L’ONG intergouvernementale “Karanta” est une institution d’appui aux politiques d’éducation non formelles dans six pays dont le Mali, le Niger, le Burkina, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et la Guinée avec son siège à Bamako. La Fondation Karanta est un maillon très actif dans la lutte contre l’obscurantisme dans les zones des 3 frontières (Niger, Mali et Burkina), très touchées par le terrorisme. Elle appuie l’éducation non formelle et par cela porte un grand coup à l’obscurantisme.
“Parmi les Etats membres de la Fondation, 3 pays sont fortement touchés par l’insécurité, le Mali, le Niger et le Burkina. Les pays des 3 frontières. Pour ce fait, la Fondation Karanta a développé des programmes dans ces 3 pays à travers des centres d’éducation à l’intégration au niveau des frontières. A travers ces programmes, la Fondation sensibilise sur beaucoup de thèmes.
Dès qu’on dit obscurantisme, ça renvoie à l’illettrisme, à l’ignorance et à l’analphabétisme. Tout ce que l’on fait, c’est pour lutter contre l’analphabétisme. Les interventions rentrent en droite ligne avec la lutte contre l’obscurantisme. Parce que dans les centres d’éducation non formelle d’alphabétisme, il y a des programmes d’alphabétisation dans lesquels, il y a l’apprentissage de la lecture-écriture qui entre dans le cadre de lutte contre l’obscurantisme.
Le programme cible les adultes, les jeunes qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école ou qui ont abandonné l’école pour des raisons d’insécurité ou autres et des enfants. C’est à l’endroit de ces groupes cibles que Karanta a conçu des programmes pour leur permettre soit de continuer en les reversant au niveau du système formel soit dans la formation.
La Fondation Karanta a deux types de passerelles. La passerelle vers le formel pour les jeunes qui ont l’âge d’aller à l’école et la passerelle vers l’apprentissage des métiers. Et pour les adultes, ce sont des programmes d’alphabétisation pour leur permettre d’acquérir des connaissances et des compétences afin de leur permettre d’améliorer leurs conditions de vie.
C’est un programme de 2 ans. Pour la première année, c’est un tronc commun pour les enfants de 8 à 15 ans. La première année du programme est le condensé du programme officiel de 3 années de l’école primaire de l’éducation de base. Le condensé sélectif du programme de 3 premières années du programme officiel de chaque pays.
Après une année du programme, on évalue les enfants. Les enfants qui peuvent être reversés au niveau du formel, sont reversés en 4e ou 3e année. Ceux qui ont l’âge avancé, continuent pour la deuxième année du programme qui est le condensé de la 4e, 5e et la 6e année. Ils sont évalués après et reversés au niveau du collège en 7e. Ceux qui n’ont plus l’âge d’aller à l’école sont reversés au niveau de la formation professionnelle et de l’apprentissage des métiers.
En 2020, Karanta a mené une étude sur la stratégie d’alphabétisation en situation de crise et d’urgence. Cette étude a été menée dans les 6 Etats membres de la Fondation Karanta et compte tenu des situations de crise comme la Covid, des maladies comme Ebola en Guinée et des situations de crise d’insécurité comme au Niger, Mali et au Burkina.
Des stratégies ont été définies sur comment intervenir en situation de crise et en fonction du type de crise pour permettre de continuer le programme et d’enseigner les centres d’éducation et d’alphabétisation. L’étude est déjà disponible. Elle sera mise à la disposition des Etats membres.
Dans l’étude, il y a des situations où des communautés se sont déplacées. Elles ont abandonné leur village pour des sites. Il y a des endroits où dans le même village à cause de l’insécurité, des écoles ont été fermées. Des terroristes exigent qu’on ferme les écoles ou bien, les écoles sont menacées. “Donc nous avons défini des stratégies avec des Tic, des cours qui se tiennent à distance. Il y a des cours au lieu d’aller dans ces centres d’information, ce des maisons où les gens se regroupent pour se former. Il y a des programmes qui sont développés pour des enfants des communautés déplacées”, souligne le responsable de programme et de projet de la Fondation Karanta, Soumana Seybou, non moins représentant du Niger à la Fondation.
xxxxx
L’obscurantisme : L’autre racine du sous-développement vu par le sociologue, Dr. Bamoussa Coulibaly
A l’origine, l’obscurantisme était une doctrine, un système politique ou religieux dont l’objectif était de s’opposer à la diffusion, notamment dans les classes populaires, des connaissances scientifiques, de l’instruction, du progrès.
De nos jours, si les connaissances scientifiques et techniques deviennent une priorité pour toutes les sociétés, l’obscurantisme a gagné la sphère religieuse dans beaucoup de sociétés et progressivement s’impose comme un moyen de lutter contre toutes formes de modernité à l’image par exemple de Boko Haram, qui signifie littéralement que l’éducation occidentale est un péché.
C’est un rejet systématique de toute conception tendant à faire la promotion d’une culture universelle qui favorise le bien-être des sociétés sans considération d’appartenance religieuse ou raciale. Pour le cas du Mali, les velléités obscurantistes sont nées avec l’occupation des régions du Nord du Mali, suite à la chute du régime du colonel Kadhafi, occupations au cours desquelles des forces obscurantistes avec des complicités locales ont utilisé tous les prétextes pour sévir notamment le prétexte de l’expansion de l’islam comme si le Nord du Mali était une terre animiste qu’il fallait islamiser.
Notre pays, le Mali depuis 2012 devient progressivement surtout dans sa partie du nord et du centre un des terrains privilégiés de ces forces obscurantistes pour trois raisons. La première est l’absence de l’Etat, consécutive aux difficultés que notre armée a rencontrées sur les différents théâtres militaires de ces régions et la deuxième est la tentative d’instrumentalisation de la sphère religieuse par les politiques.
Cet état de fait qui a ressemblé à un scénario pareil à un “tel est pris qui croyait prendre”, a réveillé l’appétit de certains religieux influents d’alors qui, sachant désormais les faiblesses des hommes politiques qui leur ont tendu la perche pour se faire élire, ont désormais leur feuille de route. La troisième raison est la rivalité croissante, aux allures de paix armée entre les différentes tendances religieuses majoritaires au Mali.
Ces différentes tendances ont toujours vécu harmonieusement de par le passé. Mais ces derniers temps, la rivalité s’anime entre ces deux tendances avec le sujet de la laïcité qui s’est invité dans le débat public avec la révision constitutionnelle. Pourquoi ces agitations inutiles autour de la laïcité en ces moments précis où notre armée est en train de déployer d’intenses efforts sur le terrain pour récupérer notre territoire dont une grande partie est entre les mains des forces obscurantistes ?
Le peuple et son armée ne doivent plus croiser les bras face à ces dérives dont on n’a nullement besoin. L’histoire offre à notre pays une opportunité pour asseoir davantage la stabilité nécessaire pour un développement durable. Les Maliens doivent aller à l’essentiel c’est-à-dire vaincre toute forme de déstabilisation de notre pays. La laïcité est un faux débat dans notre pays et semble être le moteur d’une feuille de route politique entretenue par des soi-disant leaders religieux qui n’ont aucune chance de se faire entendre. Aucun Malien n’a jamais été empêché d’exercer sa foi selon ses convenances. L’odeur des pétrodollars ne doit pas étouffer les cris de ces paisibles citoyens du centre et du nord qui n’aspirent qu’à une chose qui est de vivre avec le fruit de leur travail. L’état doit mobiliser toute sa force pour faire en sorte que le pacte de la stabilité et de la sécurité soit imposée à tous les Maliens sans exception au nom de la stabilité collective.
Les Maliens ont compris l’enjeu. Le 14 janvier, jour de l’indépendance retrouvée doit être traduit en mesure rigoureuse pour imposer le respect des lois et des institutions.
L’obscurantisme doit être réprimé avec la dernière rigueur. Il porte en lui les germes du sous-développement.
xx
MICRO-TROTTOIR
Le regard des Maliens sur l’obscurantisme
De plus en plus l’obscurantisme religieux et intellectuel gagne le cœur d’une partie des Maliens. Alors quel regard les Maliens portent sur l’obscurantisme ?
Drissa Coulibaly (philosophe)
“Le regard que j’ai de l’obscurantisme de façon générale mais particulièrement du Mali, c’est que nous sommes un peuple peu instruit même ceux qui sont allés à l’école et bardés de diplômes quand on parle de religion, on assiste à une résistance de leur part et c’est ce qu’on n’arrive pas à comprendre. Comment quelqu’un qui est instruit peut encore sombrer dans l’obscurantisme ? Moi je dirais que c’est la domination de la religion parce qu’on se sent mal à l’aise quand il s’agit de critiquer une religion. Car ces derniers n’arrivent pas à penser par eux-mêmes. Chaque fois ils sont obligés de se référer soit à une personne soit à un livre sacré en l’occurrence pour les religieux ou bien leur maitre. Mais en réalité, il s’agit de penser soi-même, c’est le plus important. Penser par soi-même pour donner son point de vue sur une situation donnée mais en toute liberté”.
Yéhia Ag Agaly (bibliothécaire) : “Pour moi l’obscurantisme, est un mal à combattre sans répit. Qui parle de l’obscurantisme parle de l’ignorance, de la violence, de la restriction au sens large du terme, d’une idéologie néfaste. Il s’oppose à la vérité, au bon sens, à la connaissance profonde des choses, à la science et à la compréhension mutuelle. Bref, un mal pour nos sociétés et nos valeurs. Nous devons le combattre et le bannir avec force et énergie, en investissant massivement dans la formation, le savoir, et en dialoguant. Ne dit-on pas souvent que ‘Répandre le savoir c’est prendre chaque jour davantage de place à l’obscurantisme dans le monde’”.
Ousmane Ambana (enseignant)
“Le Mali se dirige dans une guerre religieuse si rien n’est fait. Les fanatiques religieux sont en train de gagner le terrain. Que cela soit du côté des musulmans, chrétiens ou traditionalistes ou encore Kamites, il risque d’y avoir des affrontements pour cause, chacun croit que sa religion est la meilleure. Cet affrontement va déstabiliser le pays qui est profondément mal en point. Il faudrait que l’Etat agisse et mette fin à cet imbroglio obscurantiste. Nous ne sommes plus au Moyen-Âge, chaque croyance doit être respectée. S’accepter dans la différence, mettre en avant la tolérance religieuse et reconstruire ensemble le Mali. Si l’on ne prend pas garde, nous risquerons de plonger le Mali dans l’abysse”.
Moussa Fofana (étudiant à la Sorbonne)
“Depuis 2012, le Mali connaît une crise profonde d’insécurité liée essentiellement à l’extrémisme violent qui se définit comme la manifestation concrète du fanatisme religieux dont la cause fondamentale est sans doute l’interprétation très restrictive des textes religieux. Tout porte à croire que ce prosélytisme puise toute sa substance dans l’obscurantisme moyenâgeux caractérisé par la mauvaise interprétation des textes religieux, en l’occurrence le Saint Coran de l’islam. Ainsi, parmi les principaux facteurs sociaux qui favorisent la propagation de cet obscurantisme religieux figure notamment le déficit de sensibilisation de la jeunesse sur la question religieuse, à tel point que certains adeptes de l’islam au Mali, même s’ils ne sont pas totalement en phase avec l’idéologie religieuse véhiculée par des terroristes, ne sont pas très réfractaires à leur cause”.
Dossier réalisé par
Koureichy Cissé
Ousmane Mahamane
Mali Tribune