Une nouvelle décennie démarre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que celle qui vient de se conclure a été plutôt joyeuse pour les deux cadors espagnols. Le FC Barcelone a ainsi réussi à dominer l’Espagne, avec pas moins de sept titres de Liga en plus de deux Ligue des Champions, alors que l’ennemi merengue a fait régner la loi sur la scène européenne, ajoutant quatre nouvelles coupes aux grandes oreilles à sa vitrine de trophées, entre autres. Sans compter les nombreux joueurs de talent qui sont passés dans les rangs des deux géants du football ibérique, et qui nous ont offert tant de belles soirées de football et d’émotions. Mais depuis quelque temps, c’est plutôt en Angleterre que les yeux de la planète foot semblent rivés, avec ce duel Liverpool-Manchester City qui donne l’impression d’avoir pris le relais en tant qu’affiche la plus intéressante. Pas au niveau du prestige ni de la rivalité évidemment, mais sportivement, force est de constater que les Reds sont aujourd’hui loin devant Blaugranas et Blancos, alors que si les Citizens doivent encore faire leurs preuves en Europe, le jeu développé par les troupes de Pep Guardiola est aujourd’hui plus attractif que celui des hommes de Valverde et de Zidane.

Catalans et Madrilènes semblent clairement arriver en fin de cycle. Bien sûr, la situation des deux équipes n’est pas la même, les bases madrilènes semblant aujourd’hui plus stables, alors que le Barça a l’atout Messi, mais il y a de nombreux parallèles à faire entre les deux. Florentino Pérez et Josep Maria Bartomeu vont ainsi avoir du boulot pour remettre leur formation sur le toit de l’Europe. Et cela passera avant tout par le banc de touche. C’est surtout du côté de Barcelone qu’il ne faudra pas se louper. Après trois ans, Ernesto Valverde arrive en fin de contrat en juin, et la tendance n’est pas forcément à une prolongation actuellement. Tout dépendra beaucoup des résultats qu’obtiendra son équipe en deuxième partie de saison. Mais la désignation de son successeur représente un sacré enjeu, à l’heure où beaucoup de fans catalans se plaignent de la disparition du jeu léché barcelonais et du peu de chances qui sont données aux jeunes de La Masia. Un choix qui sera stratégique en terme de résultats, d’image, mais aussi d’idéologie et de philosophie donc, et lorsqu’on regarde les noms qui sont (timidement) sortis dans les médias, comme Ronald Koeman et Thierry Henry, on a l’impression que le Barça veut revenir aux bases, avec des anciens de la maison qui ont évolué dans 2 des meilleures équipes de l’histoire du club.

Deux effectifs vieillissants

Quant à Zinedine Zidane, malgré quelques grincements de dents du côté des dirigeants et des socios en début de saison, l’horizon est plus dégagé. Si les résultats suivent, il n’y a pas de raison qu’il soit démis de ses fonctions. En revanche, l’entraîneur français sera attendu au tournant lorsqu’il va devoir procéder à un grand nettoyage de printemps – d’été en l’occurrence – dès le mois de juin. Une grande première pour lui, puisqu’il va être obligé de faire savoir à certains cadres vieillissants qu’ils vont devoir prendre la porte. On pense à Marcelo par exemple, ou même à Luka Modric. Dans le même temps, il va également devoir gérer l’intégration de nombreux revenants, à l’image de Martin Odegaard et Achraf Hakimi, qui brillent à la Real Sociedad et au Borussia Dortmund, mais aussi de Dani Ceballos, Take Kubo et Sergio Reguilon, qui peuvent aussi avoir un rôle à jouer dans le Real Madrid 2020/2021. Des retours de prêt qui devraient promettre un mercato estival 2020 assez calme, d’autant plus que l’effectif comporte déjà plusieurs jeunes joueurs de talent comme Rodrygo ou Fede Valverde, avec probablement une seule voire deux arrivées galactiques. Du côté de Madrid, c’est vers Kylian Mbappé que tous les regards se tournent… Un transfert qui serait déterminant sur le point sportif mais aussi niveau marketing, deux points où le Real Madrid a un peu perdu de puissance suite au départ de Cristiano Ronaldo, dont les buts n’ont pas forcément été remplacés et dont la popularité chez les fans et les annonceurs n’est plus à présenter.

Quant au FC Barcelone, le constat est similaire. Plusieurs joueurs arrivent sur la fin, ou semble en tout cas avoir baissé le niveau ces derniers mois, à l’image d’Ivan Rakitic ou de Luis Suarez, ou même de Jordi Alba et Sergio Busquets, à un degré moindre. Cependant, si on se fie aux informations publiées jusqu’à présent, on ne semble pas se préparer à un grand remaniement dans l’effectif. On parle ainsi déjà d’une prolongation de Luis Suarez, alors qu’Ivan Rakitic devrait rester, malgré quelques rumeurs évoquant un départ. Et là aussi, les Catalans ne semblent pas avoir le même vivier de jeunes à disposition. Bien sûr, des éléments comme Frenkie de Jong, Arthur Melo, Clément Lenglet ou même Ansu Fati ont de longues années devant eux, le catalogue de pépites semble moins étendu qu’à Madrid. D’autant plus que, comme expliqué plus haut, La Masia n’a plus vraiment ce rôle de fournisseur de joueurs pour l’équipe première, et des Carles Aleñá ou Riqui Puig ne sont clairement pas assurés d’avoir une place dans l’effectif de l’équipe première. À Madrid, Zinedine Zidane devra donc uniquement se soucier d’intégrer du mieux possible les nouveaux, puisque le boulot a déjà été fait en amont. Du côté du FC Barcelone, il faudra probablement recruter plusieurs joueurs, notamment dans le secteur offensif qui est quantitativement assez peu couvert.

Un business à exploiter du mieux possible

Lorsque l’on parle du Real Madrid et du FC Barcelone, on parle surtout d’énormes multi-nationales qui brassent des millions et du millions. Les sommes obtenues grâce aux droits TV, aux produits dérivés et aux différents contrats de sponsoring sont délirantes. Le club barcelonais est par exemple devenu le premier club de football à dépasser le milliard d’euro en chiffre d’affaire. Mais le monde du football ne connaît – pour l’instant du moins – pas la crise, et les chiffres montent partout. La souveraineté financière du Real Madrid et du Barça aujourd’hui n’existe plus, puisque de nombreux clubs ont aujourd’hui une force de frappe similaire voire supérieure sur le mercato. L’explosion des droits TV en Angleterre et l’apparition du PSG, la gestion exemplaire de la Juventus et un Bayern qui semble désormais prêt à lâcher de grosses sommes, mettent clairement les deux cadors en danger. Si leur prestige et leur histoire peut encore faire la différence, il arrive souvent qu’il ne puissent pas s’aligner sur les salaires proposés par d’autres clubs.

Dès lors, il faut trouver des solutions. La hausse permanente des droits TV en Espagne, bien poussée par la vente des droits à l’international, va aider, mais pas que. Pour générer de nouveaux revenus sans dépendre des télévisions ou des sponsors, qui arrosent déjà bien les deux clubs (les deux équipes étant celles qui touchent le plus grâce à leur maillot), il faut trouver des solutions. L’arrivée de joueurs bankables en est une. Le Barça a déjà ce qu’il faut avec Messi, mais le Real Madrid n’a plus vraiment d’égérie de ce calibre. Mbappé donc, mais aussi Paul Pogba et même Neymar pourraient clairement faire l’affaire. On comprend également pourquoi le FC Barcelone se montre favorable à l’organisation de rencontres de championnat hors du territoire espagnol. Les deux clubs sont aussi face à un sacré chantier – au sens littéral – puisque les travaux de rénovation du Santiago Bernabéu et la construction de l’Espai Barça s’avèrent décisifs. Du côté de Madrid, on va légèrement agrandir le stade mais surtout le moderniser, sans parler des nombreux commerces qui vont naître dans l’enceinte. Du côté de la Ciudad Condal, le projet est encore plus conséquent, et vise tout simplement à organiser un véritable village autour d’un Camp Nou, qui sera lui aussi bien retapissé.

Deux présidents qui peuvent jouent gros

Si cela venait à mal se passer pour les deux équipes, les deux présidents devraient rendre des comptes aux socios. Même si Florentino Pérez a parfois le droit à des chants à son encontre, il est majoritairement soutenu par les supporters merengues. Surtout, il ne semble pour le moment pas avoir de rival crédible pour les élections présidentielles qui devraient avoir lieu en 2021. Les nouveaux impératifs auxquels doivent répondre les candidats en termes de finances et d’ancienneté ont clairement éliminé toute compétition pour l’homme d’affaires espagnols, qui, sauf catastrophe ou décision personnelle, devrait au moins rester jusqu’en 2025. Josep Maria Bartomeu et sa direction eux n’ont pas le droit à l’erreur en vue des élections de 2021, alors que l’ombre de Victor Font et de l’ancien président Joan Laporta planent au-dessus du Camp Nou. Décrié par certains, encensé par d’autres, Bartomeu divise clairement à Barcelone.

Contrairement à son homologue merengue, il aura donc plus d’adversaires qui briguent la tête du champion d’Espagne en titre. Un nouvel échec européen pourrait lui être fatal, alors que l’arrivée d’une nouvelle star l’été prochain pourrait au contraire lui faire gagner des points. Il ne faut également pas oublier que, dans les deux cas, il s’agit de clubs multi-sports, et que le basket a également une place importante dans l’actualité catalane et madrilène. Ce n’est donc pas un hasard que le Barça ait autant investi pour son équipe de basket cet été, avec l’arrivée de Nikola Mirotic et son salaire de star de la NBA. L’international espagnol répond présent pour le moment, et a été décisif lors de la victoire catalane à l’occasion du Clasico disputé pendant ces fêtes. Nul doute qu’il sera très important en vue d’un possible titre en championnat ou en Euroleague, qui permettrait à Bartomeu de redorer son image. Quoi qu’il en soit, les deux présidents vont avoir du pain sur la planche dès ces premières semaines du mois de janvier.