Idrissa Traoré dit Shobair était un jeune gardien du Djoliba AC, qui avait de l’avenir tout tracé. Parce qu’en plus de ses qualités il était fier de son poste. Ce qui est paradoxal le football ne lui a rien rapporté de conséquent. Sa plus grosse prime de match n’a pas dépassé 150 000 F CFA, du temps de l´entraîneur feu Mamadou Keïta dit Capi. Pourquoi il le pratiquait alors ? Le plaisir de se rendre utile à son club de cœur, le Djoliba. Fils de menuisier, il a appris ce métier depuis l’enfance pour assurer son indépendance durant sa carrière et sa retraite footballistique. Sa famille paternelle en face du terrain d’entraînement de l’AS Firhoun de la Commune III, est une très grande cour, avec des appartements et des ateliers. Aujourd’hui Idrissa Traoré reconnaît que les temps sont durs, malgré tout il ne se plaint pas de la rareté des clients pour jouer pleinement son rôle de chef de famille. A notre arrivée, il rabotait une planchette dans l’atelier. Après les formules d’accueil l’ancien gardien de but arrange ses matériels et nous conduit dans son salon pour une grande interview. Comment et pourquoi il opta pour la garde des buts ? Quelles étaient ses qualités ? Quelle douche froide a entravé sa carrière ? Ses bons et mauvais souvenirs ? La tribune pour déballer tout cela s’appelle la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
Idrissa Traoré est naturellement calme, très mou dans ses buts. On l’accusait d’ailleurs pour ce défaut. Mais lui-même soutient que cela est était sa principale qualité, pour apprécier la trajectoire du ballon. Il est incontestable que le jeune portier avait trois atouts : la précision dans ses prises de balle, les détentes aériennes et le placement. Ce qui fait penser à un certain Sory Kourouma dans les années 1970-1980.
Son surnom “Shobair” en référence à l’emblématique portier Egyptien est-il lié à ses qualités ? “Oh non c’est l’ancien joueur du Nianan de Koulikoro Sory Cissé (paix à son âme) qui m’a donné ce surnom. En 1997 le Mali a livré deux matches amicaux contre l’Egypte au Caire.
Puisque les Aigles ont gagné par un but à zéro, et tout le monde a conclu que j’ai été l’homme du match face à un grand gardien comme Ahmed Abdelaziz Shobair. Et jusqu’à notre retour Sory n’a cessé de m’appeler Shobair. Finalement le surnom m’est resté collé même après ma carrière footballistique”.
Sélectionné en équipe nationale très tôt par le coach Molobaly Sissoko (1992), Idrissa Traoré est directement rappelé par l’entraîneur feu Mamadou Kéïta dit Capi. Le technicien avec ses expériences d’ancien gardien de but, a su apprécier les qualités du jeunot, pour comprendre qu’il est un espoir sûr du football malien. Raison pour laquelle Capi l’a toujours gardé sur la liste durant son passage en équipe nationale (1993-1997). L’on a prédit un divorce entre les deux hommes, quand le jeune portier n’a pas été retenu pour Tunis 1994.
Or il a participé à toutes les phases de la préparation. Mais Idrissa dit qu’il s’est résigné, concluant que ce n’était pas la fin du monde. A son âge à l’époque il avait l’avenir devant lui. Malheureusement deux circonstances malheureuses entravent sa carrière : Capi après deux tentatives pour qualifier les Aigles à la Can est débarqué, Idrissa Traoré est victime d’une blessure au genou. Un mal qui compromet son bel avenir. Comment ? Nous en parlerons plus bas.
Au cours de l’entretien avec l’ancien gardien des Aigles, son sens élevé du social vis-à-vis de ses parents, et surtout à l’égard de son aîné Ousmane Farota, nous séduit. Il lui rend un vibrant hommage pour son soutien et sa protection. Malgré le fait qu’il soit son dauphin, sinon le potentiel concurrent de Farota, celui-ci l’a toujours assisté à l’internat. En plus des conseils, il lui payait régulièrement des équipements sportifs. Aujourd’hui, il voue toute sa gratitude, et sa reconnaissance à Ousmane Farota. Comme si Shobair soulageait sa conscience par ces déclarations. Puisque l’interview a été réalisée le lundi 13 Mars 2023. Et malheureusement l’homme dont il magnifiait est décédé 12 jours après. Dommage ! Ainsi va la vie.
Idrissa Traoré n’avait pas de difficultés pour dégager les passes en retrait. Il était très bon du pied. Comment il a pu être gardien au lieu d’un joueur de champ ? “Dans l´adolescence, je jouais avec le ballon de tennis dans notre grande cour avec moins de bâtiment. Je profitais des rebonds pour effectuer un plongeon en fonction de la trajectoire du ballon. Ces gestes me sont montés par la tête, jusqu’à créer l´envie de garder les buts. Quand j´ai intégré l´équipe du quartier, le FC Ajax, je suis directement devenu le portier, et dans le temps j’ai forgé des qualités”.
Puisque le domicile paternel n’est qu’à quelques mètres du terrain d’entraînement de l’AS Firhoun de la Commune III, Idrissa Traoré en profite allègrement. Il se présente à l´entraîneur de l´équipe, qui l’affecte au centre de formation parce qu’il était très jeune. Il y reste pendant deux saisons (1985-1987). L’adjoint de feu Aly Koïta dit Faye, feu Mahamane Touré dit Zappa fait le tri dans le FC Ajax. Son choix porte sur Idrissa Traoré, Drissa Fomba, Souleymane Diakité, Sékou Diabaté, Tidiane Sam, pour renforcer les juniors du Djoliba.
Dans la famille Rouge il arpente les escaliers pour se retrouver dans l’équipe senior lors de la saison 1992-1993 comme remplaçant attitré du portier Karamoko Diané. Au décès de ce dernier, il alterne la garde des buts avec Samba Diarra, entre temps venu de l’AS Commune II. C’est exactement en cette période que le jeune Idrissa Traoré, par ses qualités a séduit le coach feu Capi.
Il l’a retenu en équipe nationale jusqu’à son limogeage en juillet 1997. A la fin de la saison 1996-1997 Idrissa Traoré est blessé au genou dans un match de championnat contre l’AS Réal de Bamako.
Des hauts et des bas
Le diagnostic détermine une intervention chirurgicale à haut risque. Le Pr. Abdou Touré sollicite les compétences d’un collègue, qui donne son accord. Mais pas au Mali, parce que les matériels manquent. Pas de solution immédiate pour le mal de l’ancien gardien des Aigles. Il le traine pendant deux ans. En 1999, suite à un accord entre le Djoliba et le club allemand de Fribourg, Idrissa Traoré subit une intervention, qui le rétablit au bout de dix mois. Car le mal s’était aggravé.
Voilà comment il signa son retour au Djoliba pour s’abonner au banc de touche afin de parer aux comportements inattendus du portier Hamed Diallo. Nul n’est sans savoir que les supporters des grands clubs, ont l’art de culpabiliser des joueurs pour expliquer des défaites.
Hamed porte le chapeau de quelques faux pas des Rouges. L’entraîneur Heinz Heiniger titularise Idrissa Traoré pour le reste de la saison. Entre-temps, les Djolibistes optent pour un plan B : le transfert du gardien de but Abdoulaye Diakité du CSK. L’arrivée de l’un des grands portiers du Mali ne rassure le Shobair malien.
Surtout que certains supporters, selon lui, ont tenu des propos désobligeants à son égard. Il manifeste son état d’âme par le boycott des entraînements, le refus de signer la licence. Dans son silence, il analyse que le mieux serait de se faire un bon moral dans un club moyen pour exploser.
Il transfère à l’Association sportive de Bamako (ASB). Cela lui réussit pour avoir joué deux finales de Coupe du Mali (édition de 2005 que l’ASB a remportée, 2006 ratée face au Stade malien de Bamako), occupé respectivement les 3e et 4e place du championnat national en 2005 et 2006, disputé trois matches de coupes d’Afrique inter clubs.
A partir de la saison 2007-2008, Idrissa Traoré se retire peu à peu, pour occuper les fonctions d’entraîneur adjoint et celui des gardiens. A un moment donné, il tourna la page du football pour s’occuper de son atelier de menuiserie. Parce qu’il ne gagnait pas, mais dépensait plutôt pour assister aux entrainements du club. Cela ne pouvait continuer, soutient-il.
Sa carrière du Djoliba à l’ASB a enregistré des bons souvenirs : le doublé qu’il a réalisé avec le Djoliba en 1996, son transfert à l’ASB, la Coupe du Mali remportée par les Bamakois après avoir défait le COB, le Stade malien et le Djoliba AC. Cependant il retient un seul mauvais souvenir consécutif aux éliminatoires de la Can de 1998. Ce jour contre l’Angola il s’attendait à être titularisé, car Ousmane Farota était indisponible. Mais l’entraineur a préféré placer sa confiance en Karamoko Kéïta. Pour la première fois une décision de technicien lui a fait mal.
L’ancien international est marié et père d’un enfant. Dans la vie Idrissa Traoré aime l’islam, la famille et la réussite. Il déteste le mensonge, les excitants nuisibles.
O Roger Tél : (00223) 63 88 24 23
Source: Aujourd’hui-Mali