Le jeudi 23 mai 2024, le Comité de règlement des différends, présidé par Alassane Ba, a procédé à l’audition des parties sur le recours de la société SBF SARL, titulaire du marché, sollicitant un règlement à l’amiable dans le cadre de l’exécution le marché n°1716/DGMP-DSP 2021 relatif aux travaux d’aménagement et d’installation de pépinière de la technologie Giant King Grass dans les régions de Taoudéni, Kidal, Tombouctou, Mopti et le district de Bamako.
La société SBF SARL était représentée par Sékou Hampenda Bocoum, président-directeur Général. La direction des finances et du matériel (DFM) du ministère de l’Agriculture était représentée par Mohamed Moulaye Traoré, directeur, et Antoine Gabriel Konaré, chef de division.
L’affaire remonte à 2021
Dans le cadre de la modernisation et de l’intensification des systèmes de productions animales, la direction nationale des productions et des industries animales (DNPIA) a proposé la technologie Giant King Grass comme l’une des alternatives sûres aux difficultés récurrentes d’approvisionnement en aliment bétail de qualité accessible en toute saison et à des prix compétitifs.
Ladite technologie a été expérimentée par l’Institut d’économie rurale (IER) à Bamako et à Nioro du Sahel. Elle peut produire 400 à 500 tonnes d’herbes fraîches à l’hectare, capables de nourrir 70 à 100 têtes bovines. Les boutures de Giant King Grass ont une durée de vie de 20 ans environ et peuvent servir de matières premières pour la production d’aliment bétail, d’électricité et d’engrais organiques.
Au Mali, c’est la société SBF SARL qui détient l’exclusivité de la production, de la transformation et de la distribution de la technologie Giant King Grass.
Le 11 février 2021, la direction des finances et du matériel (DFM) du ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche a sollicité l’installation des pépinières de la technologie Giant King Grass sur une superficie globale de 50 hectares repartie linéairement entre 5 localités à savoir : Mopti, Taoudéni, Tombouctou, Kidal et le district de Bamako.
Pour la réalisation de ce projet, la DFM a conclu, par entente directe, le marché n°1716/DGMP- DSP 2021 avec la société SBF SARL pour un montant de 1 899 741 000 F CFA TTC et un délai d’exécution de 8 mois.
Le marché a été notifié le 29 juin 2021 et la DNPIA qui assure la maîtrise d’œuvre a délivré l’ordre de service le 16 août 2021 pour le démarrage effectif du marché à partir du 25 août 2021. La réception des travaux était prévue pour le 25 avril 2022.
Suivant le rapport du maître d’œuvre en date du 15 mars 2024, le marché est à un taux d’exécution physique de 57,4 % contre un niveau de décaissement de 80,54 %.
A la date du 31 mars 2024, le marché est en retard d’exécution de 706 jours.
Se fondant sur des dispositions du Cahier des clauses administratives particulières, l’autorité contractante envisage le prélèvement de pénalités de retard et la résiliation du marché.Par correspondance en date du 15 avril 2024, la société SBF SARL a introduit une requête aux fins de règlement à l’amiable du différend né de l’exécution du marché n°1716/DGMP-DSP 2021 auprès du Comité de règlement des différends (CRD) de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public (ARMDS).
Par lettre n°127/2024/ARMDS du 16 avril 2024, l’ARMDS a invité la DFM du ministère de l’Agriculture à lui faire parvenir ses observations sur le recours introduit par la société SBF SARL.
Par lettre n°0000558/MA-DFM du 26 avril 2024, reçu le même jour, la DFM a fourni à l’ARMDS ses observations sur ledit recours en y joignant une copie du marché et des copies de différentes pièces du dossier.
Les prétentions de la société SBF SARL
Avant d’aborder les arguments de la requérante, il convient de noter que le recours en règlement à l’amiable a été déclaré recevable parce que toutes les formalités requises ont été respectées.
Au soutien de son recours, la société SBF SARL affirme : Qu’elle a exécuté le marché à hauteur de 75 % et qu’elle rencontre des difficultés énormes pour boucler le reliquat dudit marché. Que nonobstant le retour de l’Armée malienne à Kidal en décembre 2023, il n’en demeure pas moins vrai que dans les régions de Kidal, Taoudéni, Tombouctou et Mopti, les voies d’accès aux sites prévus pour l’installation des pépinières correspondant au 25 % de part de marché inexécutés sont inaccessibles pour cause de banditisme résiduel et de refus des travailleurs de se rendre sur les lieux.
Que l’impossibilité du libre accès des voies d’accès aux sites d’implantation constitue aux termes de l’article 19.3 CCAP-DAO un cas de force majeure exonératoire de responsabilité et cause de la suspension des délais.
Que l’impossibilité d’accès s’explique par les menaces et rumeurs d’attentats contre les personnes et les risques de destruction des matériels et engins de transport. La société éprouve d’énormes difficultés pour convaincre et mobiliser le personnel vers les sites non encore exécutés. ;
Que compte tenu de ce qui précède, elle entend bénéficier des dispositions de l’article 20.2.4 du CCAP du DAO qui prévoient une prolongation exceptionnelle des délais avant résiliation pour une durée incompressible de 6 mois.
Qu’elle estime que cette prolongation légale s’impose en raison du fait qu’elle détient les droits exclusifs de représentation et d’implantation de la technologie Giant King Grass dans les 7pays de l’espace Uémoa.
Qu’à ce titre, la mesure extrême de la résiliation du marché entrainerait d’autres difficultés d’ordre juridique sur l’implantation de la technologie prévue.
Qu’à cet égard, elle sollicite du CRD de bien vouloir intervenir afin de parvenir à une résolution favorable en s’appuyant notamment sur les voies de droit.
La réplique de l’autorité contractante
En réaction aux prétentions de la société SBF SARL, la DFM du ministère de l’Agriculture rappelle : Que sur rapport du maître d’œuvre en date du 15 mars 2024, le marché est à un taux d’exécution physique de 57,4 % contre un niveau de décaissement de 80,54 %.
Qu’à la date du 31 mars 2024, le marché est en retard d’exécution de 706 jours.
Que conformément à l’article 21.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché, le montant de la pénalité journalière est 1/2500° du montant du marché, soit 759 896 F CFA.Que de plus, l’article 20.2.4 du CCAP du marché précise que le seuil de prolongation de délai ouvrant droit à résiliation du marché est de 6 mois.
Que l’article 21.6 du CCAP du marché précise que le marché doit être résilié lorsque le montant total des pénalités aura atteint 10 % du montant du marché, soit 189 974 100 F CFA. Qu’en conséquence, la procédure de résiliation du contrat en question a été enclenchée et la DGMP-DSP a émis un avis favorable. Il est maintenant nécessaire d’obtenir l’avis juridique de cette entité concernant le projet de décision de résiliation, en vue de sa soumission à l’approbation du ministre de l’Agriculture. Voilà des arguments très solides de part et d’autre avec des faits et actes de droit qui devraient donner du fil à retordre au CRD. Mais, il n’en fit rien. Car le verdict rendu par cette instance est aussi simple et limpide : “une procédure de règlement à l’amiable ne peut aboutir en raison de l’absence de lien contractuel entre les parties”.
El Hadj A.B.HAIDARA
Source : Aujourd’hui-Mali