Moins il y aura d’eaux usées dans les rues, moins la morbidité due à la pollution hydrique sera élevée
La problématique de la gestion des eaux usées (domestiques, industrielles et agricoles) ruisselant un peu partout dans les quartiers de Bamako reste un casse-tête. Cette pratique serait à la base de la prolifération de nombreuses maladies comme le paludisme et de la dégradation de la qualité de notre environnement.
Le fleuve Niger, source d’approvisionnement en eau potable de la capitale malienne, est devenu le déversoir principal où les différents collecteurs viennent jeter les eaux de pluie souillées et les eaux usées.
En cause, le comportement jugé malsain de certains citoyens. Ceux-ci répandent ou abandonnent des déchets liquides dans les rues et dans les collecteurs déjà obstrués par les déchets solides. En 2015, les rejets issus de l’activité teinturière à Bamako ont été estimés à plus de 365.000 mètres cubes par an. La plupart des teinturiers ou teinturières interrogés disent n’avoir d’autre option que de verser leurs déchets à même le sol.
C’est le cas de Ramata Traoré, teinturière à Kalanban-coura. Cette artisane exerce ce métier depuis cinq ans. En l’absence de caniveau pour drainer les eaux souillées et toxiques, elle les verse à même le sol dans un espace vide contiguë à sa maison, arguant qu’elle ne dispose pas d’autres solutions. Comme Kalaban-coura beaucoup de quartiers de la ville des Trois caïmans souffrent de manque d’ouvrages destinés à la réception de ces eaux usées.
Liquides salis à cause desquels nos rues sont souvent impraticables. «Mais que faire ?», s’interroge Drissa Konaté, chef de famille à Niamakoro. Pour lui, il est difficile de lutter contre ces mauvaises pratiques. «Nous n’avons pas de moyens pour creuser des caniveaux, nous-mêmes. Pour minimiser le volume d’eau ruisselante, il sensibilise les épouses de ses voisins afin d’opter pour une utilisation efficiente de l’eau en réduisant au maximum la quantité qu’elles utilisent pour les travaux domestiques et autres. Car, ces eaux usées domestiques proviennent souvent des activités de lessives, de bains, de vaisselles, etc.
à ces eaux usées domestiques, s’ajoutent celles industrielles (commerciales, artisanales et industrielles), chargées de polluants chimiques et organiques, de métaux lourds estimés à plus de 3.000 mètres cubes par jour, selon des statistiques officielles produites en 2014. En la matière, Sotuba abrite plus d’une cinquantaine d’unités industrielles. Certaines d’entre elles déversent directement leurs eaux usées dans le fleuve.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN- Face à cette situation qualifiée de désastre écologique, des réflexions ont été menées pour trouver une solution adéquate et adaptée basée sur l’implication communautaire à travers les méthodes participatives ou inclusives. Parmi les efforts consentis à cet effet par les autorités en charge de l’environnement, figure l’adoption en 1998 de la Politique nationale de la protection de l’environnement (PNE) et de celle de l’assainissement en 1999. Aussi, la Constitution du 25 février 1992 consacre le droit de chaque citoyen d’avoir accès à «un environnement sain».
Pour y arriver, des efforts ont été entrepris pour maîtriser la gestion de ces eaux usées. Il s’agit de la création, en 2007, de l’Agence nationale de gestion des stations d’épuration du Mali (Angesem). Cette Agence qui s’occupe du traitement des eaux usées qu’elle recycle, est méconnue des populations notamment les teinturiers et autres industriels. Aussi, beaucoup d’entre eux ignorent que les eaux usées peuvent être traitées et réutilisées. En témoignent les propos de Mme Diarra Alimata Dembélé. Interrogée, cette teinturière avoue n’avoir jamais entendu parler d’une structure nationale chargée du traitement des eaux usées pouvant être réutilisées.
Rencontrée à cet effet, la directrice générale de l’Angesem précise que sa structure a été créée uniquement pour le traitement des eaux usées. Sa mission principale, explique Mme Konaké Ouma Djénéba Mahamane, est la gestion des eaux usées notamment domestiques, industrielles, artisanales, des eaux des hôpitaux et autres quelque soit leur provenance. Elle est pour ce faire dotée d’un dispositif d’épuration composé de deux bassins anaérobies, huit bassins facultatifs et des lits de séchage des boues à ciel ouvert, ajoute Mme Konaké.
En la matière, les eaux usées arrivent à la station d’épuration où elles suivent un processus de traitement. Cette étape vise la destruction des bactéries et autres composants nuisibles qu’elles contiennent. L’eau ainsi traitée passe obligatoire par le laboratoire d’analyse avant d’être redéployée dans le circuit de consommation ou rejetée dans la nature sans aucun risque de pollution. Pour elle, cette eau traitée et analysée peut être utilisée par les maraîchers, pour arroser les plantes et les fleurs. à titre d’illustration, les eaux issues du traitement des eaux usées du Point G sont réutilisées depuis 2017 par le Parc national pour arroser les plantes à la demande de cette structure.
34.400 M3 D’EAUX USÉES PAR AN- Aussi, les eaux usées traitées peuvent contribuer à combler la pénurie d’eau, fréquente en cette période de forte chaleur. à partir des stations d’épurations et de boues de vidanges, beaucoup de pays ont non seulement des eaux réutilisables, mais aussi du composte, de l’électricité et surtout du gaz, explique la directrice générale de l’Angesem.
Conscients de l’utilité du traitement des eaux usées pour l’homme et son environnement, les responsables de l’Agence ont installé d’autres stations en plus de celle de Sotuba. Il s’agit successivement des stations d’épuration des eaux usées de l’hôpital du Point G de type réacteur bio séquentiel d’une capacité de 300 m3/jour, du Centre national d’appui à la lutte contre la maladie (CNAM) d’une capacité de 100 m3/jour, de l’Hôpital du Mali disposant d’une capacité de 350 m3/jour. à ces ouvrages s’ajoutent les stations d’épurations de Mopti, de Sikasso et de Tombouctou.
La station d’épuration de Sotuba traite les eaux usées des unités industrielles. Avec une capacité de 5.000 m3/jour, elle a été conçue pour gérer les eaux industrielles du District de Bamako, soit environ 34.400 m3 d’eaux usées par an, selon l’Angesem. Malgré la présence de cette station dans la Zone industrielle, seulement 29 unités industrielles sur plus de 60 sont connectées à la station à travers des réseaux d’égouts, déplore Mme Konaké Ouma Djénéba.
Selon elle, les avantages pour l’environnement du traitement des eaux usées ne sont plus à démontrer. Lorsque les eaux usées sont traitées, elles peuvent être réutilisées de plusieurs manières et pour différents usages. En plus de leur utilisation dans le maraîchage et pour arroser les plantes, le traitement des eaux usées permet d’avoir un environnement sain, moins polluant et des eaux fluviales également moins polluées. Moins il y aura d’eaux usées dans les rues, moins il y aura des affections comme le paludisme, estime-t-elle, avant d’affirmer que la réutilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation est une source d’économie pour le secteur agricole.
Aux regards de ces enjeux environnementaux, Mme Konaké estime que beaucoup d’efforts restent à fournir dans la gestion des eaux usées. Pour cela, il faut une bonne communication pour faire connaître davantage l’Angesem aux populations. Aussi, la sensibilisation doit être de mise, car la protection de l’environnement est une affaire de tous, interpelle-t-elle.
Anne-Marie KEÏTA
Source : L’ESSOR