Elles étaient dix Premières dames, et non des moindres, à être venues soutenir à New York, le 26 septembre, Lalla Malika Issoufou dans son effort de renversement des tendances démographiques de son pays, le Niger. « Non au mariage des enfants » : c’est le message simple et fort que les épouses des présidents de grands pays tels que l’Afrique du Sud et le Nigeria, mais aussi du Cabo Verde, Mali, Burkina, Rwanda, Zimbabwe et Comores ont délivré en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, dans un évènement co-organisé par le NIger et le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA).
« La forte pression des pesanteurs socio-culturelles donne un tableau peu reluisant au Niger », a reconnu en parlant de son propre pays Lalla Malika Issoufou, Première dame du Niger. Le mariage avant 18 ans, une pratique qui touche tout le Sahel, concerne plus de 76 % des jeunes filles au Niger, et jusqu’à 28 % des moins de 15 ans. En plus de la déscolarisation des jeunes filles et de leur situation de dépendance à l’égard de leur mari, la conséquence est bien connue. Elle a pour nom « fistule obstétricale », ce dramatique déchirement d’organes qui survient lors de grossesses précoces et handicape les jeunes filles à vie si elles ne se font pas opérer. Ce problème de santé publique touche 750 filles par an selon le ministre de la Santé du Niger. Et sur 2 millions de cas dans le monde, la moitié se trouvent au Nigeria, précise Mabingué Ngom, directeur du bureau régional du UNFPA pour l’Afrique de l’Ouest et centrale.
Toujours très discrète en Afrique du Sud, Tshepo Motsepe Ramaphosa s’est levée pour rappeler qu’en tant que médecin, comme Lalla Malika Issoufou, elle ne peut pas rester insensible au sort des « filles, soeurs et mères » du continent. Elle a encouragé toutes les femmes à se battre pour leur autonomisation et les droits des plus jeunes. D’autres intervenants sont revenus sur les « bonnes pratiques » engagées au Niger, qui ont permis de voir le taux de fécondité passer de 7, 6 à 6 enfants par femme entre 2013 et 2017, selon les Enquêtes démographiques de santé (EDS) nationales. Parmi ces expériences innovantes figurent des « espaces sûrs » qui ont déjà bénéficié à 132 000 jeunes filles, l’information plus accessible sur les méthodes de contraception, ainsi que les « écoles des maris » lancées avec le soutien du UNFPA, pour encourager les hommes à prendre les bonnes décisions concernant la santé de leur femme, en leur permettant un bon suivi médical.
L’ancien ministre éthiopien de la Santé, le Dr Tedros, directeur de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est venu donner son appui, de même que Michaëlle Jean, secrétaire générale de la Francophonie. Mais ce sont plutôt deux hommes remarquables venus du Niger qui se sont distingués. Le premier, l’honorable Mansour Maiguizo, a pris la parole au nom de l’Association des chefs traditionnels du Niger, témoignant de leur rôle dans le changement des mentalités : « Surtout en milieu rural, a-t-il dit, pour lutter contre la pauvreté, la non scolarisation, la mendicité, la prostitution, la migration et la violence ». Des ateliers de formation des chefs traditionnels sont organisés depuis 2015 au Niger, pour que tout le monde comprenne l’enjeu du « dividende démographique » – ce moment où la jeunesse se traduira par un essor économique, à condition de voir baisser le taux de fécondité et donc le nombre de personnes à la charge de chaque actif.
Second homme remarquable à New York, le chef religieux Cheikh Ben Salah a rappelé le rôle central de la femme dans le Coran comme dans l’islam, nombreux exemples à l’appui. « La sourate qui représente le centre du Coran porte le nom d’une femme, Mariam », a-t-il souligné, tout comme le fait que « la première personne à avoir embrassé l’islam est une femme », et que « le seul et unique exemplaire du Coran a été confié aux bons soins d’une femme ». Il a souligné le rôle que les imams peuvent jouer en encourageant la planification familiale volontaire, c’est-à-dire le nombre d’enfants qu’un couple décide d’avoir et l’espacement des naissances, pour le bien-être de tous. « Les oulémas ont été invités à jouer leur partition par les plus hautes autorités, a-t-il rappelé. Le Centre islamique national a soutenu des voyages d’étude en Egypte, au Bangladesh et en Indonésie, organisés par l’UNFPA, pour que nous puissions intégrer dans nos prêches les droits des femmes et des filles, ainsi que les sujets démographiques ». Rappelant l’importance pour tout croyant masculin de la « qualité de ses relations avec son épouse », il a encore plus ému la salle avec une citation oecuménique de Martin Luther King : « J’ai cherché mon Dieu, je ne l’ai pas vu. J’ai cherché mon âme, je ne l’ai pas saisie. J’ai cherché mon frère, et je les ai trouvés tous les trois »
Journal du mali