A sa lecture de certaines décisions récentes, Mikailou Cissé, professeur de philosophie au lycée, estime que les autorités françaises ne donnent pas l’air de pouvoir digérer le second coup de force au Mali. Est-ce le signe d’une rupture de tous les risques ?
Depuis que le Col. Assimi Goïta a « placé hors de ses prérogatives », le 24 mai dernier, Bah Ndaw, ex-président de la transition, les nouvelles autorités politiques maliennes et le locateur de l’Élysée se regardent encore en chien de faïence.
Après ce second coup de force, la France ne parvient toujours pas à accepter Assimi Goïta à la tête de l’État malien. « L’islamisme radical au Mali avec nos soldats sur place ? Jamais de la vie ! Il y a aujourd’hui cette tentation au Mali. Mais si cela va dans ce sens, je me retirerais », a laissé entendre Macron, après le second coup de force militaire, survenu en mai dernier.
Le sapeur-pompier
La quasi-totalité des décisions des autorités françaises, sous le régime Assimi Goïta, semble indiquer la détermination de la France à rendre la tâche difficile aux nouvelles autorités maliennes pendant le reste de la transition. Il faudrait même craindre qu’elle ne fasse du Mali ce qu’elle a coutume de faire en cas d’opposition à sa volonté.
À chaque fois qu’un pays africain affiche une volonté différente de celle de la France sur une problématique, des stratégies sont déployées pour qu’il retombe dans ses filets.
Depuis le contact des pays africains avec la France, rares sont les dirigeants de ce continent qui ont réussi à se passer des faveurs de Paris. Tous ceux qui ont essayé de se défaire de la subjugation des autorités françaises ont été combattus jusqu’à ce qu’ils se resignent. D’autres, abattus. Le départ inattendu et prématuré de Thomas Sankara à la tête du Burkina Faso ou celui de Dadis Camara en Guinée Conakry peuvent être cités en exemple.
Aggraver la crise sécuritaire
Dans la situation actuelle du Mali, la France pourrait décider de laisser le champ libre aux djihadistes. Créer plus de désordres afin que les Maliens se rebellent contre les nouvelles autorités de la transition.
Cette procédure machiavélique, qui consiste à laisser pourrir une situation avant d’intervenir, pour se faire désirer et plébisciter, est une méthode favorite de la France. On se rappelle de l’accueil réservé à François Hollande, en 2013, à Tombouctou et à Bamako par les Maliens. Un accueil pour le remercier d’avoir stoppé l’avancée des colonnes de djihadistes à Konna vers d’autres grandes villes du pays, notamment Bamako.
La récente décision de Paris sur le dispositif des bases de Barkhane au Mali, prouve à suffisance que le désaccord entre Bamako et Paris, sur la nature de leur collaboration, de leur partenariat militaire et politique est patent. Principalement, sur l’attitude à adopter face aux islamistes qui sont actifs dans le Centre et le Nord.
Tout laisse à croire que les principes démocratiques sont plus importants aux yeux des autorités françaises que la vie des milliers de Maliens.
Sentiment antifrançais
Malgré tout, les récentes décisions des autorités françaises en ce qui concerne leur présence militaire, semblent avoir été bien accueillies au Mali. Pensant empêcher les militaires au pouvoir à prendre des décisions unilatérales sur les questions sécuritaires, la France renforce les « antifrançais » dans leur position et rend service aux nouvelles autorités maliennes. Entre temps, l’idéologie des « antifrançais » se repend de plus en plus dans la conscience collective des Maliens telle une pandémie.
La décision française de retirer ses troupes du nord du Mali pour concentrer sa présence plus dans le sud et dans la zone dite des trois frontières (Mali, Niger et Burkina Faso) semble bien accueillie par un grand nombre de Maliens. Un début de libération du peuple malien de l’emprise française, pense-t-on. La peur d’une invasion djihadiste au Mali se dissipe. Certains Maliens préféraient prendre langue avec ces Groupes armés terroristes (GAT) que de faire des concessions aux Français.
Mikaïlou CISSE
Source : Sahel Tribune