En marge du forum de Paris sur la Paix et la Sécurité qui s’est tenu les 12-13 novembre 2019, l’ancien Président du Burundi et actuel Haut Représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel, Pierre Buyoya, a accordé une interview exclusive dans un hôtel parisien à Confidentiel Afrique. Le diplomate qui représentait l’institution, a fait un tour d’horizon sur des sujets de grand intérêt. Dans un style diplomatique raffiné. Terrorisme, rôle de l’Union africaine, coopération et partenariat concertés et actifs entre les puissances et les pays du Sahel, engagement financier de la Cedeao, plateformes agissantes des organisations non étatiques, mode de bonne gouvernance locale, sont passés à la loupe de Pierre Buyoya. Interview de vérité. Exclusif
Confidentiel Afrique: Dans le cadre du forum de Paix et sécurité à Paris, quel est la pertinence et le format qui a été choisi cette année ?
Pierre Buyoya, Haut Représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel:
De ma compréhension, il s’agit d’un forum pour la paix, ce format est venu montrer ou démontrer que la paix est quelque chose de complexe, il y a plusieurs approches pour faire la paix. On peut citer les approches sécuritaires, économiques, les approches en rapport avec les gouvernances à plusieurs niveaux. Il y a aussi plusieurs acteurs, comme les pays, les organisations internationales, la société civile, les représentants des communautés, pour faire la paix aujourd’hui. Il faut faire des approches multisectorielles (technologie, environnement, migration…). Et à mon avis, c’est ce qui explique le choix de ce format élargi par les organisateurs de ce forum.
CA: Vous êtes à Paris en tant que Haut représentant de l’Union africaine, quelle est la partition que joue l’UA dans ce genre de plateformes interactives ?
PB: L’Union africaine est un grand acteur pour la paix, et en particulier sur le continent africain. Les textes fondateurs de l’Union Africaine sont faits pour aider les pays africains à faire la paix et à résoudre les conflits multiples qu’il y a sur le continent.
L’UA est un grand partenaire de tous ceux qui veulent faire la paix en Afrique et dans le monde, notamment les Nations unies, l’Union européenne, mais aussi les grands pays engagés sur les théâtres d’opérations sur le continent et ailleurs. Je pense que c’est ce qui explique ma présence à ce forum en tant que représentant spécial du Président de la commission de l’Union africaine.
Peut-on savoir les temps forts de votre agenda durant ce forum pour faire entendre la voix de l’Afrique ?
J’ai participé à plusieurs panels où il était question des problèmes de la paix en Afrique. J’ai eu à assister naturellement au panel sur le Sahel qui était animé par trois Chefs d’État de pays sahéliens dont le Président du Mali, du Tchad et du Niger.
J’ai aussi animé un panel mis en œuvre conjointement par des jeunes européens et africains sur un projet particulier. C’est un projet innovant, du fait que cela regroupe des jeunes qui vont le concevoir, l’expérimenter et ensuite le mettre en œuvre. J’y étais surtout pour encourager les jeunes à continuer sur cette lancée. Bref, j’ai été à toutes les rencontres concernant la paix et la sécurité.
On sait que l’UA à une approche nouvelle assez audacieuse et novatrice, quelle est votre analyse et le jugement que vous portez sur les nouvelles crises sécuritaires sur le Sahel ?
D’abord, je pense que l’Union africaine est engagée dans toutes ces crises, elle est en première ligne. Ce qui montre la primauté de solutions africaines. Mais, elle n’agit pas seule. Car, elle travaille étroitement avec des partenaires en particulier les Nations unies.
Par exemple, au Sahel nous avons beaucoup d’acteurs là-bas. Nous avons d’ailleurs bon nombre de stratégies, mais aussi celles de nos partenaires. A ce niveau, l’Union africaine et les Nations unies essayent de jouer un rôle majeur de coordination.
La crise au Sahel, c’est une crise dont on connaît les origines. Mais, elle est entrain de déborder, car ayant déjà touché le Nord du Mali, le Centre, le Burkina Faso et le Niger. Cette crise menace les autres pays de l’Afrique de l’Ouest. Pour faire face à cette crise, il faut joindre les forces. Aucun pays ne peut à lui seul faire face à ce problème. C’est pour cela, que les pays se sont organisés pour former la force conjointe du G5 Sahel avec l’appui fort de l’UA, mais aussi de la force multinationale mixte.
Mais au-delà de ses actes, dernièrement nous avons vu que la CEDEAO a décidé de s’engager auprès de l’Union africaine pour mener le combat. Face à cette crise, seule la coopération de tous nous amènera à vaincre le terrorisme.
Il faut l’engagement des pays de la région en activant un budget humanitaire et sécuritaire. Les pays de la CEDEAO ont fait un geste énorme en s’engageant à contribuer un milliard de dollars pendant 5 ans, ce qui est une excellente initiative. Hier, les Chefs d’État du Sahel se sont plaints, du fait que la communauté internationale ne fait pas assez dans la lutte contre le terrorisme en Afrique. Si vous voyez ce qui a été fait en Irak, en Afghanistan et en Syrie, il reste beaucoup à faire. Sachant que le terrorisme est une menace globale, il faut donc une solution globale.
À mon avis, pour faire face à cette crise du Sahel, il faut que chacun joue sa partition. Les pays, les régions, le continent, mais aussi la communauté internationale au sens large, sont concernés par cette lutte contre le terrorisme. Il faut collaborer en parfaite synergie pour y arriver.
Êtes vous satisfait de la qualité des travaux du forum, peut-on s’attendre à des résultats tangibles ?
Je crois que dans ce genre d’organisation, la première chose qu’il faut saluer, c’est d’avoir pu organiser ce forum et réussi à regrouper autant de monde. C’était une excellente occasion pour libérer les énergies et de discuter des questions de sécurité en Afrique.
J’ai profondément beaucoup apprécié le caractère multisectoriel des débats. Sur ce point précis, le forum a très bien réussi.
Par Ismael Aidara, envoyé spécial à Paris et Jean Noël WOUMO ( Script M.MB de Confidentiel Afrique)