Au Mali, l’État perd de son autorité face à la « puissance » de groupements corporatistes, parfois civiles ou encore religieux. Une cause devient tout simplement juste dès lors qu’une corporation la porte et cherche à la soumettre aux autorités. Il faut calmer les ardeurs et penser État au Mali.
L’État est né de la volonté des sociétés humaines de s’organiser et de se rassembler au sein d’une même entité. Chacun des membres de la société décide de renoncer à une part de sa liberté et de son pouvoir en les confiant à une entité qui gagne en puissance et qui devra les protéger et assurer leur bien-être commun.
Dans un État, on ne doit non pas renoncer à s’organiser en groupes pour assurer la défense de certains intérêts communs. Mais ces groupes, constitués, ne doivent en aucune manière se sentir si puissants au point de vouloir renverser l’autorité de la « puissance-mère ». Les citoyens d’un État doivent veiller à ce qu’elle ne croupisse pas sous le poids de leurs caprices revendicatifs.
« Penser État »
La fragilité actuelle de notre pays nécessite d’inviter les Maliens à penser État dans leurs faits et gestes. L’État s’affaisse au Mali par la présence de regroupements corporatifs qui souhaitent faire prévaloir leur autorité. Les institutions semblent de plus en plus impuissantes. Chaque fois qu’elles engagent une décision, elles finissent par reculer face à la puissance de groupes de citoyens.
Si nous sommes d’accord que nous vivons dans une République, on doit être unanime sur le fait que l’État est le seul à pouvoir détenir le monopole de la puissance. Il permet l’existence de groupements de citoyens s’organisant par sentiment d’appartenance ou animés de la volonté de défendre des intérêts communs. Mais tous doivent se soumettre aux normes fixées dans cet État.
Cependant au Mali, les corporations ont tendance à renverser l’autorité de l’État. Des groupements de syndicats aux organisations de la société civile, en passant par des groupements religieux, chacun se croit intouchable. Des syndicats mécontents décident de prendre en otage tout le pays pour la satisfaction de leurs exigences, parce que l’État n’arrive pas à s’assumer. Et pour sauver leur face, les autorités promettent dans la foulée de satisfaire aux doléances soumises pour, ensuite, se rendre compte plus tard qu’elles sont inapplicables dans la pratique. Et le cycle de contestation recommence ! C’est le cas de l’article 39, qui continue de diviser.
Effritement de l’autorité
De même, dans notre pays, la justice, l’un des piliers importants d’un État, n’arrive pas à faire correctement son travail dès lors qu’elle met en cause un « super-citoyen ». L’organisation ou le regroupement du citoyen mis en cause s’engage dans un combat farouche contre la machine étatique pour, finalement, la faire reculer. Le cas le plus récent date du 16 août dernier, avec l’interpellation de deux membres du Haut conseil islamique du Mali (l’Imam Ibrahim Diaby et le 3e vice-président de l’organisation Muhammad Traoré) par le procureur de la commune IV du district de Bamako. Une convocation qui avait suscité l’indignation de centaine de membres du Haut conseil islamique et de fidèles musulmans qui se sont regroupés devant le camp I de la gendarmerie, à Bamako.
Tout cela fait que le citoyen malien en général ne respecte plus l’autorité de l’État. Cette autorité s’effrite face à des citoyens qui s’insurgent à tort ou à raison pour telle ou telle cause.
Dans les territoires où il est encore présent, notre État a déjà du mal à s’imposer et à se faire respecter. Il lui est, dès lors, extrêmement difficile d’asseoir son autorité dans des zones où des Maliens sont véritablement en rupture de ban. Il se fragilise davantage parce qu’il porte trop de poids et subit des coups. Les Maliens devraient savoir raison garder pour éviter que l’État ne s’écroule sous le poids des combats individuels qui ne font pas avancer.
Source : Benbere