers la physionomie de la rencontre. Avec le nombre d’occasions de but qui se présentèrent aux deux équipes, le score aurait pu être inversé, mais un match de football ne se juge pas aux occasions de but, mais aux buts effectivement marqués et aux buts encaissés.
Dans ce domaine, les quatre buts encaissés par le Réal ne sont contestables par personne et ils furent tous réguliers, mais tous provinrent d’erreurs flagrantes de la défense malienne. D’un autre côté, un tir sur le poteau de «Nani» et deux buts manqués par «Domingo» on se demande encore comment (jamais le Stade n’eut de telles occasions), tel est, grosso modo, le schéma d’une rencontre que le Réal avait à sa portée mais qu’il laissa filer à la suite d’erreurs monumentales. Le Stade d’Abidjan lui, dominé en football pur (exception faite de la première période) a su garder la tête froide et exploiter au maximum les rares occasions qu’il a obtenues, servi par surcroît par une chance insolente et par les véritables cadeaux offerts par le Réal. Mais une équipe est faite de 11 joueurs, et il est incontestable que l’ensemble du Stade d’Abidjan était plus homogène et plus cohérent face à un Réal où certaines défaillances passées qui n’eurent pas de conséquences graves furent cette fois-ci catastrophiques.

LE DÉROULEMENT DU MATCH-Après la présentation des équipes, c’est le coup d’envoi donné par l’arbitre libérien : M. Bertin. Dès le début du match, Ousmane Traoré est blessé au pied. Il s’écroule, se relève, reprend le match mais handicapé il sortira à la 32è minute de jeu et sera remplacé par Dramane Traoré. Le jeu est équilibré pendant quelques minutes, mais le flottement provoqué par la blessure d’Ousmane désorganise le Réal et dans l’ensemble, le Stade d’Abidjan domine. Son ailier gauche, Ahibo se montre dangereux à plusieurs reprises, ainsi que Déhi et Peter, mais le centre de la défense malienne se comporte bien, et seul Labas a des difficultés avec son adversaire direct Ahibo. De son côté, Aliou Diallo tient en respect. Devant, Salif Keïta «Domingo» effectue quelques bonnes actions, mais il est surveillé de près par Lamizana et derrière, Henri Konan constitue un obstacle difficile à franchir. Le Stade force l’allure et à la 30è minute de jeu, Déhi marque de près en profitant d’un mauvais contrôle de Labas et en expédiant vivement la balle dans les filets (30è min, 1-0).
Follement encouragés par leur public, les Stadistes exercent une vive pression sur le Réal. Cependant, le Réal mène des contre attaques dangereuses. «Domingo» lancé, tire du gauche de 25 mètres mais la balle passe au-dessus de la barre transversale. Peu après, il déborde sur la gauche, tire dans un angle fermé, mais le gardien Ezan, bien placé, détourne le cuir en corner.
On semble se diriger vers la mi­-temps, quand l’attaque ivoirienne se développe sur la gauche et Déhi, de 7 à 8 mètres en biais, tire en force dans un angle très réduit et la balle entre dans les filets, sans que Sacko fasse un geste (2-0 pour le Stade d’Abidjan). La mi-temps intervient heureusement pour le Réal qui accuse sérieusement le coup. Dès le début de la deuxième période, c’est un changement complet. Le Réal prend le contrôle du match et ne le quittera plus jus­qu’à la fin. Cependant, il ne parviendra jamais à marquer, malgré un tir magnifique de «Nani» expédié de 25 mètres qui heurte la transversale, alors que le gardien était battu, et un tir splendide de «Domingo» reprenant une passe de «Bala» que le gardien Ezan détourne en corner grâce à une détente horizontale spectaculaire et prodigieuse.

Le Stade est nettement dominé et sa ligne d’attaque est aisément contrée par une excellente défense malienne où Adama Camara, Fatoma Ouattara et Aliou Diallo s’imposent à leurs adversaires directs. Mais malgré les nombreuses balles prodiguées à l’attaque par un très bon Dramane Traoré et par Toumani Sissoko, les avant-centres ne parviennent pas à passer. «Nani», bien placé manque deux tirs du gauche en bonne position, «Balla» lutte farouchement contre un Eugène Koffi très dur et Kanté fait des erreurs d’appréciation. Le Réal obtient plusieurs corners et Ezan, le gardien de but ivoirien connaît quelques situations périlleuses, mais rien ne passe et l’arbitre M. Bertin du Liberia siffle la fin du match. Aussitôt, il appelle les deux capitaines qui procèdent au tirage au sort et après quelques minutes d’arrêt, c’est le début des prolongations (à l’époque, la règle du but marqué à l’extérieur n’existait pas, ndlr). Le Réal continue sur sa lancée et s’avère extrêmement dangereux à plusieurs reprises. Le Stade d’Abidjan a de la peine à s’organiser, mais sa défense résiste à la pression malienne. Cependant, après un excellent débordement sur la droite, «Domingo» fait une passe en retrait à «Balla» qui tire et marque à la 10è minute de cette première prolongation (100è min, 2-1).
Le Réal exerce une vive pression sur le Stade et deux minutes après, sur une très belle passe de Kanté, «Domingo» seul face à Ezan et à 6 mètres de lui, veut placer la balle mais Ezan réussit à la détourner du pied. Cette occasion en or, qui eut porté le score 2 à 2, marqua l’un des tournants de ce match plein d’imprévus et terriblement éprouvant. La fin de la première prolongation survient donc sur le score de 2-1 en faveur du Stade d’Abidjan.
La deuxième partie de la prolongation est commencée depuis trois minutes, quand sur une balle en profondeur de Guy Cissoko, Ahibo, de la tête expédie le cuir dans les filets
sans que Sacko fasse un geste (108è min, 3-1). Peu après, à la suite d’un centre de la droite, le gardien de buts Ezan et Zadi tombent. Ezan lâche la balle. Domingo seul expédie la balle vers les buts vides mais la met au-dessus ! Cette nouvelle occasion merveilleuse va pratiquement coûter le match dans l’ensemble, mais les Ivoiriens jettent toutes leurs forces dans la bataille. Alors qu’il reste à peine deux minutes à jouer et qu’un troisième match semble nécessaire, c’est le coup de théâtre. Bléziri, qui n’a pas fait grand chose jusque-là, envoie un tir de 30 mètres qui ricoche sur Aliou Diallo, fuse droit sur Sacko lequel, surpris, détourne la balle dans ses propres filets (118è min, 4-1). C’est la folie dans le stade. Des dizaines d’enfants se répandent sur le terrain qui est rapidement dégagé. Le Réal fait le forcing pour égaliser mais les Stadistes dégagent loin en touche à plusieurs reprises et l’arbitre siffle la fin du match dans un stade en délire.

Pour aussi paradoxal que cela puisse paraître, le Réal, vaincu à Abidjan, a nettement mieux joué qu’à Bamako où il avait gagné si l’on considère la qualité du football pratiqué. Par contre, il y eut au Réal de graves défaillances individuelles qui provoquèrent sa défaite.
Le match peut se diviser en 3 parties. La première mi-temps fut à l’avantage du Stade qui contrôla le jeu dans l’ensemble, mais qui marqua ses deux buts sur deux erreurs grossières des défenseurs maliens : le premier à la suite d’un contrôle défectueux de Labas, aussitôt repris par Déhi, le deuxième à la suite d’un manque de réflexe de Sacko qui laissa passer la balle dans l’angle qu’il avait fermé lui-même. La deuxième partie du match comprend toute la deuxième mi-temps, la première partie de la prolongation et la seconde partie de la prolongation. Durant cette période, le Réal, sous l’impulsion d’un Dramane Traoré qui réalisa un très grand match, contrôla le jeu, mais devant, indépendamment des deux balles en or que rata complètement «Domingo», la ligne d’avant du Réal ne donna jamais l’accélération nécessaire pour passer.
Dans cette ligne d’avant, on peut dire que seul «Balla» se battit avec fougue et lutta de toutes ses forces. Certes, on peut invoquer la malchance car sur cent occasions pareilles, «Domingo» en marquerait sans doute 98 ou 99, mais dimanche à Abidjan, ni «Domingo», ni Kanté, ni «Nani» n’eurent le «jus» nécessaire ou cette fraction de seconde qui fait la différence. La troisième partie du match se situe à partir de la moitié de la seconde partie de la prolongation. Elle fut plus équilibrée mais les Ivoiriens survoltés par leur public, exploitèrent une erreur fatale de Sacko. En définitive, ce match fertile en rebondissements imprévus et éprouvant pour les spectateurs et supporters des deux équipes, tint toutes ses promesses sur le plan de l’intérêt et fut d’un bon niveau technique.
La victoire est revenue à l’équipe qui a su garder la tête froide et déployé une énergie supérieure. Le Réal n’a pas été battu en football pur mais les défaillances individuelles de certains de ses joueurs et le manque de mordant de certains autres ont provoqué une défaite qu’un peu de sang-froid, de réalisme et d’énergie pouvaient sans doute transformer en victoire.
Pierre Campmas
Ndlr : Pierre était un journaliste français qui a travaillé à la radio Mali et à L’Essor. Il était Toulousain et a écrit une thèse sur l’US RDA, le parti qui a conduit le Mali à l’indépendance.

LES JOUEURS DU RÉAL DE BAMAKO
Adama Camara : Alors que sur le vu du match de Bamako on craignait une défaillance de sa part, Adama fut l’un des meilleurs joueurs maliens, peut-être le meilleur. Il ne commit pas une seule faute, sauva des situations périlleuses et se battit avec le courage qu’on lui connait.
Fatoma Ouattara : Très bon également. Fatoma constitua, avec Adama Camara, une très bonne défense au centre et fut intraitable sur les balles hautes.
Aliou Diallo : Si à Bamako Bléziri a débordé à maintes reprise Aliou Diallo, il n’en fut rien à Abidjan où Bléziri fut mis sous l’éteignoir. Certaines montées offensives d’Aliou Diallo furent dangereuses, mais il manqua malheureusement ses tirs.
Toumani Sissoko : A accompli un bon travail au centre du terrain, mais une fois de plus, fit de mauvaises passes.
Ousmane Traoré : Blessé après une minute de jeu, resta encore trente minutes sur le terrain mais nettement handicapé ne peut être jugé sur ce match.
Dramane Traoré : A fait un très grand match, l’un des meilleurs qu’il ait jamais joué. Il accomplit un travail énorme, tant en défense qu’en attaque, et si le Réal contrôla les deux tiers du match, il le doit en grande partie à Dramane Traoré.
Nani Touré : A peine moyen, mais faillit réussir le même exploit qu’à Bamako, pratiquement du même endroit. Malheureusement, le tir trop haut de quelques centimètres heurta la transversale et revint en jeu.
ldrissa Kanté : Kanté a incontestablement des qualités mais il lui manque le tranchant et l’accélération nécessaire pour transpercer une défense solide. Par ailleurs, il manqua tous ses tirs en voulant les expédier de trop loin.
Salif Keïta «Domingo» : A manqué deux balles de match en deux occasions différentes, mais indépendamment de cela il n’eut pas son rayonnement habituel. Certes, il conduisit quelques attaques remarquables et fut dangereux chaque fois qu’il eut la balle, mais il n’avait ni le tranchant, ni l’inspiration qui lui auraient permis de faire la différence.

Synthèse : Seïbou S. KAMISSOKO

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