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Soundjata, Le Réveil du Lion : « Le Jour où la Parole fut Libérée » de Dr Issiaka Diakité-Kaba

 

interview

Une pièce de théâtre qui retrace le parcours historique et épique du « Roi Lion du Mandé »

Dr Issiaka Diakité-Kaba est né en Côte d’Ivoire. Il est écrivain et enseigne aux États-Unis et en Côte d”Ivoire. Issiaka Diakité Kaba est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le roi du Mandé, Soundjata Keïta. De manière vivante et rythmée de paroles et de musiques, Dr Issiaka Diakité Kaba recrée le parcours historique et épique de Soundjata, l’unificateur et le fondateur de l’empire du Mali au XIIIème siècle.Présent à Bamako, nous avons échangé avec l’intéressé sur sa dernière pièce de théâtre « Soundjata, Le Réveil du Lion : Le Jour où la Parole fut Libérée » qui retrace le parcours de Soundjata Keïta, roi de l’empire du Mandé. L’universitaire ivoirien nous parle dans cet entretien ce qui l’a poussé à écrire sur Soundiata. Il a exhorté les responsables africains à investir dans la formation. Il se dit convaincu que « la seule garantie d’un progrès constant et sécurisé c’est l’investissement massif dans l’éducation des jeunes, des citoyens ».

Koulouba.com: Qu’est ce qui vous amené à écrire sur Soundjata Keïta ?

Issiaka Diakité-Kaba : Deux situations m’ont poussé à explorer cheminement le héros historique et mythique qu’est Soundjata Kéïta. Et ses deux situations ont convergé pour finalement m’inciter à reconsidérer les frontières souvent floues.

D’abord, le fait d’être professeur de français et d’études francophones aux USA pendant une vingtaine d’années m’a mis constamment en contact avec le personnage de Soundjata Kéïta. Il faut savoir que (quand j’en parle aux Africains, ils sont toujours surpris) l’histoire de Soundjata est omniprésente dans les cours de Social Studies (on peut traduire par Histoire-Géographie) à l’école primaire, secondaire et aussi dans l’enseignement supérieur, dans le système éducatif de la plupart des Etats américains où j’ai enseigné. On a tendance ici à négliger nos personnages historiques, pourtant dans les programmes d’enseignement aux USA on fait des études sur nous, notre histoire, notre littérature. J’étais donc constamment en contact avec cette histoire de l’empire du Mali, puisqu’il fallait l’enseigner aux étudiants américains. Il fallait utiliser comme support multimédia des films comme : Kéïta, l’Héritage du Griot, et même des chansons de griots Malien, Guinéen, ou Sénégalais pour enseigner l’histoire de Soundjata Kéïta et l’empire du Mali. En tant qu’Africain, j’étais en quelque sorte une voie “privilégié” pour en parler. C’est paradoxal parce que c’est en enseignant aux USA, que j’ai mieux approché ma propre histoire, l’histoire du Mandingue et même l’histoire de bien d’autres espaces culturels africains.

Ensuite, l’intention d’écrire sur Soundjata Kéïta s’est imposée pratiquement à moi au fur et mesure que j’avançais dans mes études supérieures pour compléter mon PhD (Doctorat) aux USA.

Mon premier intérêt quand je commençais à réfléchir sur ma thèse était de travailler sur le Cinéma Francophone. J’étais très intéressé par les films de Dani Kouyaté : « Sia, le Rêve du Python » et celui de Souleymane Cissé, « Yeleen » et de Kéïta : « l’Héritage du Griot ». Mais, à la suite d’un exposé sur « les Soleils des Indépendances » de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma, mon directeur de thèse m’a suggéré de travailler sur toute l’œuvre de ce dernier. Je dis bien tous les romans et l’unique pièce de théâtre de Kourouma. Disons que cela faisait pratiquement cinq (5) romans et une (1) pièce de théâtre à décortiquer. Il faut dire que c’était un gros morceau, mais je me suis mis au travail.

J’ai donc décidé d’analyser l’évolution dynamique du griot dans toute l’œuvre de Kourouma et cette approche m’a renvoyé encore vers l’épopée Mandingue, puisque qui dit griot dit la parole ; celui qui veut étudier la parole doit repartir étudier les chants de louanges (fassa) ce qui me ramenait donc à Soundjata Kéïta.

Puisqu’une thèse n’est pas très pédagogique, je veux dire n’est pas facilement accessible pour l’ensemble des lecteurs, j’ai choisi d’écrire deux pièces sur Soundjata Kéïta après mon diplôme. La première publiée uniquement aux USA est bilingue, en français et en anglais, je l’utilisais avec mes étudiants, et la seconde entièrement en français, celle dont nous parlons aujourd’hui.

Koulouba.com: Dans les différents récits et dans votre ouvrage, Soundjata est décrit comme un lion. Expliquez-nous pourquoi cette comparaison ?

Issiaka Diakité-Kaba : Dans plusieurs études le nom Soundjata est considéré comme la déformation de So-Jara autrement dit « Le Lion de la Cité ». Je me suis donc inspiré de cette appellation. Ensuite, Soundjata était connu sous plusieurs appellations, on le désignait par exemple sous les noms : Maghan Konaté, Sogolon Diata, Simbo, Naré Maghan Mandé nka, Lawali Simbo, Mari Diata, Kirikiya Maghan Konaté, Sogo-Sogo Simbo (chasseur qui ne revient jamais bredouille, qui tue gibier sur gibier), devenu finalement Soundjata Kéïta.

Koulouba.com : Pourquoi « Le Réveil du Lion » ?

Issiaka Diakité-Kaba : J’ai choisi ce sous-titre « Le Réveil du Lion » à cause du parcours de Soundjata Kéïta. Il a été très tôt combattu dès qu’on a su qu’il pouvait investir l’espace politique. Il est parti en exil, il a, on peut dire porté sa croix, il a connu des hauts et des bas, il a appris aussi parce que la traversée du désert est un moment d’apprentissage. Après des années, il est revenu reconquérir ce qui lui revenait de droit d’unifier l’Empire. Le Lion s’est donc réveillé, ce n’est pas pour dire qu’il dormait, au contraire, la phase dormante de son évolution est une phase d’initiation et d’apprentissage actives pendant lesquelles il a certainement appris à se connaître et à connaître l’autre. On connait la maxime qui dit que : « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les Dieux ». Son réveil est donc la phase d’application de « se connaître ». Il doit revenir unir son peuple désemparé et inquiet pour ainsi refonder un nouvel espace socio-politique. En quelque sorte il doit reprendre son héritage d’où le nom :  Kéïta( kien : héritage ; ta :prendre)

 

Koulouba.com : La charte du mandé est décrite comme la base d’une fondation d’une nation unitaire. Est-ce que cela est d’actualité de nos jours ?

Issiaka Diakité-Kaba : Bien sûr qu’elle est d’actualité. La question est de savoir, si nous sommes prêts à relire ou réécouter nos traditions. La réalité est qu’on ne peut plus revenir en arrière pour reconstituer l’espace du Mandingue du 13è siècle. Si donc en parlant de nation unitaire on pense à l’espace géographique physique, je crains que cela ne soit possible. Ce qui doit être fait et vulgarisé, c’est à mon avis insister sur le fait qu’au 13è siècle l’empire du Mali comprenait plusieurs groupes ethniques. Il est clair que c’était un espace multiculturel. D’ailleurs, l’accession de Soundjata Kéïta au pouvoir est due à la coalition de plusieurs groupes ethniques afin de combattre le Roi de Sosso. Pour moi c’est un aspect important.

Je tiens à préciser que deux textes de la Charte circulent. Dans ma pièce de théâtre je m’emploie à utiliser dès le début le « Mandén Kalikan » ou l’Injonction du Mandén au monde qui fut proclamée autour de 1235 par Soundjata Kéïta, fondateur de l’empire du Mali et ses collègues de la confrérie des chasseurs. Cette proclamation demeure la référence majeure pour les Simbos, maîtres chasseurs du Mandén. Elle constitue également la charpente de la Charte du Mandén.

A l’intérieur de la pièce je m’inspire du texte de la Charte dite de Kouroukan Founganessayant de mettre en scène l’espace sociale, politique et culturelle au moment de l’édification de l’empire du Mali.

 

Koulouba.com : Qu’est ce que le Mali peut tirer de cette charte pour sortir de la crise que le pays est en train de traverser depuis 2012 ?

Issiaka Diakité-Kaba : Il serait vraiment prétentieux de ma part d’échafauder des scenariide sortie de crise en prenant en compte « Mandén Kalikan ». Je crois qu’en respectant l’esprit et la lettre du texte des chasseurs, on peut en l’appliquant avec un peu de bonne foi entrevoir le bout du tunnel. Mais, il faut prendre en compte, en plus des problèmes identitaires, qui pour paraphraser l’écrivain Amin Maalouf sont souvent « meurtrières », il faut disons considérer les dimensions économiques des crises qui très souvent cachées, nourrissent les incompréhensions. Bref ! Je crois qu’en appliquant les fondamentaux du vivre ensemble édictée par « Mandén Kalikan » ou l’Injonction du Mandén on peut faire évoluer positivement dans le compromis les choses.

 

Koulouba.com : La nouvelle génération ne semble pas être attirée par le théâtre. Dites nous l’importance de cette discipline dans l’éducation et dans la sauvegarde de la culture africaine ?

Issiaka Diakité-Kaba : Je ne vais pas me focaliser sur le théâtre uniquement. Ma longue expérience dans l’éducation aussi bien en Afrique qu’aux USA me permet de dire que la nouvelle génération, je dirai plutôt les nouvelles générations, en y incluant celle des pays comme les USA, ne semblent pas être attiré par la lecture et n’a pas non plus appris à écouter et n’apprends même pas à écouter. Au contraire, elle est plus encline à utiliser tout support qui fait interagir en même temps : l’image, l’écriture et le son, nous sommes là dans le monde du multimédia. La preuve la plus concrète est la plateforme Facebook et bien d’autres réseaux sociaux. Avons-nous créer dans nos systèmes éducatifs un environnement où l’apprentissage utilise en même temps l’image, l’écriture et le son ? Je ne le crois pas. L’enjeu de la sauvegarde de nos cultures est à ce niveau, et ce n’est pas de la spéculation. Les pays qui ne mettront pas à la disposition de leur nouvelle génération les outils de nouvelles générations, en occurrence les outils multimédias dans l’apprentissage resteront à la traine. C’est aussi simple que cela, disons-le c’est une équation à une seule inconnue. Par exemple, il est vraiment étrange que c’est aux USA, dans une classe américaine, devant des étudiants américains que je peux avoir à ma disposition tout le matériel pédagogique nécessaire pour enseigner avec aisance et efficacité un fait de culture africaine : l’épopée mandingue de Soundjata Kéïta. Je veux parler de support écrit, support vidéo et image, etc.

 

Koulouba.com: Quel enseignement vous pouvez donnez à la jeune génération qui semble être perdu dans la mondialisation ?

Issiaka Diakité-Kaba : Je ne pense pas que la jeune génération soit vraiment perdue dans la mondialisation. Je pense qu’il faut sortir de ce schéma-là. Je crois que notre jeunesse ne demande qu’à être guidé par des adultes qui vont organiser l’espace de l’apprentissage pour eux. Si on le fait, ils vont nous suivre. Pour réussir à les intéresser, il faut penser à investir massivement dans nos systèmes éducatifs. On ne fera pas émerger nos pays en oubliant l’éducation. Si on emprunte ce chemin, je peux vous garantir que rien ne marchera. Un citoyen et une jeunesse éduqués connaissant ses droits et ses devoirs peut garantir la démocratie. Bien sûr, connaître aussi les valeurs de sa tradition c’est être éduqué. Le contraire est un individu dangereux.

 

Source : Koulouba.com

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