A l’issue du sommet Afrique-France que Bamako a abrité du 13 au 14 janvier dernier, les Chefs d’Etats et de gouvernements se sont félicité des progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Ils ont également appelé à la restauration et au rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national, conformément aux dispositions de l’Accord.
Ils ont condamné le terrorisme sous toutes ses formes et exprimé leur solidarité au Mali face à la recrudescence des attaques terroristes qui ont visé les forces de défense et de sécurité du Mali, les forces des Nations Unies, la force française Barkhane et les populations civiles. Pour eux, cette situation constitue une menace pour l’ensemble de la sous-région. Ils ont aussi salué les actions des forces maliennes, françaises et de la MINUSMA dans le Nord du Mali qui ont permis de réduire la capacité des groupes armés terroristes à mener des actions d’envergure dans cette région.
Ils ont constaté que ceux-ci se replient, de plus en plus, vers le Centre et le Sud du pays où ils mènent des attaques dans des zones frontalières des pays voisins. Soucieux d’éviter une généralisation du phénomène de radicalisation et de terrorisme dans la région sahélienne, les Chefs d’États et de Gouvernements appellent à un renforcement du partenariat militaire et de coopération transfrontalière entre les pays membres du G5 Sahel auquel la France apporte son soutien…
Des mesures d’envergure pour lutter contre l’insécurité et le terrorisme
Au sortir donc de cette assise, les Chefs d’Etats et de gouvernements ont pris d’importantes décisions pour éradiquer l’insécurité en Afrique et y promouvoir le développement durable. Il ressort donc de la déclaration, dite de Bamako, que les Chefs d’Etats et de gouvernements se prononcent clairement en faveur de la consolidation de la paix et la sécurité en Afrique, notamment au Mali. Même si cela n’est pas du goût de tous les acteurs politiques maliens. Qui pensent pouvoir ‘’surfer’’ sur la misère de leurs concitoyens pour se hisser au pouvoir. A cet effet, ils ont décidé d’unir davantage leurs efforts pour lutter contre le terrorisme et les trafics illicites.
Pour ce faire, IBK et ses hôtes ont mis l’accent sur la coopération policière, judiciaire et la surveillance des frontières dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. C’est dans ce contexte qu’ils ont appelé à une action collective accrue contre les réseaux de trafiquants, notamment de traite des êtres humains, de trafic de migrants et de trafic de drogue afin d’assécher la source de financement du terrorisme que représentent ces trafics.
Face au péril que constituent la radicalisation et l’extrémisme violent pour la sécurité et la stabilité, les Chefs d’États et de Gouvernements ont appelé à une plus grande coopération régionale et internationale dans la lutte contre ces phénomènes. Aussi, ont-ils pris bonne note des efforts déployés par l’Algérie en faveur du renforcement de la lutte régionale et internationale contre l’extrémisme violent et le terrorisme. Ils ont souligné l’importance des travaux sur les politiques de ‘’déradicalisation’’ des réseaux sociaux et d’internet ainsi que sur la démocratie et l’état de droit dans la lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme.
Ils ont pris note également avec intérêt de la décision de l’Algérie d’organiser, durant le printemps 2017, une nouvelle conférence internationale consacrée au rôle déterminant de la réconciliation nationale dans ce domaine.Mais aussi, ils ont convenu de mettre en place des moyens adéquats et d’accroître leur coopération en matière de lutte contre la cybercriminalité et plus généralement, pour renforcer la ‘’cybersécurité’’. Déjà, le partenariat africain pour la sécurité numérique, qui constitue un cadre d’échange d’expertise, de développement des compétences et des ressources au service d’une mutation technologique sécurisée du continent africain à laquelle serait associé le Centre Africain d’Etudes et de Recherches sur le Terrorisme, a été mis en place.
S’agissant de la capacité des militaires africains à répondre aux défis de la sécurité, les Chefs d’États et de Gouvernements ont rappelé le caractère central de la formation des soldats africains pour les besoins de la sécurité nationale et des opérations de maintien de la paix. Dans ce domaine, l’engagement de la France en 2013 de former 20.000 soldats africains par an a été atteint depuis 2015. La France s’est engagée à poursuivre cette belle initiative. D’ores-et-déjà, elle reste pleinement engagée dans la lutte contre les activités terroristes aux côtés de ses partenaires, en particulier dans le cadre de l’opération Barkhane et de l’appui apporté aux forces nationales dans le Sahel. François Hollande a saisi l’occasion pour annoncer l’ouverture d’un centre de formation des militaires dans un pays africain, dans son discours d’ouverture.
Les Chefs d’Etats et de gouvernements ont également fait un large tour d’horizon sur l’actualité brulante en Afrique et dans le reste du monde. A cet effet, ils se sont prononcés sur la situation en Libye, à propos de laquelle, ils ont réaffirmé leur soutien à l’accord politique libyen signé à Skhirat le 17 décembre 2015 en considérant celui-ci comme la réponse à la crise. Ils ont rappelé et salué le rôle joué par l’Union Africaine et la France pour sa conclusion.Ils ont également salué les efforts consentis par le Conseil présidentiel dans la lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine et demandé à la communauté internationale de lui apporter son assistance. Ils ont appelé toutes les parties libyennes à contribuer activement à la mise en œuvre de cet accord.
Les Chefs d’États et de Gouvernements ont salué la contribution décisive de l’Union Européenne à la paix et à la sécurité sur le continent africain. Ils ont accueilli positivement le lancement en 2014 de la mission exécutive ‘’EUFOR RCA’’, suivie d’une mission de formation EUTM qui a atteint sa pleine capacité opérationnelle avec l’appui de la France, ainsi que le troisième mandat d’EUTM-Mali en 2016, ouvrant la voie à une régionalisation de son action, en lien avec les missions civiles ‘’EUCAP Sahel Mali’’ et ‘’EUCAP Sahel Niger’’. Ils ont encouragé l’Union Européenne à achever, au plus vite, son travail visant à compléter ses activités de formation et de conseil des forces africaines par un financement significatif des équipements non-létaux des forces africaines formées, comme convenu lors du Sommet UE-Afrique du 3 avril 2014.
Les Chefs d’Etats se sont félicités de la création par l’Union Africaine d’un fonds de lutte contre le terrorisme. Ils ont pris note de la demande faite à la communauté internationale, aux Nations Unies en particulier, de participer à son financement, et à la France, membre permanent du Conseil de sécurité, de soutenir cette démarche. Ils ont aussi salué le rôle de l’UE, notamment grâce au fonds fiduciaire créé à l’occasion du Sommet de La Valette. Tout en se félicitant du lancement d’Afripol et rappelé l’appui apporté par Interpol et l’Union Européenne au développement des coopérations régionales en matière policière, notamment en ce qui concerne la formation, l’échange d’informations policières et la conduite des enquêtes. Ils ont appelé à un soutien accru des initiatives régionales en matière de coopération transfrontalière en vue de la sécurisation des frontières. Les Chefs d’États et de Gouvernements ont rappelé la nécessité de renforcer l’échange d’informations en matière de sécurité à l’échelle africaine à travers Afripol et de mettre cette structure en réseau avec les services de renseignement nationaux.
La cybercriminalité s’est également invitée dans les discussions. A ce sujet, ils ont convenu de mettre en place des moyens adéquats et d’accroître leur coopération en matière de lutte contre le phénomène et plus généralement, pour renforcer la ‘’cybersécurité’’. Ils ont parlé de la mise en place d’un partenariat africain pour la sécurité numérique, qui constituera un cadre d’échange d’expertise, de développement des compétences et des ressources au service d’une mutation technologique sécurisée du continent africain à laquelle serait associé le Centre Africain d’Etudes et de Recherche sur le Terrorisme.
La sécurité maritime a également occupé une place de choix dans les discussions. Ainsi, ont-ils salué les résultats du Sommet de l’Union Africaine sur la sécurité maritime et le développement en Afrique tenu à Lomé (du 10-15 octobre 2016) et l’adoption de la Charte de Lomé sur la sûreté et la sécurité maritime et le développement. La France s’est aussi engagée, dès 2013, dans la mise en œuvre de la déclaration du Sommet de Yaoundé du 25 juin 2013, notamment lors de sa présidence du Groupe des Amis du Golfe de Guinée, et elle a soutenu le Centre Interrégional de Coordination de Yaoundé (CIC), et les formations délivrées à l’Institut de Sécurité Maritime Interrégional d’Abidjan (ISMI).
Favoriser l’émergence économique du continent africain
Plusieurs autres sujets, notamment économiques ont nourri les échanges de haut niveau, conformément à l’esprit de la thématique relative à l’émergence, comme 3ème point du thème de la conférence. Là-dessus, les Chefs d’États et de Gouvernements ont salué les perspectives positives de croissance économique du continent africain sur le long terme tout en tenant compte des difficultés transitoires que rencontrent certains États, notamment du fait de la baisse des revenus liés aux matières premières. Ils se sont accordés sur l’objectif de favoriser l’émergence du continent africain et d’agir en faveur d’une croissance solidaire.
Ils ont convenu d’inscrire leur action dans le cadre du Programme International de Développement Durable – le programme d’Action d’Addis-Abeba sur le financement du développement, les objectifs de développement durable des Nations Unies, l’Accord de Paris sur le changement climatique, et l’Agenda 2063 de l’Union Africaine. Ils ont rappelé les engagements pris à l’occasion du XVIe Sommet de la Francophonie tenu sur le thème « Croissance partagée et développement responsable : les conditions de la stabilité du monde et de l’espace francophone » et reflétés dans la Déclaration d’Antananarivo.
En matière d’aide publique au développement, ils se sont réjouis de la mise en œuvre de l’engagement français portant sur 20 milliards d’euros d’ici 2018, et de la volonté ferme de le réaliser. En matière de financement des économies, les Chefs d’États et de Gouvernements ont reconnu l’importance d’une concertation sur le thème de la soutenabilité, comme condition d’un développement pérenne du continent. Ils ont salué les échanges initiés pour la définition de principes de financement soutenable, applicables à tous.
Ils se sont engagés à soutenir la mise en œuvre complète de l’Agenda 2063, en particulier de son premier plan décennal de mise en œuvre (2014-2023) et notamment de ses 12 programmes phares. Ils ont appelé au renouvellement d’un partenariat ambitieux, moderne et mutuellement bénéfique entre l’Union Européenne, l’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique pour continuer à promouvoir des valeurs partagées, à relever les défis du développement durable tout en démultipliant les échanges commerciaux et en faisant face, de manière solidaire, aux défis communs (post-Cotonou).
Ils ont appelé à poursuivre et à approfondir le dialogue sur la question de la migration à travers une concertation régulière fondée sur les principes de solidarité, de partenariat et de responsabilité commune et partagée, conformément à la Déclaration politique et au Plan d’actions conjoint du Sommet de La Valette de novembre 2015. Reconnaissant également le plan d’actions de Ouagadougou contre la traite des êtres humains et la Déclaration de Charm el-Cheikh adoptée lors de la seconde réunion ministérielle de l’initiative de l’Union Africaine pour la Corne de l’Afrique sur la traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants, ils ont réitéré la nécessité d’une approche globale prenant en compte tous les aspects de la migration, notamment la gestion efficace et ambitieuse des causes profondes de la migration irrégulière et des déplacements forcés, l’approfondissement de la coopération en matière de migration légale et de mobilité , le renforcement de la protection des migrants (y compris des migrants économiques) et des demandeurs d’asile, la lutte contre la migration irrégulière et les réseaux d’exploitation et de trafic des migrants et la coopération en matière de retour, de réadmission et de réintégration. Ils se sont, en outre, engagés à renforcer leur appui multidimensionnel aux pays qui font face à l’afflux de réfugiés et de personnes déplacées.
Désireux d’œuvrer en faveur du développement humain, de l’autonomisation et de l’intégration des jeunes Africaines et Africains sur le marché du travail, les Chefs d’États et de Gouvernements ont réaffirmé le caractère prioritaire de l’éducation et de la formation professionnelle. Ils ont salué l’initiative dénommée Partenariat pour le Développement des Compétences en Sciences Appliquées, Ingénierie et Technologies (PASET), lancée en 2013 pour renforcer les capacités scientifiques et technologiques nécessaires au développement socioéconomique de l’Afrique.
Ils ont convenu de renforcer le pilotage des systèmes éducatifs africains par la qualité, en mettant notamment en place des politiques de formation et d’évaluation performantes. Ils ont pris bonne note de la contribution de l’OIF dans ce domaine. Ils ont affirmé leur volonté de promouvoir une formation professionnelle d’excellence. La France soutiendra, à cet effet, la mise en place du label ‘’RH Excellence Afrique’’ et d’un réseau de centres d’excellence de formation aux métiers de l’énergie. La formation professionnelle en milieu rural et la place des femmes feront l’objet d’une attention particulière.
Les Chefs d’États et de Gouvernements ont lancé un appel aux partenaires internationaux afin qu’ils accroissent leur soutien aux secteurs de l’éducation et de la formation professionnelle en Afrique et ils ont demandé que les contenus modernes, accessibles et professionnalisant soient adaptés aux besoins des marchés de l’emploi. Ils ont appelé au renforcement de la coopération et de l’intégration régionales afin d’atteindre les objectifs de développement et des bénéfices communs grâce à des mesures gagnant-gagnant, qui ne présentent pas d’inconvénient et qui favorisent les principes du droit international.
En plus de ces thématiques, plusieurs autres sujets ont été abordés au cours du sommet. Nous y reviendrons.
Synthèse de M. A. Diakité