Démis de ses fonctions le 25 octobre dernier par le général Abdel Fattah al-Burhan, remis en selle un mois plus tard par le même général, Abdallah Hamdok est passé du rang d’espoir à celui de traître. Ce dimanche 2 janvier, alors que Hamdok allait annoncer sa démission, le peuple était une nouvelle fois dans la rue. Une nouvelle fois, il a réclamé le départ des militaires. Une nouvelle fois, il y a eu des morts. Trois manifestants tués par balles ou sous des coups de bâton, rapporte un syndicat de médecins. Depuis le 25 octobre, 57 manifestants ont été tués et des centaines d’autres blessés. 

Hamdok “le traître”

Le retour d’Abdallah Hamdok au poste de Premier ministre à la fin novembre et la signature d’un accord de partage du pouvoir en 14 points entre militaires et civils étaient censés mettre fin aux manifestations et ramener le calme. Rien de cela n’est arrivé. Hamdok n’a jamais pu reprendre la main. De plus, il a perdu ses alliés, que ce soit les partis politiques ou la rue. Ainsi le parti Oumma, le plus important du pays, a rejeté l’accord, de même que des membres de la coalition civile des Forces de la liberté et du changement qui, jusqu’au 25 octobre, partageaient le pouvoir.

Rappelons qu’en vertu d’un accord signé lors de la chute d’Omar el-Béchir en 2019, une coalition civilo-militaire devait en trois ans organiser des élections libres.

Pour la rue, Hamdok est devenu un traître, un faire-valoir derrière lequel se cachent les militaires qui détiennent réellement le pouvoir. “J’ai tenté de mon mieux d’empêcher le pays de glisser vers la catastrophe, alors qu’aujourd’hui il traverse un tournant dangereux qui menace sa survie, a-t-il plaidé en annonçant son départ. Malgré tout ce qui a été fait pour parvenir à un consensus cela ne s’est pas produit”, a-t-il conclu.

 

Et maintenant ?

Le Soudan donne l’impression d’avoir fait un énorme retour à la case départ, il y a presque trois ans, quand la rue réclamait le départ d’Omar el-Béchir. L’armée a repris la main, mais l’avait-elle réellement perdue ? Un militaire, dictateur usé par le pouvoir, a été remplacé par un autre militaire, Abdel Fattah al-Burhan, général discret et efficace. Un scénario qui ressemble étrangement à celui que vit le voisin égyptien.

L’armée va désormais devoir assoir son pouvoir, et cela passe d’abord par la fin des manifestations. Car le mot d’ordre “les militaires à la caserne” scandé par la rue est toujours d’actualité. On peut craindre que la répression s’accélère et que la liste des victimes s’allonge. Des comités de résistance annoncent des arrestations ou des disparitions dans leurs rangs. Selon l’ONU, les forces de sécurité utiliseraient le viol comme outil de répression. Treize manifestantes ont ainsi été violées.

Enfin, la pression s’accroît vis-à-vis des médias : journalistes empêchés de couvrir les événements, matériel saisi – comme pour la chaîne de télévision al-Arabiya –, internet coupé.