Dans la société malienne, on a l’habitude d’entendre dire que l’homme a deux ennemis : la maladie et la vieillesse. Ces deux moments cruciaux dans la vie d’un individu ont le don de mettre en évidence son savoir et son pouvoir. L’écrivain guinéen Camara Laye (après des années d’études en France), dans son roman “Dramouss”, souligne qu’il a fondu en larmes en constatant que son père a vieilli. Il n’était plus ce vaillant forgeron dont la dextérité faisait autorité dans toute la Haute-Guinée. Nous avons eu le même sentiment samedi dernier après avoir été reçu par un joueur qui a fait les beaux jours du Stade malien et de l’équipe nationale du Mali. Nous nous sommes retrouvés en effet en face de Mamadou Diakité dit Lélélé, sur lequel l’âge et les difficultés financières ont pris le dessus. Nos larmes pouvaient créer un autre état d’âme chez lui, mais sa situation nous a vraiment bouleversés. On est loin du temps de la splendeur de l’ailier qui débordait à droite avant de servir Moussa Kanfedeny ou Issa Bagayoko dit Issaba sur un plateau d’argent. Aujourd’hui, il se débat comme un beau diable, mais désargenté. Ainsi va la vie ! Vous l’avez compris, l’ancien international du Stade malien de Bamako, du FC Laval, du Pont l’Abbé est notre héros de la semaine dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
n 1980 dans l’un de ses numéros, le journal sportif “Podium” illustrait sa une par l’image de l’arbitre Modibo Ndiaye et l’attaquant stadiste Issa Bagayoko dit Issaba. L’homme en noir ne semblait pas être d’accord avec le joueur qui, apparemment, insistait. En réalité, c’est notre héros du jour qui se trouvait au centre de ce problème. Comment ?
Lors d’un match de la Coupe de la municipalité entre le Stade et l’AS Réal, le défenseur Boubacar Sidibé dit Jardin a fracturé le bras de Lélélé, qui l’avait driblé de façon extraordinaire. Donc Issa Bagayoko persuadé que le défenseur réaliste a délibérément blessé son compère, a profité du prochain match de championnat pour régler ses comptes. Raison pour laquelle il a porté des chaussures avec des dents de fer pointues. Voilà pourquoi l’arbitre central Modibo Ndiaye s’est opposé et “Podium” a flashé pour immortaliser l’image.
Mamadou Diakité dit Lélélé n’avait d’égal que lui-même. Un ailier vif, véloce, insaisissable, rapide. A le comparer à quelqu’un, on ramènerait sa taille à un Bassala Touré ou à un Yacouba Traoré dit Yaba ou sa rapidité, sa technique déterminait ce talent inégalé. Il avait le don de sonner la révolte pour renverser la situation à la faveur de son équipe. Sa taille était pour lui un atout pour forcer les mouvements de diversion.
Élément déterminant du dispositif offensif stadiste, il incarnait la force de frappe du club. Les résultats et les performances des Blancs dépendaient de sa forme. Joueur à forte personnalité, très confiant, Lélélé n’hésitait pas à provoquer les défenseurs les plus costauds. Très à l’aise balle au pied et un tantinet belliqueux, il avait l’art d’humilier l’adversaire par le drible rapide.
En un mot Mamadou Diakité était un joueur sur lequel nous retenons une conclusion : c’est-à-dire que le football n’a pas nourri cet homme, malgré ses qualités multidimensionnelles. Et c’est regrettable ! Mieux, s’il avait eu la chance d’apparaitre à un moment où le football business avait commencé à faire ses bénéfices, il serait aujourd’hui le plus valorisé, le plus rentable pour le football malien. Bref, un joueur spécial. Hélas !
Né avec le don du football, et animateur attitré du terrain “Calcio” de Quinzambougou, sociétaire de l’Asec Mimosa de Bagadadji, Lélélé est vite récupéré avec ses camarades par Mody Sylla (un dirigeant du Stade malien de Bamako) pour constituer la crème du centre de formation du Stade. Notre confrère Djibril Traoré de l’ORTM qui a découvert le jeunot au Badialan I (Lélélé y venait évoluer comme mercenaire) ajoutera sa dose de commentaire sur les qualités du génie en herbe.
Mieux il insistera tellement que les dirigeants des Blancs allaient faire le maximum d’effort pour ne pas le perdre. Lélélé a donc atterri au centre de formation des Blancs de Bamako, quand l’encadrement technique des seniors était en train de gérer les conséquences immédiates de la saignée du club, suite au départ en France de certains cadres.
La suspension de la relève en début de la saison 1976-1977 par la ligue de Bamako n’était pas pour faciliter la tâche de l’encadrement technique. Moussa Kanfedeny qui a échappé à la sentence, devrait servir de mentor aux jeunes d’une équipe en construction. L’entraîneur n’avait pas le choix et tout était le bienvenu. C’est dans ces circonstances que Mamadou Diakité dit Lélélé, Madou Muller, Youssouf Fofana sont transférés en équipe première pour combler un vide.
Mamadou Kéita dit Capi qui a pris les rênes du club, a failli se passer des services de Lélélé parce que son âge et son gabarit ne rassuraient pas. Il a fallu l’intervention d’un autre joueur, Ousmane Guindo, pour que le technicien le maintienne dans l’effectif.
A la faveur d’un match amical contre l’Alliance de Bouaké à Abidjan, le pessimisme de Capi s’est transformé en lueur d’espoir : Lélélé, qui a presque fait le forcing pour entrer, a séduit le technicien. Après cette rencontre amicale, Capi est retourné à Abidjan pour entraîner Gonfreville AC. Il n’a pas exclu la possibilité de faire venir le joueur à ses côtés. En attendant, il conseilla aux responsables du club de prendre soin de lui parce que ses débuts présageaient un bel avenir.
Lélélé a confirmé avec la manière les prédications de Capi, en s’illustrant comme l’animateur principale de l’attaque des Blancs de Bamako, jusqu’en 1984. Date à laquelle il a été contraint à l’exil après une pige à l’AS Réal. Déjà sa fracture au bras en 1980 lui a fait perdre banalement une saison. Le problème est que le retour de Capi au Stade malien de Bamako en 1979 créa un paradoxe. Techniquement Lélélé ne rentrait plus dans son dispositif. Conséquence : il l’a écarté et le privera même de licence Caf. Traumatisé par cette attitude surprenante de Capi, notre héros du jour fera un tour au Réal, sous la forme d’un prêt. Il n’a pas eu le temps de s’y affirmer. Les dirigeants stadistes se sont rebiffés, par rapport au statut du joueur. Lélélé réintégrera la famille, mais pour être le bouc émissaire tout trouvé de l’entraîneur Mamadou Kéita dit Capi.
Entre-temps le technicien a été limogé en 1983 après l’élimination du Stade malien, en 8es de finale de la Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupes face au Jil Hendessa d’Algérie. Mamadou Diakité souffrait toujours de sa mise à l’écart. Il ne comprenait pas qu’après avoir été sélectionné en équipe nationale en 1978, lorsqu’il avait 19 ans, il soit considéré comme un malpropre dans son club. L’année suivante il s’embarquera pour l’Allemagne, avec comme point de chute le FC Hambourg.
Seulement que les règlements n’ont pas permis au club de régulariser la situation de Lélélé. Après ce coup dur quelle a été la suite de la carrière du joueur ? L’intéressé répond : “Quand les choses n’ont pas marché en Allemagne, j’ai décidé de retourner en France. Par le plus pur des hasards, j’ai rencontré un joueur qui a pris part au jubilé de feu Bakoroba Touré. Il m’a reconnu et nous avons sympathisé. Il m’a mis en contact avec Marcel Karriou, le président du club Pont l’Abbé. Celui-ci négociera pour moi un contrat à Nantes, mais il fallait ma lettre de sortie pour finaliser les pourparlers. Nous avons téléphoné à Bamako pour demander le document. Malheureusement, le sésame ne sera pas envoyé. Les Blancs n’ont pas beaucoup de temps pour ces genres de situation. J’ai été obligé d’évoluer dans les divisions inférieures (Pont l’Abbé, Romorentin l’Anthenay, Brunoy-Essonne) pour gagner ma vie. Cela valait mieux que de retourner au Mali. Je suis resté dans cette situation jusqu’en 1987. La même année un Français du nom de Jean Vincent créa ‘Africa Star’. Cette initiative avait pour but de donner l’opportunité aux joueurs en difficulté de rebondir, pour décrocher de nouveaux contrats. En même temps j’ai passé des diplômes d’entraîneur”.
Après ces pérégrinations à l’intérieur de la France, Mamadou Diakité dit Lélélé se résignera à regagner le bercail en 1994 et entamera une carrière d’entraîneur :
– 1996 : Encadreur de l’Association sportive de Bamako ;
– 1999-2000 : Entraîneur du centre de formation des Onze Créateurs de Niaréla.
En 2002, il a créé un centre dénommé “Centre de formation Mamadou Diakité dit Lélélé”. Depuis lors, il s’occupe de ses jeunes, mais force est de reconnaître que l’homme traverse des moments difficiles. A la question de savoir ce qu’il attend des autorités ou de la Fédération ? Lélélé dit qu’il n’a connu que le football, donc si on devait l’aider, ce serait dans ce cadre. Autrement dit, il ne demande qu’à être recruté dans l’encadrement technique de l’une des équipes nationales.
Comme bons souvenirs il se rappelle du match amical qui a opposé le Stade malien au Hafia FC de Conakry en 1978, de la fin de la suprématie du Djoliba sur le Stade dont il a été l’un des acteurs, sa première sélection en équipe nationale en 1978.
Ses mauvais souvenirs : la finale de la Coupe du Mali perdue face au Djoliba en 1979, la fracture de son bras en 1980.
Mamadou Diakité dit Lélélé est âgé de 61 ans. Il est marié père d’une fille. Actuellement, il ne s’occupe que de son centre de formation.
O. Roger
Tél (00223) 63 88 24 23
Source: Aujourd’hui-Mali