S’il est au Mali un politicien grandement craint et décrié par l’écrasante majorité des citoyens, c’est bien Soumeylou Boubèye Maïga. L’homme, en trente ans, a régenté la vie publique nationale, en faisant et défaisant des carrières, en brisant des parcours, en jetant l’opprobre sur beaucoup. Le cas du général Yamoussa Camara n’est que l’infime partie de l’iceberg. Peu sont ceux qui peuvent se réjouir d’avoir réchappés indemnes de ses traquenards. Mais il est écrit qu’il y a une justice immanente.
Directeur de la Sécurité d’Etat, ministre de la défense à deux reprises, Premier ministre, celui que le Procureur de la République près la Cour suprême, Mamadou Timbo, a envoyé à la Maison centrale d’arrêt (MCA) de Bamako le jeudi dernier. Il aura été plus d’un demi-siècle durant une sorte de dieu inatteignable, donc intouchable. La fin d’un mythe ? A titré ce lundi un confrère de la place, ‘’FOCUS’’ en l’occurrence.
Cette manchette résume bien les avis citoyens majoritairement défavorables à SBM, l’acteur politique et l’homme d’État aux méthodes diaboliques. En effet, nul ne pensait, il y a peu, que l’on oserait un jour l’accuser, a fortiori l’écrouer. C’est tout comme si un intriguant malaise venait de faire place à un soulagement général.
Soumeylou Boubèye Maïga avait lui-même laissé croire qu’il est invincible, à la manière du hérisson sur qui le chien aboie toujours, mais qui n’est jamais mordu par le canidé. « Qui a vu le chien mordre le hérisson ?”, s’était-il exclamé, un tantinet moqueur, dans une grande salle de la capitale.
Il avait été surnommé le Tigre durant ses années de lycée et il a fini par se convaincre que sur son corps, des piquants de hérisson avaient jailli, tenant à distance respectable tous les assaillants, le rendant ainsi définitivement invulnérable à tout. Mais la métamorphose du félin en mammifère insectivore, manque de pot, a sonné le glas pour lui. Le hérisson a été capturé, le mythe s’est effondré.
Qu’est-ce qui a valu à Soumeylou Boubèye Maïga d’être convoqué par le Procureur général pour être ensuite mis sous mandat de dépôt ? Ou, pour être près des faits, quelle mouche a piqué SBM pour qu’il en vienne à affirmer de go sur un plateau de télévision que le dossier relatif aux crapuleries autour de l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires dans lequel il est cité a été définitivement classé ?
Sans doute parce qu’il se croyait toujours intouchable et aussi qu’il n’avait cure de respecter la colère du peuple remonté à bloc contre l’impunité généralisée dont lui et tous ceux de son acabit bénéficiaient outrageusement. Il en a eu pour son grade et aussi pour son cynisme.
Présomption d’innocence jusqu’à l’établissement de sa culpabilité certes, mais au lieu de défrayer la chronique pour la crainte qu’il suscite chez les uns et les autres, ses ouailles sont condamnées maintenant à brayer sur des questions de respect des bonnes procédures, comme si le statu quo devait être la règle, au risque de la prescription des crimes bien réels. Il reste à souhaiter que la justice se montre à la hauteur des enjeux.
Djibril SISSOKO, collaborateur extérieur
Source : L’Alerte