Sur instruction du président de la transition Bah N’Daw, les opérations de démolition des constructions illicites dans la zone prioritaire de l’aéroport de Bamako ont commencé jeudi 14 janvier, informe le ministère des Affaires foncières. Cette première phase va concerner la zone très proche de la piste de l’aéroport, soit 1660 ha sur les 7191 que couvre la zone aéroportuaire. C’était en présence des ministres des Affaires foncières, du Transport et de la sécurité.
Dans la nuit du mercredi au jeudi, rien n’indiquait à Youssouf Coulibay que le réveil serait brutal. Le matin, alors que le bulldozer rasait une partie de sa concession, où il est en location, le jeune homme ne peut que s’empresser de fermer la porte de sa chambre à coucher, épargnée provisoirement, pour empêcher la poussière d’y entrer. « Nous ne savions rien de cette démolition. C’est en nous réveillant ce matin qu’on a appris ce qui se passait. Normalement on devrait être informé deux à trois jours en avance avant le début des opérations », regrette-t-il. A l’instar de Youssouf Coulibaly, ils sont nombreux à regarder, ébahis, les bulldozers démolir des maisons à Sénou. L’opération a été planifiée et conduite dans le plus grand secret. Toutes les forces de sécurité malienne ont été mobilisées pour l’occasion, en raison de 75 éléments par corps. « Le personnel a été informé de l’opération sur le terrain à 3 heures du matin pour qu’il n’y ait pas de fuite. La police assure la couverture aérienne dans le cadre de la progression, la gendarmerie assure la sécurité des cinq à six bulldozers qui sont là et la garde nationale couvre le dispositif », informe le colonel Seydou Kamissoko, coordinateur des opérations de sécurisation des travaux de démolition.
Menace de retrait de licence de l’aéroport de Bamako
En 1995, des démolitions ont été effectuées dans la zone aéroportuaire. Selon les autorités, les occupants d’alors ont été indemnisés. Cependant, au fil du temps, plusieurs personnes sont revenues s’installer illégalement dans la zone. Chose qui risquerait de faire perdre à l’aéroport de Bamako sa licence de vols internationaux. « Cette opération est un salut public. Toute la zone aéroportuaire est agressée et cela représente un danger pour la circulation aérienne. Et aujourd’hui l’aéroport de Bamako court le risque de perdre sa licence. Cela veut dire que les vols internationaux ne peuvent plus avoir lieu à partir de Bamako. Nous allons donc aller à Dakar ou Conakry pour prendre des vols », explique Dionké Diarra, ministre des Affaires foncières, de l’Urbanisme et de l’Habitat.
A l’en croire, les opérations vont continuer et tout sera fait pour démolir les sites illégalement bâtis dans la zone dans les meilleurs délais. « Nous n’avons aucun scrupule pour les dégager, car si nous perdons l’aéroport, il nous faut quelques années pour en reconstruire et ce n’est pas moins de 1000 milliards de Franc CFA. Pourquoi le pays ferait ça pour des gens qui ne sont pas dans la légalité ? Cette opération va continuer. Ceci est la première étape. Toute la zone aéroportuaire sera dégagée à court terme.»
« S’il y a crash dans cette zone, l’impact s’étend sur 5 km »
De cette ferme position, s’aligne aussi le ministre des Transports et des Infrastructures, Makan Fily Dabo qui a alerté des dangers qu’encourent les occupants de la zone aéroportuaire. « Nous allons poursuivre cette opération pour l’intérêt du Mali et pour l’intérêt de la sauvegarde de notre aéroport international. La zone trouée Ouest et la zone trouée Est constituent la route de l’avion à l’atterrissage et au décollage. S’il y a crash dans cette zone, l’impact s’étend sur 5 km. Donc toutes les maisons qui s’y trouvent seront impactées par le kérosène ».
De ces alertes, Senoumou Samaké, porte-voix des déguerpis de la zone, n’accorde aucun crédit. Il y voit plutôt « de la pure méchanceté ». « Ici on n’entend ni ne voit d’avions. Ils ne veulent juste pas nous voir. Beaucoup de nos maisons ont été démolies aujourd’hui », soupire le sexagénaire, chapelet à la main.
Ces opérations de démolition devraient commencer le 28 mai 2020. Cependant elles avaient été reportées pour « cause de climat social assez tendu ». Le coût total de cette première phase avait été évalué à près de 321 millions de Francs CFA.
Source : Journal du Mali