En République démocratique du Congo, l’opposant Félix Tshisekedi a été proclamé vainqueur de la présidentielle du 30 décembre.
Mais à peine publiés par la CENI, ces résultats sont mis en doute par la puissante église catholique, le camp Fayulu, la France et la Belgique.
L’Église catholique congolaise a remis en cause les résultats officiels de l’élection présidentielle, jugée chaotique par le ministre belge des affaires étrangères Didier Reynders.
Le candidat de l’opposition, Felix Tshisekedi, a été désigné vainqueur jeudi mais l’Église catholique congolaise, qui a déployé 40.000 observateurs électoraux, affirme que le résultat ne correspond pas à ses données.
Deuxième au terme du scrutin, le candidat de l’opposition Martin Fayulu, a déclaré à la BBC qu’il allait contester en justice ce résultat.
“Ces résultats n’ont rien à voir avec la vérité des bulletins de vote. Il s’agit clairement d’une escroquerie électorale inacceptable, qui vise à créer un chaos général dans tout le pays” a-t-il indiqué.
Martin Fayulu a accusé M. Tshisekedi d’avoir conclu un accord de partage du pouvoir avec le parti au pouvoir. L’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social) nie tout accord avec le pouvoir.
Jeudi au moins deux personnes ont été tuées dans la ville de Kikwit, dans l’ouest du pays. Deux policiers ont également été tués et 10 personnes blessées, selon l’Agence France Presse (AFP). Cependant, la plupart des régions du pays semblent calmes.
Pourquoi le résultat est-il controversé ?
Si les résultats de la CENI venaient à être validés, Félix Tshisekedi sera le premier challenger de l’opposition à gagner une élection depuis l’indépendance de la RD Congo en 1960.
“Personne n’aurait pu imaginer un tel scénario où un candidat de l’opposition sortirait vainqueur” a indiqué Félix Tshisekedi.
L’actuel président, Joseph Kabila, se retire donc du pouvoir après 18 ans. Les analystes étaient loin de s’imaginer qu’il ne se présenterait pas à la présidentielle et qu’il serait capable d’organiser les élections après plusieurs reports.
C’est un motif supplémentaire de suspicion et de doute pour les partisans de M. Fayulu qui tire la conclusion d’un possible accord de partage du pouvoir avec M. Kabila.
Le porte-parole de Félix Tshisekedi, Louis d’Or Ngalamulume, a déclaré qu’il n’y avait “jamais eu d’accord”.
Entre-temps, l’Église catholique affirme que le résultat donné par la commission électorale ne correspond pas à son propre décompte.
Les gouvernements français et belge ont également exprimé des doutes quant à ce résultat.
Pourtant, ni l’Église, ni la France et la Belgique n’ont avancé le nom de la personne qui aurait “logiquement” gagné les élections.
Cependant, trois diplomates s’adressant sous anonymat à Reuters ont déclaré que les décomptes de l’église avaient donné Martin Fayulu vainqueur.
Selon la Commission électorale nationale (CENI), M. Tshisekedi a obtenu 38,5% des voix lors des élections du 30 décembre. Avec un taux de participation estimé à 48 %, les candidats ont obtenu :
- Felix Tshisekedi – 7 millions de votes
- Martin Fayulu – 6,4 millions de votes
- Emmanuel Shadary – 4,4 millions de votes
Pourquoi l’Église est-elle si influente ?
Environ 40% de la population de la RDC est catholique romaine et l’église dispose d’un vaste réseau d’écoles et d’hôpitaux.
Elle est perçue par beaucoup de Congolais comme une voix morale dans un pays où la politique a si souvent été ternie par la corruption, rapporte Fergal Keane, rédacteur en chef de la BBC pour l’Afrique.
L’Eglise doute peut-être publiquement des résultats, mais elle se méfiera de toute manifestation publique, parce qu’elle sait, d’après l’expérience des mesures de répression passées, que conduire les gens dans la rue peut avoir des conséquences tragiques, ajoute notre le journaliste de la BBC.
Les forces de sécurité ont utilisé des balles réelles ainsi que des gaz lacrymogènes et des coups lors de précédentes manifestations.
Le contexte socio-politique de la RDC
La RDC est un pays vaste, de la taille de l’Europe occidentale avec un passé assez trouble et marqué par la violence. Le président Kabila avait promis de réussir le premier transfert pacifique du pouvoir depuis l’indépendance du pays vis-à-vis du colonisateur belge en 1960.
Joseph Kabila a succédé à son père, Laurent Kabila assassiné en 2001. Élu en 2006, il a obtenu un nouveau mandat lors de l’élection controversée de 2011 en RDC.
Il a été empêché de se présenter pour un autre mandat en vertu de la Constitution et devait démissionner il y a deux ans, mais l’élection a été reportée après que la commission électorale a déclaré qu’il lui fallait plus de temps pour enrôler les électeurs.
BBC Afrique