Encore une fois les années peuvent s’égrener, mais nous n’oublierons jamais l’homme que fut Adam Thiam, décédé le 18 mars 2021, à l’âge de 67 ans
Cela fait un an, jour pour jour, que l’opinion nationale et internationale apprenait avec tristesse le décès d’Adam Thiam, brillant intellectuel, éminent journaliste et consultant chevronné. L’homme, qui s’employait à rendre promptement hommage aux défunts sous la forme d’un “Janjo”, a définitivement brisé sa plume.
La disparition d’Adam Thiam laisse un grand vide dans le paysage médiatique malien et africain parce qu’il avait la plume fertile, une intelligence pétillante et une inspiration foudroyante. Tout cela pour le bonheur des lecteurs. Un de ses articles paru dans “Le Républicain” n°350 du 17 juillet 1998 a fait sensation. Il parlait de notre compatriote feu Babani Sissoko.
Dans son analyse, Adam Thiam a posé une problématique en ces termes : “Babani : Déjà la fin du mythe ?” Et d’enchaîner : “La Tribune de Genève qui a levé le lièvre n’est pas n’importe quel journal. Et notre confrère L’Indépendant qui réalise un scoop en citant le journal Suisse n’est pas l’ennemi juré du prodige de Dabia. Il faut donc prendre au sérieux les révélations des deux confrères sur la nouvelle affaire Babani : un rocambolesque détournement de pas moins de 145 milliards de F CFA…”
Après la prière du vendredi, le dirpub du “Républicain”, à l’époque Ibrahim Traoré, convoqua une réunion de rédaction autour de l’article, qui a fait l’effet d’une bombe dans le district. Les partisans du milliardaire l’ont interpellé sur l’article. Ce jour chacun a donné son point de vue sur le sujet. En conclusion Francky a assumé ses responsabilités et n’a éprouvé aucun remords. Pour lui un journal est conçu pour donner des informations.
J’ai donc connu Adam Thiam en 1998, quand j’étais journaliste stagiaire au quotidien “Le Républicain”. Le promoteur Tiébilé Dramé venait de quitter le Cnid, pour créer le Parena avec d’autres camarades dissidents. Il avait besoin de son organe pour soutenir le combat démocratique dans lequel il s’est engagé depuis qu’il était étudiant. Pratiquement il dirigeait les réunions de rédaction, pour les dispositions à prendre.
Pour la circonstance Tiébilé Dramé était toujours accompagné de son ami Adam Thiam. Celui-ci faisait le tour de la salle de la rédaction, discutait de l’actualité avec le directeur de publication Ibrahim Traoré dit Francky, et descendait pour fumer dans la cour. Après les réunions je me précipitais auprès de lui, non pas pour causer, mais surtout suivre ses analyses politiques, qu’il développait avec les confrères Boubacar Daou, Ibrahim Niangaly et feu Lamine Tiécoura Coulibaly de l’ORTM.
Le côté fort d’Adam Thiam résidait dans sa conviction. Autrement dit, il avançait des argumentations précises sur tous les sujets discutés. Boukary Daou ne tirait pas trop sur la corde, pour le contredire. C’est plutôt avec Niangaly que le débat était houleux parce qu’il avait encore l’idéologie estudiantine de l’AEEM.
Qui était Adam Thiam ?
Adam Thiam très sage, entre deux bouffées de cigarette, et dans un sourire léger lui apprenait que le Mali est à ses débuts en démocratie, qu’il fallait donc accepter certains sacrifices et dérapages. Surtout que le pays sortait d’une période dictatoriale qui a fait trop de victimes. C’était vraiment des discussions chaudes entres journalistes, mais dans la convivialité.
Né le 2 août 1954 à Kéniéba, Adam Thiam est anthropologue socio-économiste ayant longtemps servi dans les organisations non gouvernementales (ONG) comme Save the Children UK, Succo, Oxfam et consultant auprès de beaucoup d’agences spécialisées des Nations unies comme le Pnud et l’Unicef. Il avait une très bonne connaissance du terrain malien à travers ses nombreux séjours dans plusieurs régions du Mali et au Sahel en général.
En plus de ses activités professionnelles, Adam était un poète, féru d’Aimé Césaire, d’Edouard Maunick et en général des poètes des îles, un fervent de la musique du terroir.
A l’international, il a exercé à Addis-Abeba (Ethiopie) au sein de l’Union africaine, à Nairobi (Kenya), à Dakar (Sénégal), à Londres (Grande-Bretagne) et à Boston (Etats-Unis d’Amérique).
Cependant, ses nombreux déplacements et séjours à l’étranger ne lui ont pas fait oublier ses racines. Adam ne se sentait à l’aise qu’au milieu des siens, de ses amis, toujours prêt à aider son prochain sans aucune arrière-pensée. Ainsi, son domicile à Baco-Djicoroni/Golfe était-il le point de convergence des amies et parents de ce grand rassembleur, accueillant, altruiste et maniant l’humour à la perfection.
Encore une fois, les années peuvent s’égrainer, mais nous n’oublierons jamais l’homme qu’il fut.
Dors en paix cher confrère !
O. Roger Tél (00223) 63 88 24 23