La directrice de l’ONG enfreignait les textes dans le recrutement des agents. De plus, elle n’a pas pu justifier la disparition de 600 millions de FCFA des caisses de l’organisation
La session spéciale de la Cour d’assises sur les infractions économiques a tranché une affaire relative à l’atteinte aux biens publics, délit de favoritisme et complicité d’atteinte aux biens publics. Cette affaire incriminait M.D une directrice d’ONG et autres personnes.
Au total, elles étaient cinq accusés sur sept à comparaître dans cette affaire de détournement de plus de 600 millions de Fcfa. Selon l’acte d’accusation, M.D et ses complices ont volatilisé cette somme au détriment de l’ambassade des Pays-Bas. Il s’agit de l’aide au développement social de ce partenaire sur la période 2012-2016. L’ONG intervenait dans les domaines du développement et de l’éducation au développement.
Dans le cadre de ces activités, elle a obtenu, à travers la représentation diplomatique des Pays-Bas, un financement de plus d’un milliard de Fcfa destiné à la généralisation du curriculum de l’enseignement dans l’éducation fondamentale au Mali sur la période allant de 2012 à 2014, puis sur prorogation jusqu’en 2016.
Mais les choses ont pris une autre tournure à la suite de nombreuses malversations constatées dans la gestion du fonds par M.D.
Une enquête préliminaire diligentée a permis de découvrir que MD, pour réussir à sortir l’argent de la caisse, agissait de concert avec le gestionnaire de son ONG, A.C. Ce dernier n’utiliser pas le logiciel comptable de l’ONG dans le but d’effacer toutes les traces de leurs agissements frauduleux.
En approfondissant les enquêtes, les enquêteurs ont découvert qu’en plus du gestionnaire, M.D s’était entourée de plusieurs de ses proches parents qui ont, d’une manière ou d’une autre, injustement bénéficié des fonds de l’ONG en l’occurrence un de ses fils.
Ce fils avait saisi l’opportunité pour créer un Groupement d’intérêt économique (GIE) et une société anonyme à responsabilité limitée (SARL). De la même façon, des parents plus ou moins lointains de M.D bénéficiaient d’immenses largesses financières de l’ONG. Certains étaient recrutés pour occuper des postes dont ils n’avaient pas les compétences requises. Le cas échéant, ils bénéficiaient illégalement des marchés de l’ONG. M.D avait fait en sorte que les marchés de l’organisation tournent autour d’elle et ses complices.
La lecture de l’arrêt de renvoi de six pages a pris une dizaine de minutes par la greffière chargée de cet exercice. D’entrée de jeu, le président de la Cour a rappelé les faits de détournement d’argent et de complicité reprochés aux mis en cause.
M.D a été la première à passer à la barre, assistée de ses avocats. Vêtue d’un boubou brodé, teint en vert, elle a nié en bloc les faits qui lui sont reprochés. Elle a d’emblée soutenu que c’était sa toute première fois qu’elle s’exprimait sur cette affaire la concernant pourtant. « Je n’ai pas volé cet argent. Je sais que mon gestionnaire a commis des erreurs, car il a envoyé les dossiers à l’audit sans les pièces justificatives», a-t-elle regretté, affirmant qu’elle possédait elle-même toutes les pièces justificatives. Elle voulait faire croire que le dossier a été diligenté sans qu’elle-même n’eût le temps nécessaire d’apporter les preuves de son innocence depuis l’instruction du dossier.
Elle a soutenu que les partenaires de l’ONG avaient placé leur confiance en elle. Elle soutient qu’ils étaient toujours d’accord avec ses rapports financiers, et discutaient sur tous les sujets et projets avant de faire quoi que ce soit. Comment recrutait-elle ses personnels, lui ont interrogé les juges.
M.D a répondu qu’elle ignorait qu’il fallait toujours passer par la procédure d’appel d’offres, ce qu’exigeaient ses partenaires. M.D s’empresse d’ajouter qu’elle recrutait ceux avec qui elle avait l’habitude de travailler.
A sa suite, A.C le gestionnaire a passé à la barre. Ce dernier confirmera les déclarations de la directrice de l’ONG par rapport aux pièces justificatives. Selon A.C, toutes les pièces n’avaient pas été apportées lors de l’audit. Il y avait des pièces justificatives manquantes de plus de 450 millions de Fcfa. Il a déclaré à la seconde, qu’il ignorait que sa patronne détenait ces pièces justificatives.
Tour à tour, les proches et parents mis en cause dans cette affaire ont passé à la barre pour s’expliquer sur la façon dont ils participaient à la gestion de l’ONG. C’est ainsi que la Cour apprendra que certains de ces mis en cause avaient des marchés se rapportant à la location de véhicules, à la plomberie, à l’électricité, ou encore au nettoyage, au gardiennage des locaux abritant le siège l’ONG, etc.
Si certains des co-accusés ont essayé de faire sortir M.D d’affaire, d’autres par contre, dans leurs interventions incohérentes l’ont enfoncée à l’image d’un de ses neveux. Ce dernier a confirmé que M.D lui accordait des marchés, sans autre forme de procès. Les explications des différents accusés ont permis aux jurés de comprendre que certains des proches de M.D étaient payés à plus d’un million de Fcfa par mois pour leurs prestations.
Le fournisseur en matériel informatique de l’ONG est, lui aussi, passé à la barre. Il a soutenu ignorer tout de cette ONG. «Je ne connaissais pas M.D et je ne savais pas qu’elle travaillait dans un programme des Pays-Bas», a dit le commerçant. Selon lui, dame M.D venait acheter des matériels informatiques chez lui. Il ne sait pas ce qu’elle en faisait réellement.
Aux termes de plusieurs heures de débats et après délibération, la Cour a condamné M.D, et son gestionnaire à 5 ans de réclusion criminelle chacun et au paiement d’une amende de 500.000 Fcfa chacun. Un des complices, H.S.K a été condamné à 5 ans de prison avec sursis et au paiement d’une amende de 5 millions de Fcfa. Quant aux quatre co-accusés, deux ont été acquittés et les deux autres condamnés à la perpétuité. Les condamnés doivent collectivement payer 631millions de Fcfa non justifiés.
Yaya DIAKITÉ
Source : L’ESSOR