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Transition : le bilan économique

Malgré les sanctions injustes et inhumaines infligées par les organisations sous régionales (CEDEAO et UEMOA), l’économie a été résiliente au cours des deux (2) dernières années. C’est le verdict de la Banque mondiale dans une Note sur la situation économique du Mali en 2023 intitulée « Renforcement de la résilience financière des éleveurs face à la sécheresse », publiée le mercredi 26 juillet 2023.

Dans un pays où «le nombre de personnes extrêmement pauvres est passé de 3,5 à 4,3 millions à la fin de l’année 2022» et où on a estimé que plus de 1,8 million de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire pendant la saison maigre (juin-août) de 2022, avoir une croissance du PIB estimé à 1,8% relève de la prouesse. En dépit des roulements de tambours et des vuvuzelas contre la transition, la Banque Mondiale estime dans ce rapport que la suppression de l’aide public au développement, des appuis budgétaires, la diminution des investissements directs étrangers et des envois de fonds des travailleurs émigrés (1 025 millions de dollars (environ 5 % du PIB)), de l’énorme ardoise du coût de la guerre contre le terrorisme et la restauration de la sécurité (704 milliards de FCFA), les sanctions de la CEDEAO2, la forte inflation alimentaire et les infestations parasitaires affectant la production de coton, la croissance économique s’est avérée résiliente en 2022. Toutes choses à mettre à l’action du dynamisme et pragmatisme de l’Hôtel des finances et de tous acteurs impliqués dans le tissu économique, mais aussi de l’ensemble de la transition qui a su faire preuve de prévoyance et de rigueur pour éviter à notre pays le sort funeste dont on lui prophétisait.
Pour ce qui est des perspectives, qui déchantent les plus pessimistes, «l’économie de notre pays devrait se redresser en 2023 avant de converger vers son niveau potentiel en 2024–25, soutenue par une reprise de l’agriculture et des services d’exportation» prévoit la Banque mondiale. Mieux, l’économie de notre pays «devrait se redresser en 2023, avec une croissance du PIB réel prévue à 4 %, chiffre (qui) reste inférieur à la croissance potentielle du pays (5 %)».
Selon la Banque mondiale, l’inflation annuelle devrait tomber à 5 % en 2023 grâce à la reprise de l’agriculture vivrière et se normaliser pour atteindre l’objectif régional de 2 % d’ici à 2025. La demande d’importation devrait rebondir en 2023 avec la reprise complète des échanges commerciaux avec le reste de la CEDEAO et une demande accrue d’importations de pétrole et de denrées alimentaires parallèlement à la baisse des prix mondiaux. «Le déficit budgétaire devrait se stabiliser à 4,9 % en 2023 grâce aux réformes de l’administration fiscale qui amélioreront les recettes, avant de converger progressivement vers le plafond de 3 % fixé par l’UEMOA… Les recettes fiscales devraient se redresser en 2023 grâce à une croissance économique plus forte». Quant au déficit budgétaire, il «devrait continuer à diminuer … grâce aux réformes programmées de la politique budgétaire et à l’amélioration continue de l’efficacité des dépenses», dit la Banque Mondiale.
Nous avons choisi de larges extraits de la note, en guise de bilan économique de la Transition (2021-2022) et des projections sur 2023. Voici l’état des lieux sans complaisance de la Banque Mondiale.

A. Évolution récente de l’économie et de la pauvreté

En 2022, la croissance du PIB de notre pays s’est ralentie pour atteindre 1,8 % et l’inflation a augmenté pour atteindre une moyenne de 9,7 % en raison de la limitation des investissements et de la hausse des prix mondiaux des denrées alimentaires et de l’énergie.
Toutefois, selon un rapport de la Banque mondiale publié le 26 juillet 2023 la croissance économique s’est avérée résiliente en 2022 en dépit des multiples chocs que l’économie a subis y compris les sanctions de la CEDEAO, la forte inflation alimentaire et les infestations parasitaires affectant la production de coton. La croissance du PIB réel a été estimée à 1,8 % en 2022.
Cette performance, estime la Banque Mondiale, a été principalement soutenue par la reprise de l’agriculture vivrière (7,6 % de croissance en comparaison aux niveaux exceptionnellement bas de 2021, ainsi que par la résilience de l’exploitation minière de l’or (4,2 % de croissance). Dans le même temps, certains secteurs de services, à savoir les télécommunications, le commerce et les services publics, ont montré des signes de résilience malgré les perturbations des flux commerciaux induites par les sanctions. En revanche, l’agriculture d’exportation (la production de coton) a chuté de 30 % à peu près en 2022. L’inflation a augmenté pour atteindre 9,7 % en 2022, principalement en raison des sanctions de la CEDEAO qui ont perturbé les réseaux de négoce, et des prix alimentaires mondiaux élevés (répercussions de la guerre en Ukraine).
Au cours de l’année dernière, l’investissement public a diminué en raison de ressources budgétaires limitées, et la croissance de la consommation privée s’est aussi ralentie. Le repli de l’investissement public est lié à plusieurs facteurs au nombre desquels : les ressources budgétaires limitées en raison de l’embargo commercial ; les mesures quasi budgétaires pour contenir l’inflation alimentaire et énergétique à la suite de la guerre en Ukraine, et une réduction du soutien des bailleurs de fonds affectant les dépenses d’investissement sur financement extérieur. Parallèlement, le déclin de l’investissement privé est lié à l’incertitude persistante quant au climat politique et à la normalisation des investissements directs étrangers dans le secteur minier, qui avaient atteint des niveaux exceptionnellement élevés en 2021. Pour ce qui est de la consommation privée, elle a connu une croissance timide compatible avec la reprise de l’agriculture vivrière et malgré les frictions causées par les sanctions financières de la CEDEAO sur les envois de fonds des travailleurs émigrés.

Agriculture vivrière et d’exportation
Selon le rapport de la Banque mondiale, l’agriculture vivrière malienne s’est redressée en 2022, grâce à des conditions météorologiques favorables, contrairement à la production de coton. Cette reprise est également liée à des améliorations relatives de la sécurité dans les régions centrales, mais elle a été limitée par un accès réduit et plus coûteux aux engrais, les contraintes d’approvisionnement au niveau mondial.
En revanche, l’agriculture d’exportation (la production de coton) s’est contractée de 29 % en 2022. Le déclin de la deuxième plus grande exportation du pays est lié à plusieurs facteurs, notamment à : des rendements plus faibles affectés par une infestation d’insectes touchant 175 000 hectares de cultures ; un accès limité aux engrais en raison de goulets d’étranglement au niveau de l’offre mondiale ; et une augmentation des coûts des engrais avec la guerre en Ukraine.
Activité industrielle
L’activité industrielle a été résiliente en 2022 grâce au succès de la campagne cotonnière de 2021 et à la bonne tenue du secteur de l’extraction de l’or. La production exceptionnellement élevée de coton en 2021 a entraîné une reprise en 2022 de l’égrenage du coton, qui dépend fortement des intrants nationaux. Dans le même temps, la production agricole alimentaire limitée de 2021, combinée aux perturbations causées par les sanctions commerciales de la CEDEAO sur les réseaux d’approvisionnement dans la région et les goulets d’étranglement mondiaux, a créé des pénuries importantes d’intrants alimentaires essentiels. Cela a limité la transformation agroalimentaire. Malgré les sanctions de la CEDEAO, on estime que l’extraction industrielle de l’or a également rebondi (croissance de 4,7 %) pour atteindre 66 tonnes en 2022, étant donné que le secteur minier a constitué des stocks suffisants d’intrants avant les sanctions et que peu de nouvelles mines ont été mises en service. Pour ce qui est de l’exploitation minière artisanale, elle s’est stabilisée autour de 6 tonnes en 2022 malgré la crise sécuritaire dans le sud, tandis que le secteur de la construction a été entravé par les effets de l’embargo commercial sur les coûts et la disponibilité du ciment.
Secteur des services
Pour la banque mondiale, le secteur des services a bien résisté à l’embargo de la CEDEAO en 2022, soutenu par les télécommunications et le secteur public. L’augmentation continue de la masse salariale du secteur public et les nouvelles dépenses pour contenir les impacts socio-économiques de l’inflation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie ont contribué à la bonne performance du secteur public.
Quelques autres secteurs de services ont montré des signes de résilience, notamment le commerce et les transports, qui ont bénéficié de l’adoption de corridors commerciaux alternatifs (Mauritanie, Guinée) pour contourner les effets de l’embargo. En revanche, les services privés et financiers, en particulier le tourisme et l’hôtellerie, ont été gravement touchés par la fermeture des frontières aériennes et terrestres entre le Mali et les pays membres de la CEDEAO (à l’exception de la Guinée), ce qui a conduit plusieurs compagnies aériennes à suspendre leurs liaisons avec Bamako.
Recettes fiscales
Malgré la baisse des recettes fiscales et l’augmentation des dépenses de sécurité et salariales, le déficit budgétaire s’est stabilisé à un niveau élevé de 5 % du PIB grâce à des réductions significatives des investissements, estime le rapport de la Banque Mondiale.
L’évolution défavorable des recettes et l’engagement pour un assainissement budgétaire progressif dans le cadre du programme FEC (Facilité élargie de crédit) du FMI ont permis de contenir les dépenses en 2022. Les dépenses publiques ont diminué pour atteindre 24,4 % du PIB en 2022. Dans le même temps, les dépenses publiques courantes se sont stabilisées autour de 15,9 % du PIB en 2022, reflétant les accords avec les syndicats qui ont fait augmenter la masse salariale depuis 2020. Les dépenses de sécurité se sont stabilisées autour de 6,4 % du PIB en 2022 (704 milliards de FCFA). En revanche, les dépenses en capital ont connu une baisse significative, atteignant 3,5 % du PIB (399 milliards de FCFA) en 2022 contre 6,1 % du PIB (642 milliards de FCFA) en 2021.
Déficit budgétaire
Selon la Banque mondiale, le déficit budgétaire est resté élevé, à 5 % du PIB en 2022, malgré les pressions sociales et sécuritaires. Le déficit a été contenu grâce à l’engagement pris dans le cadre du programme FEC du FMI et aux options de financement limitées avec une nouvelle réduction de l’aide extérieure et la suspension de l’aide au développement au cours du premier semestre 2022 en réponse aux sanctions de la CEDEAO. Malgré les besoins supplémentaires en dépenses courantes, le déficit budgétaire a été contenu en 2022 grâce à des réductions des dépenses en capital. Le déficit a été financé principalement par de nouvelles émissions sur le marché régional, avec des prêts confessionnels externes limités.

Dette publique
La dette publique a continué à augmenter en 2022, sous l’effet de l’accroissement du déficit budgétaire, avec une part croissante de dette intérieure onéreuse, l’accès aux financements confessionnels extérieurs étant limité, explique la Banque Mondiale.
Le gouvernement s’est vu refuser l’accès aux financements régionaux et extérieurs au cours du premier semestre 2022 en raison des sanctions financières de la CEDEAO. Ces sanctions comprenaient une suspension complète de l’accès au marché obligataire régional au cours du premier semestre 2022, ce qui a entraîné l’annulation de plusieurs opérations d’émission de dette sur le marché (UMOA-titres). Le gouvernement n’a pas non plus été en mesure d’honorer les paiements du service de la dette intérieure et extérieure et a publié une note à l’intention des investisseurs, soulignant son incapacité à effectuer les paiements du service de la dette malgré des ressources suffisantes. Après la levée des sanctions le 3 juillet 2022, le gouvernement a rapidement apuré tous les arriérés de dette envers les créanciers nationaux et extérieurs et a depuis retrouvé l’accès aux financements régionaux et extérieurs, à un moment où le marché régional était de plus en plus saturé et les options de financement extérieur limitées.
Selon ce rapport de la Banque mondiale, la dette publique totale s’est accélérée en 2022 en raison de l’augmentation des besoins de financement. À la fin de 2022, le stock de la dette publique totale du Mali était estimé à 55,2 % du PIB, contre 52 % du PIB en 2021. L’encours de la dette intérieure, qui a considérablement augmenté ces dernières années, passant de 6,3 % du PIB en 2014 à 22,7 % du PIB en 2021, s’est encore accéléré en 2022, atteignant 26,7 % du PIB, en raison : des coûts d’intérêt sur le portefeuille croissant de la dette intérieure qui ont continué à s’accumuler ; des besoins de financement restés élevés pour faire face aux besoins sociaux et de sécurité ; et de la réduction des appuis budgétaires des donateurs internationaux depuis le coup d’État d’août 2020.
Dette intérieure
La part croissante de la dette intérieure dans le portefeuille de la dette du Mali alimente les vulnérabilités de la dette avec des risques de refinancement. L’augmentation exceptionnelle de la dette intérieure liée à : une réduction de l’appui des bailleurs de fonds ; des besoins de dépenses plus importants dans un contexte de chocs multiples ; et une politique accommodante de la banque centrale avec des guichets spéciaux de financement COVID. Toutes choses qui ont conduit à une augmentation des coûts annuels du service de la dette et ont augmenté de 0,5 point de pourcentage du PIB sur 2020.
Compte tenu des options limitées de financement extérieur à moyen terme, notre pays continue de s’appuyer principalement sur le financement intérieur provenant du marché régional de la dette en 2023. À cet effet, le gouvernement a adopté en 2022 un ambitieux programme d’émissions domestiques de maturité plus longue, qui nécessite des efforts importants en termes de communication avec le marché. Le récent resserrement monétaire de la BCEAO a encore exacerbé les risques de refinancement sur la dette régionale et appelle à une gestion plus proactive de la dette intérieure.

Importations
Malgré la détérioration des termes de l’échange, le déficit du compte courant s’est réduit en 2022, l’embargo commercial de la CEDEAO ayant permis de maintenir les importations à un faible niveau, tandis que les exportations de coton ont rebondi.
La contraction des importations induite par les sanctions a contribué à réduire le déficit du compte courant à 7 % du PIB malgré des termes de l’échange défavorables. Le déficit du compte courant s’est creusé pour atteindre 10 % du PIB en 2021 en raison de la détérioration des termes de l’échange et de l’augmentation de la demande d’importations. Les importations de marchandises se sont contractées et ont atteint 28 % du PIB en 2022, contre 28,6 % du PIB en 2021, principalement en raison des sanctions de la CEDEAO et de la normalisation de certains flux d’importation (équipement minier). En raison des pressions inflationnistes mondiales, les importations de denrées alimentaires et de pétrole (exemptées des sanctions de la CEDEAO) ont augmenté respectivement de 2,4 % du PIB et de 0,3 % du PIB en 2022, mais ont été compensées par des baisses dans d’autres importations (produits chimiques, voitures, équipements) affectées par l’embargo commercial.
Exportations
Les exportations se sont redressées en 2022, soutenues par la campagne cotonnière réussie de 2021 et un secteur minier résilient. Les exportations marchandes ont augmenté pour atteindre 26,8 % du PIB en 2022, contre 24,5 % du PIB en 2021, en raison de la reprise des exportations de coton (augmentation de 1,4 % du PIB en 2022) par rapport à la campagne de coton réussie de 2021, et de l’augmentation des exportations d’or (augmentation de 1,3 % du PIB en 2022) qui continuent de bénéficier des prix internationaux élevés et de l’entrée en production de quelques champs miniers. Selon les estimations, les envois de fonds des travailleurs émigrés ont diminué et se sont stabilisés autour de 1 025 millions de dollars (environ 5 % du PIB), en partie à cause des frictions financières induites par la suspension des flux financiers imposée par la CEDEAO.
Compte financier
Le compte financier s’est considérablement détérioré en 2022 en raison de la réduction des flux extérieurs officiels. Le solde du compte financier et du compte de capital a augmenté pour atteindre 9,4 % du PIB en 2021 en raison des entrées exceptionnelles d’IDE (investissements directs étrangers) dans le secteur minier (5,5 % du PIB) et des allocations de DTS (droits de tirage spéciaux) du FMI (1,3 % du PIB), qui ont été compensées par des sorties de revenus de capitaux privés (1,8 % du PIB). Toutefois, le solde du compte financier est tombé à 4,5 % du PIB en 2022, en raison de la diminution des investissements directs privés (baisse de 1,1 point de pourcentage du PIB). La position extérieure s’est donc détériorée en 2022, conduisant à une balance des paiements globalement négative (–2,5 % du PIB) et contribuant à l’érosion des réserves régionales de la BCEAO.
Secteur bancaire
Pour la banque mondiale, le secteur bancaire reste solide, malgré les effets négatifs des sanctions de la CEDEAO, tandis que les crédits à l’économie devraient avoir décéléré en 2022. En juin 2022, les prêts non productifs bruts (PNP) ont légèrement augmenté pour atteindre 10,3 % (contre 9,8 % à la fin de 2021) du total des prêts. Les dispositions réglementaires temporaires sur la classification des PNP et le provisionnement lié aux difficultés de remboursement dues au COVID-19 et au report du service de dette arrivant à échéance ont été suspendus en décembre 2021, mais a contribué à contenir l’impact de la pandémie sur la qualité des actifs. Le secteur bancaire a également été touché par les sanctions de 2022, qui ont contribué à une concentration des prêts à la société cotonnière d’État (CMDT) pour financer la campagne agricole au cours du premier semestre 2022. Ces prêts ont toutefois été remboursés après la levée des sanctions, avec un impact limité sur la qualité des actifs des banques. Les prêts restent fortement concentrés dans des secteurs tels que le commerce de détail et l’hôtellerie, relativement plus touchés par les chocs récents.
Pauvreté
La pauvreté a fortement augmenté en 2022 en raison d’une croissance négative du PIB par habitant et d’une forte inflation, en particulier pour les denrées alimentaires, qui représentent une part importante de la consommation des pauvres.
La pauvreté au Mali, mesurée au seuil international d’extrême pauvreté de 2,15 $ PPA par jour, est estimée avoir augmenté de 3,2 points de pourcentage entre 2021 et 2022. En conséquence, le nombre de personnes extrêmement pauvres est passé de 3,5 à 4,3 millions à la fin de l’année 2022. Après une baisse du taux de pauvreté à 12,4 % en 2019, son niveau le plus bas pour la période 2018– 2022, la pauvreté a augmenté de 2,2 points de pourcentage en 2020 en raison d’une baisse de la production agricole et des effets négatifs du COVID-19, qui ont entraîné des pertes d’emploi généralisées et une forte baisse des revenus du travail. L’augmentation de la pauvreté après 2019 s’est poursuivie en 2021 et 2022 en raison de la crise économique liée à l’instabilité politique du pays, d’une sécheresse en 2021 et des effets négatifs de la crise ukrainienne, qui a entraîné une faible croissance et une forte inflation.
La même tendance est observée pour le taux de pauvreté national, mesuré par la proportion de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté national. En fait, on estime que le taux de pauvreté national est passé de 42,1 % en 2018 à 46,9 % en 2022 (le taux de pauvreté en 2022 est projeté sur la base de données d’enquête de 2018 et de projection de croissance économique), après une baisse à 38,1 % en 2019. On estime que plus de 1,8 million de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire pendant la saison maigre (juin-août) de 2022 (CILSS, 2022).

On estime que la croissance au Mali n’a pas été favorable aux pauvres au cours de la période 2018–2022. En fait, la croissance moyenne a probablement été négative sur la période pour tous les ménages. Cependant, le taux de décroissance était probablement plus élevé pour les déciles les plus pauvres, c’est-à-dire un peu plus de 40 % de la population inférieure, est resté proche de la croissance moyenne (un peu moins de 6 %) pour les ménages plus aisés, et inférieur à la croissance moyenne pour les trois déciles les plus riches.
Malgré une certaine reprise de la croissance agricole en 2022, on estime que la pauvreté a augmenté.

Le taux de croissance du PIB réel par habitant est passé de 1,5 % en 2019 à –4,3 % en 2020 et est resté négatif jusqu’en 2022 avec un taux de –1,3 %. Cette baisse significative est due à la crise sanitaire, à la faible croissance de l’agriculture, qui a été partiellement affectée par la situation sécuritaire, et plus tard par la guerre en Ukraine. Alors que tous les secteurs semblent avoir été touchés par les effets négatifs de la COVID-19 avec des taux de croissance négatifs du PIB réel par habitant en 2020, le secteur agricole a été le moins touché en 2022. Cependant, même si ce secteur reste celui où se concentre la majorité de la population active, la forte inflation (près de 10 %) enregistrée en 2022 a entraîné une baisse du revenu réel des ménages et donc une augmentation de la pauvreté.

B. Perspectives économiques et de pauvreté
Pour la Banque mondiale, l’économie de notre pays devrait se redresser en 2023 avant de converger vers son niveau potentiel en 2024–25, soutenue par une reprise de l’agriculture et des services d’exportation. Elle devrait se redresser en 2023, avec une croissance du PIB réel prévue à 4 %. Ce chiffre reste inférieur à la croissance potentielle du pays (5 %), en raison de quelques considérations à moyen terme : l’incertitude entourant la transition politique qui réduit les perspectives d’investissement privé ; la crise sécuritaire et ses effets perturbateurs sur l’agriculture et la prestation de services ; et la réduction de la marge de manœuvre budgétaire pour les investissements publics favorisant la croissance au cours de la période 2023–25. Malgré ces goulets d’étranglement, l’agriculture d’exportation (coton) et les services, en particulier le commerce et l’hôtellerie, devraient se redresser en 2023 et soutenir la croissance à moyen terme.

L’inflation annuelle devrait tomber à 5 % en 2023 grâce à la reprise de l’agriculture vivrière et se normaliser pour atteindre l’objectif régional de 2 % d’ici à 2025. La forte concentration des prêts bancaires et des expositions souveraines exacerbe les risques dans un contexte de resserrement de la politique monétaire. Le coût de l’emprunt est devenu plus élevé à un moment où le pays a peu d’options autres que le marché régional de plus en plus saturé.

Le déficit courant devrait rester élevé à 6,2 % du PIB en 2023, avant de diminuer progressivement. La demande d’importation devrait rebondir en 2023 avec la reprise complète des échanges commerciaux avec le reste de la CEDEAO et une demande accrue d’importations de pétrole et de denrées alimentaires parallèlement à la baisse des prix mondiaux.

Les termes de l’échange devraient également s’améliorer en 2023 avec la décélération des prix du pétrole. Cette amélioration sera compensée par une baisse des exportations de coton et d’or en 2023, en raison de la faible campagne cotonnière en 2022 et de la transition attendue dans la capacité de production de certaines mines.

Les envois de fonds des travailleurs émigrés devraient rebondir en 2023, en l’absence de frictions financières exceptionnelles liées aux sanctions de la CEDEAO.
La dette extérieure devrait diminuer progressivement pour atteindre 4,7 % du PIB en 2025, à la suite de la baisse des prix du pétrole. Entre-temps, compte tenu de l’incertitude politique, les entrées de capitaux et de fonds extérieurs devraient rester modérées en 2023, mais devraient se redresser lentement en 2024–25.
Le déficit budgétaire restera élevé en 2023, mais devrait revenir progressivement au plafond régional de 3 % du PIB, conformément à la feuille de route de l’assainissement budgétaire.
Le déficit budgétaire devrait se stabiliser à 4,9 % en 2023 grâce aux réformes de l’administration fiscale qui amélioreront les recettes, avant de converger progressivement vers le plafond de 3 % fixé par l’UEMOA. Ceci est cohérent avec la programmation des dépenses à moyen terme 2023.
Les recettes fiscales devraient se redresser en 2023 grâce à une croissance économique plus forte, à la réduction des dépenses fiscales exceptionnelles et à l’extension de la déclaration électronique des revenus. Les dépenses devraient être réorientées vers les investissements en capital, tandis que la masse salariale devrait se stabiliser en 2023 avant de connaître une légère baisse en 2024–25. La réduction du soutien des bailleurs a laissé le pays avec des options de financement extérieur limitées. Les besoins de financement devraient atteindre 12,1 % du PIB en 2023 et devraient être principalement couverts par des emprunts sur le marché régional.

Conformément au programme d’assainissement budgétaire, le déficit devrait continuer à diminuer pour atteindre 3 % du PIB d’ici 2025, grâce aux réformes programmées de la politique budgétaire et à l’amélioration continue de l’efficacité des dépenses. La dette publique augmentera pour atteindre 56 % du PIB en 2025.
La pauvreté ne devrait diminuer que modestement à moyen terme, car l’inflation reste élevée au moins jusqu’en 2023 et la croissance du PIB reste inférieure à son potentiel. La pauvreté devrait légèrement diminuer au cours des trois prochaines années, mais la croissance ne devrait pas être favorable aux pauvres. La croissance devrait être de 4 % en 2023 et 2024, avec un taux de croissance du PIB réel par habitant de 0,9 % pour chaque année. Compte tenu de l’inflation relativement élevée en 2023, la pauvreté devrait légèrement augmenter pour atteindre environ 19,5 % en 2024, avant de retomber à 18,8 % en 2025 grâce à un taux de croissance plus élevé (1,8 %) et à une inflation plus faible.
Les projections de croissance devraient être modérées dans les trois secteurs (agriculture, industrie et services), principalement entre 2,9 et 4,5 %. Le bien-être des ménages devrait diminuer pour tous les déciles de ménages en 2023 et n’évoluer que faible ment en 2024. La croissance en 2025 devrait reprendre avec une croissance plus élevée dans les services, mais cette croissance ne devrait pas être favorable aux pauvres, ce qui se traduirait par une très légère baisse de la pauvreté à moyen terme.

Selon la Banque mondiale, ces perspectives économiques sont soumises à de multiples risques de dégradation, notamment liés au calendrier de la transition politique, à l’insécurité, au resserrement des conditions sur les marchés financiers et aux chocs climatiques.
De nouveaux retards dans le calendrier électoral pourraient déclencher une nouvelle série de sanctions économiques et réduire davantage les dons et les prêts extérieurs qui soutiennent les dépenses de développement dans le budget. Une incertitude politique accrue pèserait également sur les investissements privés, y compris les IDE (investissements directs étrangers), les flux financiers et la croissance. Dans le même temps, la crise sécuritaire continue de peser sur les activités agricoles et pastorales dans les régions du centre et du nord.

La Rédaction

Info Matin

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