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Sahel : il ne faut pas se tromper d’ennemi

Sans sursaut national et une bonne compréhension de ce conflit et du dessein des mouvements extrémistes, il sera difficile de rétablir la paix. 

Dans la nuit de dimanche à lundi, un village dans le centre du Mali a été encerclé et incendié avec la quasi-totalité de sa population. On dénombre, malheureusement, une centaine de victimes mais ce bilan, provisoire, a été réduit hier soir par le gouvernement malien qui a parlé de 35 morts.

Dans les médias tant internationaux que locaux, les termes « victimes dogons », « assaillants peulhs », «village dogon » ont refait surface, comme ce fut le cas après les massacres d’Ogossagou où il n’était pas rare d’entendre parler de « génocide contre les Peul » ou de « pogrom ».

Loin de nous, l’idée de vouloir nier l’évidence et dire que tout est rose dans le centre du Mali. Cependant, il est important, si l’on veut apporter une réponse juste à cette crise, d’éviter les analyses parcellaires qui sont de nature à jeter de l’huile sur le feu. D’ailleurs, ce sont ces analyses qui vont fini par légitimer et donner corps à ce conflit qui, aujourd’hui, a pris une allure intercommunautaire.

Jihad à visage local

En 2012, après l’invasion des régions du nord du Mali par une horde de mouvements radicaux aux revendications parfois antagonistes, les populations locales, notamment celles des régions de Gao, Tombouctou et Mopti, se désolidarisaient de leur lutte. Les populations ne se reconnaissaient ni dans l’idéologie, ni dans les leaders des mouvements, qui prônaient cette idéologie littéraliste qu’est le jihadisme. La plupart de ces leaders étant venus de l’étranger.

Il fallait donc repenser un modèle qui permettrait aux populations d’adhérer à leur cause. Pour ce faire, le jihad devait alors vêtir un visage local. C’est dans cette optique qu’ils créeront le MUJAO(Mouvement pour l’unicité du jihad en Afrique de l’Ouest). La formulation de l’appellation de ce mouvement présentait les ambitions des groupes extrémistes.

Les leaders de ces mouvements sont choisis localement et ils n’hésitent pas à organiser des prêches dans les langues locales. Très vite, pour marquer leur pouvoir, des attentats sont organisés à Bamako (Mali), à  Ouagadougou (Burkina Faso) et à Grand Bassam (Côte d’ivoire). Dans leur tentative de recrutement en masse, la communauté peule, du fait de sa proximité historique avec l’islam, est particulièrement ciblée.

Après l’intervention franco-africaine, le MUJAO est démembré. À partir de 2015,  la Katiba Macina prend la relève. Elle est dirigée par Hamadoun Kouffa,  prédicateur issu de la communauté peulh.

Des attaques sont lancées dans le centre du Mali et dans le nord du Burkina contre les symboles de l’État, écoles, administrations publiques… Pour ce qui est du Mali, les communautés dogons se sentent visées par ces attaques. Au Burkina, ce sont les Mossi qui se sentent pris pour cible. Ces populations essaient alors de s’organiser en créant des groupes d’auto-défense pour combler le vide sécuritaire laissé par les États.

Sous-traiter la sécurité

Sur fonds d’amalgames et de suspicions, ces groupes d’auto-défense s’en prendront particulièrement aux populations peules dont sont issus les leaders des mouvements tels que la Katiba Macina (pour le Mali) et Ansarul Islam de Ibrahim « Malam » Dicko (pour le Burkina Faso). Surfant alors sur des conflits traditionnels entre éleveurs (généralement peuls) et agriculteurs (généralement dogon et bambara au Mali, Mossi au Burkina), les mouvements extrémistes atteignent leur but en instrumentalisant ces conflits et en créant le chaos dont ils se sont fixés comme mission.

Qu’on ne s’y trompe pas, les crises dans le centre du Mali et dans le nord du Burkina sont d’abord des conflits terroristes avant d’être communautaires ou confessionnelles. Sans sursaut national et une bonne compréhension de ce conflit et du dessein des mouvements extrémistes, il serait difficile de rétablir la paix.

Les compassions occasionnelles et les accusations à tort et à travers ne font pas la paix. Il revient aux populations d’être soudées et de biens identifier leurs ennemis. Mais il revient surtout aux autorités de s’assumer et d’arrêter de sous-traiter la sécurité des populations par le biais de milices.

Source: benbere

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