Droit dans ses rangers de colonel, avec ou sans la reprise de la coopération militaire avec la France. Voici, l’attitude affichée par le président de la Transition. C’était, le week-end dernier, à Koulouba où il nous a accordé un entretien. Interviou imaginaire. Ou presque.
Bonjour, Mr le président.
Bonjour Le Mollah, comment allez-vous ?
Alhamdou Lillahi, président. Pourrions-nous vous poser quelques petites questions ?
Le Mollah, avec vous les questions ne sont jamais petites. Plus elles semblent petites, plus elles sont dangereuses. Mais, allez-y je vous écoute.
La France vient d’annoncer la reprise des opérations militaires conjointes entre Barkhane et les Forces Armées Maliennes. Quel sentiment vous anime-t-il après cette annonce ?
Le Mollah, je vous le dis avec le sérieux de celui qui creuse la tombe de sa belle mère : cette annonce ne me fait ni chaud, ni froid. C’est la France, elle-même, qui a suspendu sa coopération militaire avec le Mali, en croyant qu’on allait lui courir après. Et, c’est elle-même, qui vient d’annoncer son retour. Sans que la supplions à genoux.
Avec ou sans le soutien de la France, nous sommes décidés à vaincre le terrorisme, avec le soutien d’autres partenaires.
Qu’est-ce qui explique, selon vous, ce revirement aussi soudain qu’inattendu de Paris ?
Certes, la France est un partenaire privilégié du Mali. Mais, à côté d’elle, il existe d’autres partenaires, comme la Russie. Comme disent les Français eux-mêmes, si ce n’est pas Jean, c’est Paul.
Vous voulez dire que si ce n’est pas la France, ce sera la Russie ?
De toutes les façons, ce n’est pas moi, qui ait fait appel à la Russie ; mais notre peuple, fatigué du jeu trouble de la France, depuis huit ans dans la crise malienne. S’y ajoutent les dizaines de civils innocents que Barkhane a tué, de sang froid. Alors, la France n’a plus qu’à s’en prendre à elle-même.
L’Elysée croyait que vous allez masquer ses dérives, comme au temps d’IBK où Barkhane faisait tout ce qu’elle voulait. Sans se référer aux autorités maliennes.
En tout cas, moi je ne suis pas IBK. J’ai une autre vision de la coopération militaire.
Est-ce que ce n’est pas par crainte de se voir remplacer par la Russie, que la France s’est précipitée de faire un revirement à 190° ?
Bien sûr qu’il y a un peu de cela. Je dirais même, beaucoup de cela. Il y a aussi le fait le sentiment antifrançais est, tellement, élevé au Mali qu’il risque de se métastaser, comme un cancer, dans les autres pays de la sous région. Lors de son meeting, organisé le 25 juin dernier, le Mouvement « Yéréwolo Débout sur les Remparts » a enregistré la présence de jeunes venus de la sous région, notamment, le Burkina Faso, qui partagent les mêmes idéaux que leurs frères maliens : rompre les ponts avec la France et faire partir son armée de nos pays.
A votre place, IBK aurait tout fait pour empêcher ce meeting de se tenir, avant de faire malmener ses organisateurs par la police…
Moi, je ne le ferai pas. Les jeunes maliens, comme les autres jeunes du monde, ont le droit de manifester. Surtout, quand ils voient tout ce qui arrive à leur pays par la faute d’un vrai-faux ami qui prétend nous aider à sortir de cette crise, dans laquelle il nous a plongés. Intentionnellement.
Et si la France continue de soutenir ce groupuscule de rebelles touareg, décidés à saucissonner le Mali, en créant dans sa partie Nord un fantomatique Etat, qu’ils entendent appeler « Azawad » ?
Toutes les cartes sont, désormais, sur la table. A la France de savoir avec qui coopérer. Avec le Mali ou avec des aventuriers, venus de nulle part.
Où en est-on avec la mise en place de l’organe unique chargé de gérer les élections ?
Certes, le Premier ministre a la volonté de mettre cet organe de gestion des élections en place. Mais la question, c’est de savoir si le temps, qui nous reste, le permet. Si le temps ne nous le permet pas, alors nous devons, désormais, nous consacrer à la bonne organisation des élections à venir.
Mr le président, le retour de la sécurité sous toute l’étendue du territoire national reste la préoccupation majeure de nos populations. Qu’entendez-vous faire, désormais, dans ce domaine, surtout avec la reprise de la coopération militaire avec la France ?
Nous n’avons pas attendu la reprise de la coopération militaire avec la France pour nous acquitter de notre mission régalienne. Chaque jour que Dieu fait, les forces armées maliennes montent en puissance. Chaque jour que Dieu fait, les FAMAS causent des pertes immenses à l’ennemi. En dépit du sentiment d’insécurité, qui anime certains, la peur est en train de changer de camp.
Propos recueillis par Le Mollah Omar
Source : Canard Déchaine