On ne devrait pas tarder à savoir si Hamadoun Kouffa a été tué par le raid français de la nuit du 22 au 23 novembre. Car la doxa djihadiste n’occulte pas la mort d’un mujahidine, à condition d’être certifiée par des témoins crédibles. Dans le cas du prédicateur peulh, le témoignage viendrait de compagnons à lui ayant survécu au raid français dans la nuit du 22 au 23 novembre.
Le cas échéant, la hiérarchie de Katibat Maasina saluerait « un martyr » et annoncerait le nom de son successeur. Pour Malam Dicko, le défunt chef de Ansaroul Islam du Burkina voisin, il est vrai qu’il n’y a pas eu de communiqué de décès mais le nom de Jafar Dicko a été avancé dans la foulée pour lui succéder.
Deux autres moyens permettraient de savoir si Kouffa a rencontré la fatalité : un, que ses deux épouses entrent en veuvage -rite obligatoire en milieu musulman, et c’est par ce moyen que les Berabich de Tombouctou se sont convaincus de la mort de Belmoktar survenue en Libye des suites d’un raid français également – ; ou deux, que Barkhane publie les photos du corps, chose improbable qui n’est pas dans les habitudes des troupes françaises, – rappelons-le, les photos d’Abuzeid avaient été publiées par ses tombeurs tchadien-.
Parce que sa dignité en tant qu’institution lui interdit l’usage du conditionnel pour la mort d’un acteur aussi emblématique que Kouffa, le communiqué du Ministère français sur le raid en question doit être pris au sérieux. Sinon, passé maître de whatshapp depuis un an, le flamboyant prédicateur ne mettra pas de temps à donner signe de vie par les messages vocaux dont il a l’habitude. Et ce ne serait pas bon pour le crédit de la France. Cependant, si tout est vrai, Kouffa est tombé une veille de vendredi.
La symbolique est puissante, vendredi étant le jour que les djihadistes locaux accomplissent généralement leur forfait. Partie donc, la figure tutélaire d’un jihad du cru ! Celui-ci cherche à recruter de manière opportuniste et parfois sans grande cohérence : le suprématisme peul, l’égalité entre les tribus, la lutte des classes, les crispations identitaires, le rejet de l’Etat malien, la trahison des clercs.
Tout cela, au profit d’une hypothétique théocratie qui aura eu le mérite de corriger les erreurs de la Dina du Macina! En outre, Kouffa était une passerelle solide entre le Centre et le Nord, entre un islam fondamentalement soufi qui se méfiait de lui et la katibat Ansardine d’Iyad Ag Ali dont il revendiquait l’amitié et reconnaissait l’autorité. Il sera difficile de trouver pour le Centre un successeur naturel de l’envergure du défunt prédicateur. Mais l’hémorragie ne s’arrêtera forcément.
On l’a vu, au Burkina Faso, la mort de Malam Dicko a comme décuplé la détermination de sa katibat à s’imposer. En plus, au Centre du Mali, le ver est peut-être dans le fruit : les petites unités motorisées qui sillonnent la région sont autant de franchises de la terreur qui, en réalité, comblent la retraite de l’Etat plus qu’elles ne vainquent celui-ci ou ne convainquent les populations. Les exactions très souvent reprochées aux forces armées maliennes ainsi que les conflits ethniques issus de la logique de la guerre par procuration sont une autre dimension de la tragédie du Centre.
Ce ne sont pas les mirages 2000 ou les lance-roquettes qui en seront la solution. Surtout que dans cette partie jadis prospère, la guerre la plus dévastatrice a le visage des champs asséchés, des troupeaux sans débouchés, des écoles fermées, d’une jeunesse sans emploi. Conclusion : Kouffa mort fait une sacrée différence et porte un coup plus que dur au projet de déstabilisation du Mali. Mais Kouffa mort ne pacifie pas automatiquement le Centre. Tant que les possibles effets-boomerangs de l’opération qui l’a tué ne sont pas anticipés. Et tant que son chef touareg, Iyad Ag Ali, lui, est vivant.
Adam Thiam
La rédaction