Le candidat de la coalition « le Mali d’abord », Ibrahim Boubacar Keïta, devrait être prochainement proclamé « président du Mali » après avoir reçu les félicitations de son adversaire, Soumaïla Cissé, qui a reconnu lundi sa défaite à l’élection présidentielle.
Pourquoi alors ce virage à 180° de reconnaissance de sa défaite alors lui et ses partisans étaient dans une logique de la contestation ? Que s’est-il réellement passé entre temps pour que le candidat du FDR arrive à une telle position qui aura surpris plus d’un ?
Le peuple malien attend toujours officiellement l’annonce des résultats.
Mais il sait déjà qu’il a trouvé son nouveau président pour les cinq prochaines années: Ibrahim Boubacar Keïta.
Son adversaire et challenger au second tour de la présidentielle du 11 août dernier, Soumaïla Cissé, a officiellement reconnu sa défaite lundi tout en félicitant le vainqueur à cette élection qui n’aura été pour ce dernier qu’une simple promenade de santé, vu l’écart des voix qui sépare les deux candidats. Et ceci, avant même que les résultats officiels soient proclamés par le ministère de l’Administration territoriale et la Cour constitutionnelle.
« Je suis républicain. Le président Ibrahim Boubacar Kéïta a gagné les élections de la belle manière, je me dois de le féliciter. Contrairement à la tradition du coup de fil, j’ai préféré une tradition bien malienne, celle d’être présent ici à son domicile avec ma femme et mes enfants et avec sa femme et ses enfants. C’est tout cœur et de bon cœur que je suis là aujourd’hui », a déclaré Soumaïla Cissé à la fin de sa visite.
Quant à IBK, il est apparu tout de blanc vêtu et a affirmé être ému de la visite de celui qu’il appelle son jeune frère.
« Ce n’est pas n’importe quelle visite. C’est la visite de mon jeune frère, de mon cadet, Soumaïla Cissé (…) Cela, je crois, est le symbole d’un Mali nouveau. J’ai dit que dans cette affaire-là, c’est le Mali qui gagne et l’image est là ! Cela est seul digne du Mali », a annoncé Ibrahim Boubacar Kéïta.
« Le Mali n’est grand que quand des actes gigantesques de ce genre sont posés », conclut IBK.
Ce dernier, surnommé IBK, était le grand favori du second tour de la présidentielle.
Il était arrivé largement en tête du premier tour le 28 juillet, avec quasiment 40% des suffrages et 20 points d’avance sur Soumaïla Cissé.
Promettant de rétablir l’autorité de l’Etat au Mali, il a ensuite bénéficié du ralliement du 22 des 25 candidats éliminés au premier tour.
Soumaïla Cissé a donc décidé de reconnaître sa défaite dès lorsqu’il est apparu évident qu’IBK était en tête même à Gao, la plus grande ville du nord du Mali, a dit un de ses porte-parole.
Pourtant, quelques heures auparavant, des voix se sont élevées, parmi les partisans de l’ancien président de la commission de l’UEMOA, pour dénoncer des fraudes.
« Pour nous, au cours du second tour, il y a eu plus de fraudes et plus de dysfonctionnements que lors du premier tour », accuse Gagnon Coulibaly.
« Il y a eu d’abord un bourrage d’urne dans le bureau numéro 12 de Kalabancoro Kouloubleni, à Bamako. On a vu l’urne remplie de bulletins. Et ensuite, nous avons vu des urnes dans certaines mosquées à Daoudabougou et à Sabalibougou, avec constat d’huissier des bureaux de vote parallèles. Et nous savons aussi que ces bureaux de vote étaient aussi dans d’autres lieux de culte», a-t-il accusé.
Un début de polémique qui n’aura finalement duré que quelques heures, au lendemain d’un scrutin dont les observateurs, venus massivement pour donner leur caution moral à ce scrutin (de tous les dangers ?), ont jugé qu’il s’était mieux déroulé qu’au premier tour.
Ce même lundi soir cependant, Soumaïla Cissé maintenait encore les accusations portées par ses partisans.
D’après un journaliste étranger, venu spécialement couvrir l’évènement, le candidat malheureux aurait confirmé ce que ses supporters ont dit sur les « fraudes massives », montrant notamment une photo d’un électeur, sur une moto, transportant une urne bourrée de bulletins de vote.
En somme, l’ancien ministre des Finances se serait dit « lésé » lors de l’organisation de ce second tour.
Pourquoi alors ce virage à 180° de reconnaissance de sa défaite alors lui et ses partisans étaient dans une logique de la contestation ?
Que s’est-il réellement passé entre temps pour que le candidat du FDR arrive à une telle position qui aura surpris plus d’un ?
Selon des sources concordantes, tout est accéléré aux environs de 15 heures lorsque la Commission de centralisation avait fini de dépouiller les 2/3 des votes dont les tendances donnaient largement IBK en tête.
Comme par exemple dans le District, où tous les comptes avaient été faits, IBK, selon les mêmes indiscrétions, avait 87,75% contre 12,25%.
D’autre part, dans les plus grands bastions électoraux (Sikasso, Ségou, Kayes), nous affirme-t-on, les deux candidats se suivaient dans les mêmes disproportions de pourcentage.
Une réalité évidente à laquelle Soumi lui-même a avoué sans gêne : « Je n’ai pas attendu parce que, justement, j’ai vu l’écart des voix. J’ai vu les résultats provisoires portant sur plus des deux tiers du dépouillement des bulletins de vote et j’en ai conclu que je ne pouvais pas rattraper mon retard ».
Mais l’élément décisif qui aurait poussé le président d’honneur et candidat de l’URD à entrer dans la logique d’acceptation de sa défaite aura été sa rencontre, ce même lundi, avec des représentants des Nations-unies et des observateurs internationaux.
Une réunion dont on dit qu’elle a été houleuse pendant une heure.
Ceci se comprend aisément d’autant plus que le camp du perdant avait crié le matin à des fraudes massives qui auraient émaillé le scrutin du dimanche dernier.
D’après nos sources, les observateurs auraient signifié à Soumi que les accusations portées par son camp, quelle que soit leur véracité, ne portent pas sur un nombre de bureaux importants, ni une étendue géographique considérable.
En somme, ces derniers, qui auraient affirmé ne pas prendre connaissance de telles accusations de fraudes, ont néanmoins, affirment nos sources, conseillé que qu’il utilise les voies de recours légales s’il se sent floué.
C’est après ces remarques de fermeté, qui ont refroidi ses ardeurs, que Soumaïla Cissé a décidé de reconnaître sa défaite, mais en refusant de sortir du jeu politique dans les mois à venir.
Au regard de l’impossibilité pour le candidat de refaire son retard sur son challenger, et face au langage de fermeté des partenaires du Mali contre toute crise post-électorale, il fallait donc décider de la stratégie à adopter, de l’attitude à prendre face à l’histoire.
C’est dans ce sens que le candidat malheureux, Soumaïla, a convoqué, selon toujours nos sources, une réunion d’urgence. Ladite rencontre, qui s’est tenue une heure plus tard, soit à 16 heures, a regroupé autour de lui son cabinet restreint constitué des plus proches de ses proches, d’amis et confidents.
Après plus d’une demi-heure de discussion, le verdict tombe : reconnaître sa défaite et félicité le vainqueur.
A 17 heures, d’après toujours le récit des évènements qui sont allés très vite, c’est encore Soumi lui-même qui a engagé les démarches non pas en contactant directement IBK, mais en passant un de ses proches.
Curieux non de contacter un grand-frère ?
En tout cas, rendez-vous est pris pour 21 heures.
Si c’est Soumi qui a convié Africable et rendu publique l’info juste après la rencontre, du côté de IBK, on est formel sur le fait que rien n’avait filtré jusqu’à l’arrivée des visiteurs du soir, seulement des consignes strictes ont été laissées par l’hôte de marque à la porte pour recevoir Soumi et sa famille.
Logique de bon sens ou simple question de légalité républicaine ?
En tout cas, cette reconnaissance rapide de sa défaite devrait finalement empêcher toute contestation de la légitimité d’Ibrahim Boubacar Keïta dans ses nouvelles fonctions de chef de l’Etat.
Par Mohamed D. DIAWARA
Source: info-matin