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Quatre présidents africains au chevet du Mali en crise

Plusieurs chefs d’État ouest-africains se rendent jeudi à Bamako pour trouver une issue à la grave crise sociopolitique qui oppose le président Ibrahim Boubacar Keïta et ses opposants. Ces derniers réclament son départ immédiat.

 

C’est un quatuor de chefs d’État ouest-africains qui se prépare à fouler jeudi 23 juillet le sol malien. Objectif : tenter de trouver une issue à la crise sociopolitique que traverse le Mali, après plusieurs semaines de contestation du pouvoir du président Ibrahim Boubacar Keïta. L’information a été donnée plus tôt ce lundi par le magazine Jeune Afrique, avant d’être confirmée par un responsable de la présidence malienne qui s’est confié à l’Agence France-Presse sous le couvert de l’anonymat. Parmi les présidents qui devraient faire le déplacement figurent Mahamadou Issoufou du Niger, Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, Macky Sall du Sénégal et Nana Akufo-Addo du Ghana. Reste une inconnue : la durée de la mission n’a pas été précisée.

Un répit pour la Tabaski

Que s’est-il passé depuis ce week-end et la fin de la mission de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ? Lundi, alors que quelques barricades érigées dans les faubourgs de Bamako par des opposants au président Keïta, alias « IBK », ont été rapidement démantelées par les forces de l’ordre, les pourparlers diplomatiques se sont poursuivis en coulisse.

L’imam Mahmoud Dicko, autorité religieuse muée en garant politique et spirituel de la contestation, a reçu en fin d’après-midi les ambassadeurs au Mali de la France, des États-Unis et de l’Union européenne, informe l’AFP de sources diplomatiques. Âgé de 66 ans, cet ancien allié du chef de l’État a déclaré aux diplomates que les portes du dialogue n’étaient pas fermées mais que la gouvernance au Mali devait radicalement changer, selon des participants à la rencontre interrogés par l’Agence de presse française.

Mais, à moins de deux semaines de la fête de la Tabaski, désormais dans tous les esprits, et en attendant la venue des chefs d’État africains, les opposants veulent faire un geste et montrer qu’ils se préoccupent des problèmes des populations. Le comité stratégique du mouvement du 5 Juin a « décidé d’observer une trêve au sujet de la désobéissance civile. C’est pour permettre aux Maliens de bien préparer et de célébrer la Tabaski », nom donné en Afrique de l’Ouest à la fête du Sacrifice, qui sera observée à la fin du mois de juillet, a déclaré à l’AFP Nouhoun Sarr, l’un des dirigeants du mouvement de contestation. « Pendant cette période, il n’y aura plus de manifestations. Et, comme vous le savez aussi, nous nous apprêtons à recevoir les chefs d’État », a-t-il ajouté.

Issa Kaou Djim, le coordinateur de la plateforme (CMAS) de soutien à l’imam Mahmoud Dicko, s’est « félicité » auprès de l’AFP de l’annonce de la trêve, la qualifiant de « décision très responsable et sage ». Ce signe d’apaisement ne signifie toutefois pas un adoucissement des revendications du mouvement du 5 Juin. Dans un communiqué signé lundi soir par Choguel Maïga, l’un de ses principaux dirigeants, le M5-RFP réitère sa principale exigence : la « démission » du président Ibrahim Boubacar Keïta et de son régime.

Relancer le dialogue

La venue à Bamako en fin de semaine des quatre chefs d’État marque la montée en puissance de la médiation menée depuis des semaines par la Cedeao, dont la présidence tournante est actuellement assurée par le président nigérien Mahamadou Issoufou.

Jusqu’ici, les efforts diplomatiques de l’organisation ouest-africaine n’ont pas permis d’apaiser une situation qui inquiète les partenaires du Mali, confronté depuis des années à des violences multiformes, notamment djihadistes et intercommunautaires, malgré la présence de forces françaises, africaines et de l’ONU.

Les pourparlers menés de mercredi à dimanche à Bamako par une délégation de diplomates et d’experts, conduite par l’ex-président nigérian Goodluck Jonathan, n’ont pas permis d’aboutir à une solution de consensus.

La mission a recommandé la mise sur pied « de toute urgence » d’un gouvernement d’union nationale, comme l’a déjà suggéré le président Keïta, et la nomination d’une nouvelle Cour constitutionnelle chargée d’examiner en priorité le litige électoral autour des résultats des législatives de mars-avril, considéré comme l’élément déclencheur de la crise actuelle.

Mais ces recommandations se sont heurtées, avant même leur publication officielle, au refus des dirigeants du M5-RFP, alliance formée de chefs religieux et de personnalités du monde politique et de la société civile à l’origine des manifestations contre le pouvoir, qui réclame en priorité le départ du président Keïta.

Or les envoyés de la Cedeao, s’ils prônent un partage des responsabilités gouvernementales entre la majorité présidentielle, l’opposition et la société civile, ont souligné dans leur communiqué qu’ « aucune forme de changement non constitutionnel d’accession au pouvoir ne sera acceptée par la Cedeao ».

La médiation a produit « des résolutions importantes », avait estimé dimanche Jean-Claude Kassi Brou, président de la commission de la Cedeao. « Malheureusement, nos frères du (…) M5 n’ont pas accepté ce plan, mais le dialogue n’est pas rompu. Nous allons continuer à travailler », avait-il confié à l’AFP.

Au pouvoir depuis 2013, le président Ibrahim Boubacar Keïta est massivement contesté dans la rue depuis juin. Au climat d’exaspération nourrie depuis des années par l’instabilité sécuritaire dans le centre et le nord du pays, le marasme économique, la précarité des populations ou une corruption jugée endémique sont venus s’ajouter la crise sanitaire du coronavirus et ses effets sur les plus pauvres et l’invalidation par la Cour constitutionnelle d’une trentaine de résultats des législatives. Le 10 juillet, la troisième grande manifestation contre le pouvoir à l’appel du M5-RFP a dégénéré en trois jours de troubles meurtriers à Bamako, les pires dans la capitale depuis 2012, qui ont fait au moins 11 morts.

Le Point Afrique

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