Avant de rentrer dans le vif du sujet aujourd’hui, le Premier ministre, Moctar Ouane a présenté le vendredi dernier le plan d’action du gouvernement (PAG) devant les membres du Conseil national de Transition ( CNT). Cet ambitieux PAG issu de la feuille de route de la Transition comprend 6 axes déclinés en 23 objectifs, adossés à 275 actions à évaluer à travers 291 indicateurs.
AXE 1 : RENFORCEMENT DE LA SÉCURITÉ SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE NATIONAL.
Priorités
1. Diligenter la relecture, l’appropriation et la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger ;
2. Accélérer le processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des combattants dans le Nord et le Centre du pays ;
3. Procéder à la dissolution effective de toutes les milices d’auto-défense ;
4. Redéployer les forces de défense et de sécurité sur l’ensemble du territoire national.
En effet, la sécurité demeure la priorité des priorités pour notre pays, qui y joue sa survie en tant qu’État et en tant que Nation. Nous faisons face au terrorisme, à l’insécurité grandissante et multiforme tels que les violences communautaires, le banditisme et les trafics transfrontaliers, y compris de drogue et d’êtres humains.
Dans la poursuite des efforts en cours et suivant la Feuille de route de la Transition, les actions du gouvernement en matière de sécurité portent sur quatre (04) priorités :
Priorité 1 : Diligenter la relecture, l’appropriation et la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger
En 2015, à l’issue de pourparlers inclusifs tenus à Alger, l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali a été signé entre le gouvernement malien et les anciens groupes rebelles. L’objectif de cet accord était de rétablir l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national et de créer les conditions d’une paix durable. De sa signature à ce jour, sa mise en œuvre a rencontré des difficultés, malgré les multiples efforts déployés par les parties signataires et la communauté internationale. C’est ainsi qu’à l’issue du Dialogue national inclusif tenu en 2019 et des concertations nationales organisées en septembre 2020, nos compatriotes ont souhaité une relecture de certaines dispositions de l’Accord, sans en remettre en cause l’esprit.
A cet égard, les actions suivantes seront mises en œuvre :
– organisation de concertations avec les parties prenantes sur la relecture de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali ;
– organisation de débats, production et diffusion de magazines et de microprogrammes sur l’Accord et le processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des ex-combattants ;
– sensibilisation des ex-combattants inaptes au métier des armes pour qu’ils rejoignent les projets de réinsertion socio-économiques de la CNDDR ;
– mise en place de la police territoriale ;
– financement des projets éligibles sur les ressources disponibles du fonds de Développement durable (FDD) ;
– tenue régulière des sessions du Comité de suivi de l’Accord (CSA) pour la paix et la réconciliation au Mali.
Priorité 2 : Accélérer le processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des combattants dans le Nord et le Centre du pays
La multiplication des acteurs armés et la grande disponibilité des armes constituent des menaces sérieuses à la sécurité des populations. La tentation est donc grande de recourir à des formes d’auto-défense individuelle ou collective. Cette course à l’armement et à la création de groupes d’auto-défense a progressivement installé au sein des communautés un climat de suspicion préjudiciable à la cohésion sociale et à la réconciliation nationale.
A cet égard, le processus de DDR sera accéléré afin de ramener le monopole de l’usage des armes de guerre dans la seule prérogative de la puissance publique. Pour ce faire, le Gouvernement de la Transition mettra en œuvre, notamment, les actions suivantes :
– poursuite du rappel des ex-combattants déserteurs des rangs des FAMAs ;
– achèvement de l’intégration et de la formation de 5 325 combattants restants ;
– intégration de 6 350 ex-combattants dans les forces paramilitaires et dans la Fonction publique ;
– renforcement de la coopération sécuritaire avec les partenaires, notamment pour créer des Pôles sécurisés de développement et de gouvernance (PSDG) ainsi que des unités opérationnelles et pour conduire des opérations conjointes ;
– soutien à la création et au financement de 3 000 emplois jeunes, de
1 200 microprojets, de 1 500 micro-entreprises rurales (MER) et de 6 000 activités génératrices de revenus (AGR) pour les jeunes des régions de Kayes, de Koulikoro, de Ségou et de Sikasso ;
Priorité 3 : Procéder à la dissolution effective de toutes les milices
La gestion de la crise sécuritaire dans notre pays devient de plus en plus complexe avec l’émergence, outre des groupes armés radicaux, de nombreux autres acteurs armés. Des groupes d’auto-défense ou des milices armées, qui ne sont pas partie prenante de l’Accord pour la paix et la réconciliation, ont fait leur apparition au Nord et au Centre. Cette présence d’acteurs armés non étatiques contribue à l’aggravation de l’insécurité et à l’exacerbation des conflits locaux.
Dans ce contexte, il apparaît urgent d’engager des actions intelligentes et fortes afin de procéder à la dissolution effective de ces groupes. Ceci est un impératif pour créer les conditions favorables à la mise en œuvre d’actions de stabilisation et de développement.
Ainsi, mon gouvernement entend traduire cet objectif en procédant, notamment :
– au renforcement du programme de réduction de la violence communautaire au Centre et au Nord ;
– à l’intensification des campagnes de sensibilisation en faveur du vivre ensemble et des rencontres inter et intracommunautaires ;
– à l’intégration des ex-combattants issus des groupes d’autodéfense.
Priorité 4 : Redéployer des forces de défense et de sécurité sur l’ensemble du territoire national
La multiplication des groupes armés non étatiques est également une des conséquences des limites liées au maillage territorial et à notre dispositif sécuritaire.
Le redéploiement de nos Forces de Défense et de Sécurité sur l’ensemble du territoire national est une tâche ardue, mais pas impossible. Les récents succès militaires en sont une illustration. Ce redéploiement doit se poursuivre en plaçant au cœur de l’agenda stratégique la protection des populations civiles. Cela serait d’autant plus utile que le déficit de protection des civils et le sentiment pour nos populations d’être livrées à elles-mêmes affectent l’image des représentants de l’État, en général, et de notre armée, en particulier.
A cet égard, le Gouvernement prendra les mesures suivantes :
– Renforcement des capacités opérationnelles des FAMa à travers :
● l’augmentation des effectifs de 25 000 nouvelles recrues ;
● la construction de 42 postes de sécurité ;
● l’acquisition de matériels et d’équipements militaires ;
● la formation d’unités organiques.
– mise en œuvre du Plan de redéploiement des Forces armées reconstituées conformément aux dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali ;
– renforcement de la mise en œuvre du plan de l’Opération MALIKO ;
– élaboration et mise en œuvre du plan TILEKURA ;
– mise en œuvre de la carte d’implantation militaire des armées conformément à la Loi d’orientation et de programmation militaire (LOPM) ;
– opérationnalisation du Système d’information de gestion des ressources humaines (SIGRH) du secteur de la Défense ;
– renforcement de la sécurité aux frontières à travers la surveillance aérienne et terrestre ;
– renforcement des actions favorisant l’adhésion des populations aux opérations de sécurisation ;
– renforcement des capacités de renseignement des forces ;
– renforcement de la sécurité sur les plans d’eaux ;
– opérationnalisation du SIR-Pol ;
– renforcement des liens de coopération avec les pays limitrophes dans le cadre de la lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme ;
– maintien et renforcement du système de vidéosurveillance dans les villes et sur les axes routiers. »
AXE 2 : LA PROMOTION DE LA BONNE GOUVERNANCE
Priorités
1. Restaurer l’autorité et l’utilité sociale de l’État à travers la fourniture des services sociaux de base ;
2. Promouvoir la citoyenneté et le civisme à travers l’éducation et la culture ;
3. Renforcer la lutte contre l’impunité et accentuer la lutte contre la corruption ;
4. Rationaliser les dépenses publiques en réduisant le train de vie de l’État ;
5. Auditer la gestion des fonds alloués aux secteurs de la sécurité, de la défense et de la justice dans le cadre des lois d’orientation et de programmation.
Priorité 1 : Restaurer l’autorité et l’utilité sociale de l’État à travers la fourniture des services sociaux de base
En 2012, le retrait des agents de l’État a été ressenti par nos compatriotes en proie à l’insécurité comme un abandon. Aujourd’hui, malgré le retour progressif de l’État, l’accès limité des citoyens aux services sociaux de base renforce le sentiment que les pouvoirs publics ne sont toujours pas en mesure de répondre entièrement à leurs attentes.
À cet égard, nous œuvrons chaque jour davantage pour restaurer non seulement l’autorité de l’État, mais également son utilité pour les citoyens à travers, notamment, les actions suivantes :
● Au niveau de l’Administration territoriale et de la Justice :
– recrutement de personnel dans la Fonction publique des collectivités territoriales (administration générale, éducation, santé et développement social, emploi et formation professionnelle) ;
– renforcement du pôle judiciaire spécialisé de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée ;
– présence effective de la Justice sur toute l’étendue du territoire national ;
– intensification de la communication sur les actions de la justice.
● Au niveau de la santé et du développement social :
– réhabilitation et équipement de 20 Centres de santé communautaire (CSCOM) et de 06 Centres de santé de référence (CSREF) ;
– recrutement et redéploiement de 163 agents de santé de qualité et de 926 agents de santé communautaire ;
– construction de 20 centres de santé communautaires et de 05 maternités en collaboration avec les collectivités territoriales bénéficiaires ;
– prise en charge médicale de 15 000 personnes en situation de précarité immatriculées au RAMED (Régime d’Assistance médicale) et immatriculation au RAMED de 30 000 nouvelles personnes ;
– prise en charge de 250 pupilles de la nation.
● Au niveau des infrastructures, de l’équipement, des transports, de l’énergie, de l’eau et du numérique :
– poursuite et achèvement des travaux d’infrastructures routières ;
– Libération de la zone aéroportuaire de Bamako-Sénou des occupations illicites ;
– mise en œuvre du Plan de relance du trafic ferroviaire de voyageurs et de marchandises sur l’axe Bamako-Dakar ;
– mise en œuvre du Plan de libération des servitudes et des lits des collecteurs naturels du District de Bamako des occupations illicites en vue de lutter contre les inondations ;
– mobilisation des ressources afin d’achever les logements sociaux en cours de construction sur l’ensemble du territoire ;
– réalisation de l’Interconnexion 225 kV Guinée – Mali (Sanankoroba-Frontière Guinée) ;
– réalisation du projet de Centre national de conduite (CNC) et du doublement de la capacité de la centrale hydroélectrique de Sotuba d’une puissance de 6 MW ;
– réalisation des points d’eau modernes (104 Systèmes d’hydraulique pastorale améliorés – SHPA) ;
– réalisation d’une station de surpression sur le site des réservoirs de Baco-Djicoroni-Golf ;
– poursuite du déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT) sur toute l’étendue du territoire national ;
– extension du service de l’accès universel au téléphone à d’autres localités.
Priorité 2 : Promouvoir la citoyenneté et le civisme à travers l’éducation et la culture
Le Mali est une nation multiséculaire, riche de sa diversité, construite autour des valeurs cardinales de la citoyenneté, à savoir la civilité, le civisme et la solidarité. Or, ces valeurs, qui ont longtemps structuré et régulé la société malienne, sont malheureusement mises à mal par des comportements nouveaux qui menacent la cohésion sociale.
Face à cette situation, le gouvernement s’engage à créer les conditions du vivre ensemble grâce à une école de qualité cultivant le civisme, enracinée sur la culture et ouverte sur le monde.
A cet effet, le gouvernement mettra en œuvre les mesures suivantes :
– information et sensibilisation des agents publics et des citoyens sur les symboles de l’État ;
– promotion de l’esprit de vigilance et du contrôle citoyen par la formation des acteurs au respect du bien public, au contrôle de l’exécution des budgets, à l’initiation à la dénonciation des biens mal acquis et les pratiques illicites dans la gestion publique ;
– formation sur la citoyenneté et les droits humains ;
– Sensibilisation par des préceptes religieux, du sentiment de citoyenneté et de la volonté du vivre ensemble ;
– formation de 500 enseignants à la culture de la paix, de la citoyenneté et du civisme.
Priorité 3 : Renforcer la lutte contre l’impunité et accentuer la lutte contre la corruption
La lutte contre l’impunité et la corruption s’inscrit en droite ligne des préoccupations soulevées par le peuple malien lors des journées de concertation nationale. Elle pose les questions fondamentales relatives à l’amélioration de la gouvernance et à la mise en place d’institutions fortes et crédibles. Une justice saine, accessible, efficace et performante, des vérifications et audits réguliers, le suivi et l’application des recommandations et sanctions qui en sont issues ainsi que la mise en place de garde-fous relatifs à l’enrichissement illicite sont autant de réformes permettant de restaurer la confiance du citoyen dans l’appareil d’État.
A cet effet, les efforts porteront sur les actions suivantes :
– intensification des missions de vérification de la gestion des structures de l’administration territoriale (collectivités et services) ;
– intensification des missions d’audit de performance et de contrôle de conformité ;
– organisation d’une session des assises spéciales sur la grande criminalité ;
– déclaration obligatoire des biens des fonctionnaires et agents de l’État assujettis.
Priorité 4 : Rationaliser les dépenses publiques à travers la réduction du train de vie de l’État
La dépense publique représente plus de 20 % du PIB de notre pays, chiffre très élevé qui explique en partie notre forte dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure.
Il n’y aura pas de redressement du pays sans un effort considérable de rationalisation du train de vie de l’État. Dans cette perspective, le gouvernement mettra en œuvre les actions prioritaires suivantes :
– opérationnalisation de la facture normalisée et sécurisée ;
– bancarisation des salaires des agents des forces de défense et de sécurité ;
– mise en place d’un système de rapportage de suivi technique et financier des ressources transférées aux collectivités territoriales ;
– poursuite de la mise en place du compte unique du trésor au niveau des établissements publics ;
– poursuite de la dématérialisation de la passation des marchés publics ;
– rationalisation de la gestion du parc auto de l’État.
Priorité 5 : Auditer la gestion des fonds alloués aux secteurs de la sécurité, de la défense et de la justice dans le cadre des lois d’orientation et de programmation
Depuis le déclenchement de la crise en 2012, notre peuple et nos Forces de défense et de sécurité ont consenti d’importants efforts matériels, financiers et humains. Dans ce cadre, en 2015, une loi d’orientation et de programmation militaire (LOPM) a été votée avec un financement de 1 230 milliards de FCFA sur 5 ans.
Une autre loi de programmation relative à la sécurité intérieure a été adoptée, en 2017, avec un budget de 446 milliards de FCFA pour la même durée.
Après plusieurs années dans la mise en œuvre de ces différentes lois, et conformément aux attentes des Maliens sur ces questions, le gouvernement mettra en œuvre les mesures suivantes :
– renforcement des services d’inspection des États-majors et ceux de l’inspection générale des Armées et services ;
– réalisation de l’audit de la mise en œuvre de la LOPM ;
– réalisation de l’audit de la mise en œuvre de la LPSI.
AXE 3 : LA REFONTE DU SYSTÈME ÉDUCATIF
Priorités
1. Négocier un moratoire avec les partenaires sociaux de l’éducation en mettant en place un cadre de concertation régulier ;
2. Engager une refonte du système éducatif.
La mise en œuvre de cet axe se fondera sur les deux (02) priorités suivantes :
Priorité 1 : Négocier un moratoire avec les partenaires sociaux de l’éducation à travers la mise en place d’un cadre de concertation régulier
Le gouvernement mettra en place un cadre légal de discussions qui associera l’ensemble des partenaires sociaux de l’École (administration scolaire, corps enseignant, syndicats, parents d’élèves) autour des problèmes de l’École et permettra de les aborder en toute responsabilité.
Le dialogue social qui sera instauré s’inscrit dans une démarche de démocratie sociale et participative autour des enjeux de l’école malienne avec des acteurs légitimes et responsables.
De façon plus spécifique, le gouvernement procèdera à :
– la redynamisation du cadre permanent de concertation avec les partenaires sociaux afin d’obtenir un moratoire sur toutes les revendications d’ordre corporatiste ;
– l’implication des personnes ressources, y compris les leaders religieux, à la prévention et à la résolution d’éventuels conflits sociaux entre le gouvernement et les partenaires de l’école.
Priorité 2 : Engager une refonte du système éducatif
De 1962 à nos jours, l’école malienne a connu plusieurs réformes dans le but de l’améliorer et de l’adapter aux enjeux. Malgré les efforts déployés, force est de reconnaître que les résultats obtenus sont en deçà des attentes légitimes de nos concitoyens.
En effet, si des indicateurs clés comme les taux de scolarisation et d’alphabétisation ont progressé, la politique éducative témoigne de plusieurs insuffisances. C’est pourquoi, le Gouvernement entreprend d’organiser les assises nationales de l’Éducation qui auront pour but d’établir un diagnostic et un état des lieux sans complaisance du secteur éducatif et de dégager des propositions fortes en vue d’une refondation pertinente et efficace du système d’éducation et de formation.
Ces assises réuniront l’ensemble de la communauté, les acteurs de tous les ordres de l’éducation du préscolaire au post-universitaire, public et privé, les représentants des organisations syndicales, les experts nationaux, les représentants de la société civile, les autorités coutumières et religieuses. Dans ce cadre, le Gouvernement procédera à la mise en place d’une commission d’organisation qui sera chargée de :
– tenue des assises nationales sur l’éducation ;
– relecture et validation du guide d’évaluation selon l’approche par compétence (APC) pour l’enseignement technique et professionnel ;
– élaboration d’une stratégie et d’un plan de généralisation progressive du curriculum bilingue de l’enseignement fondamental des niveaux 1, 2, 3 et 4 ;
– élaboration du manuel de procédures de gestion des établissements d’enseignement professionnel (incluant la gestion des unités mobiles de formation) ;
– élaboration et dissémination du manuel de procédure de gestion des cantines scolaires ;
– élaboration de manuels scolaires, de guides destinés aux medersas et écoles franco-arabes niveau 1 et 2 dans le cadre du projet d’appui à l’éducation bilingue (PAEBB). »
AXE 4 : LES RÉFORMES POLITIQUES ET INSTITUTIONNELLES
Priorités
1. Parachever le processus de réorganisation territoriale ;
2. Réformer le système électoral en prenant en compte les Maliens établis à l’extérieur ;
3. Élaborer et adopter une nouvelle constitution ;
4. Poursuivre le chantier de la régionalisation.
Au fil du temps, la pratique institutionnelle et démocratique dans notre pays a révélé de nombreux dysfonctionnements ayant motivé différentes initiatives de réformes de l’Etat.
La mise en œuvre des priorités suivantes devrait utilement y contribuer.
Priorité 1 : Parachever le processus de réorganisation territoriale (Poursuivre la création de nouvelles circonscriptions administratives et leur opérationnalisation)
Le processus de réorganisation territoriale reste un défi majeur à relever pour notre pays. Depuis 2012, le Gouvernement s’est inscrit dans un processus de création de nouvelles circonscriptions administratives. Ce processus avait, certes, connu un coup d’arrêt, mais il figure parmi les priorités du gouvernement. Nous avons un pays vaste avec des disparités importantes entre les zones. Notre ambition est de faire de nos circonscriptions des entités viables, quelles que soient leur taille et leur position géographique.
À cet effet, le gouvernement procédera de façon spécifique à :
– l’organisation des concertations sur la réorganisation territoriale ;
– l’installation sécurisée des représentants de l’État dans les circonscriptions administratives ;
– la poursuite de la création de nouvelles circonscriptions administratives et de leur opérationnalisation ;
– la construction et la réhabilitation des infrastructures et équipements de la tutelle ;
– la construction de centres d’Etat-civil dans les régions de Gao et de Kidal ;
– l’organisation des concertations pour la mise en place des autorités intérimaires de Taoudéni.
Priorité 2 : Réformer le système électoral en prenant en compte les Maliens établis à l’extérieur
Les questions qui nous interpellent portent, entre autres, sur la multiplicité des organes intervenant dans les élections, la fiabilité du fichier électoral, la faiblesse du taux de participation et l’insuffisance de la prise en compte des Maliens établis à l’extérieur.
Dans cet esprit, il est question de nouveaux mécanismes relatifs à l’organisation des élections. Les réformes préconisées visent à rendre le processus électoral plus fiable, plus transparent, plus participatif et plus inclusif avec des résultats acceptés par tous. Elles doivent aussi nous permettre d’accroitre l’efficacité du rôle des partis politiques dans leur concours à l’animation de la vie publique.
A cet effet, le gouvernement mettra en œuvre les mesures suivantes :
– relecture de l’ensemble des textes régissant le processus électoral ;
– campagne de communication sur les nouveaux textes adoptés ;
– mobilisation des ressources nécessaires à la mise en œuvre des réformes.
Priorité 3 : Élaboration et adoption d’une nouvelle constitution
Avec les dysfonctionnements constatés dans sa pratique institutionnelle, notre pays a initié de nombreux cadres de réflexion et de concertation sur la consolidation de la démocratie.
En 1999, la nécessité d’apporter les ajustements nécessaires à la pratique institutionnelle et démocratique de notre pays a été soulignée et avait abouti, en 2011, sur un vaste chantier de réformes politiques et institutionnelles conduit par le comité d’appui aux réformes institutionnelles (CARI) a été lancé.
Une autre initiative de réforme lancée, en 2017, a été suspendue en raison des tensions politico-sociales qu’elle avait suscitées. Dans le même esprit, fut recommandée, à l’issue du dialogue national inclusif tenu en 2019, l’organisation d’un référendum pour la révision de la constitution du 25 février 1992.
En tirant les leçons de ces différentes initiatives et sur la base des recommandations des journées de concertation nationale des 10, 11 et 12 septembre 2020, seront engagées des réformes politiques et institutionnelles.
A cet égard, les mesures suivantes sont envisagées :
-Rédaction de l’avant-projet de nouvelle Constitution, avec :
la revue et la consolidation des précédents projets de révision constitutionnelle ;
la rédaction de l’Avant-projet de nouvelle Constitution ;
-Adoption du projet de constitution, avec :
l’organisation de concertations régionales et nationales sur l’avant- projet de Constitution ;
l’organisation de la campagne référendaire.
-Sollicitation des partenaires pour la mise en place d’un mécanisme d’assistance technique aux réformes.
Priorité 4 : Poursuivre le chantier de la régionalisation
Dans l’optique de rapprocher un peu plus l’administration et les services publics des citoyens, une nouvelle dynamique sera impulsée au processus de décentralisation à travers un renforcement des capacités des régions. Il importe donc d’en accélérer le rythme de transfert des ressources aux Collectivités territoriales dans l’optique d’améliorer leur offre de service.
Dans la poursuite de ces efforts, le gouvernement procédera à :
– évaluation de la mise en œuvre des conclusions des états généraux sur la décentralisation ;
– appui à l’identification, au transfert des ressources ainsi qu’à des compétences aux régions et au district en lien avec le développement économique régional ;
– opérationnalisation de la zone de développement des régions du Nord. »
AXE 5 : ADOPTION D’UN PACTE DE STABILITÉ SOCIALE
Priorités
1. Organiser une conférence sociale et engager le débat sur les questions de société comme le rôle des autorités coutumières et religieuses, la question de la pratique de l’esclavage ainsi que le statut de la femme ;
2. Relancer le dialogue avec les groupes radicaux maliens ;
3. Engager le dialogue entre les communautés et acteurs locaux en conflit ;
4. Créer les conditions favorisant le retour des déplacés et réfugiés ;
5. Accélérer le processus d’indemnisation des victimes depuis 1960.
L’ambition de l’adoption d’un Pacte de stabilité sociale est d’aboutir à une dynamique sociale apaisée dans les relations de travail et de production. Nous voulons engager tous les acteurs dans une dynamique durable et structurante. Il ne s’agit pas seulement de négocier une trêve, mais également d’instaurer une culture du dialogue. La Transition tend la main à tous pour créer un pacte de stabilité sociale, gage d’une croissance partagée.
Par ailleurs, nous devons aussi fermer la fracture entre communautés qui ont vécu dans la paix et l’harmonie depuis des temps immémoriaux et qui s’entre-déchirent sans que l’on comprenne les racines d’une violence que rien ne justifie. Il faut immédiatement recoudre le tissu déchiré de la cohésion sociale et de promouvoir la réconciliation nationale autour de valeurs que l’on croyait à jamais acquises tant ce qui unissait nos communautés était puissant.
Dans le même esprit de cohésion et de réconciliation, nous devons travailler à rendre leur dignité ainsi que leurs droits à nos compatriotes que la violence a chassés de leurs terroirs (déplacés internes) ou du pays (réfugiés).
Notre devoir est également d’assurer l’indemnisation de toutes les victimes des crises successives. C’est à ce prix que l’on peut gagner la paix des cœurs et des esprits et être en phase avec le respect et la promotion des droits humains.
Les priorités dans ce domaine sont les suivantes :
Priorité 1 : Organiser une conférence sociale et engager le débat sur les questions de société (rôle des autorités coutumières et religieuses, pratique de l’esclavage etc.)
Le préalable à un pacte de stabilité sociale est une solution aux nombreuses grèves qui agitent le front social depuis quelques années. Elles perturbent notre économie, nos projets de société et nos relations entre partenaires sociaux. La Transition est engagée à trouver un mécanisme pérenne de dialogue avec le monde du travail pour prévenir, gérer et régler l’ébullition qui agite régulièrement le front social.
Conformément à l’esprit de la Feuille de route de la Transition, le gouvernement travaille à l’organisation d’une conférence sociale qui se tiendra au cours des prochaines semaines. Celle-ci devra poser les jalons du dialogue social refondateur. L’objectif du gouvernement en l’occurrence de créer un cadre serein d’échanges et de discussions sur le présent et l’avenir du travail dans notre pays par :
– l’organisation d’une conférence sociale ;
– l’obtention d’une trêve sociale ;
– l’organisation de dialogue sur les questions de survivance de pratiques esclavagistes et de l’exclusion sociale dans les régions où elles subsistent ;
– l’organisation d’un forum national sur la prévention des phénomènes de mendicité et de délinquance juvénile ;
– l’organisation d’un colloque sur le statut des langues nationales et les modalités de leur officialisation.
Priorité 2 : Dialoguer avec les groupes radicaux maliens
Depuis 2017, de plus en plus de voix au Mali s’élèvent pour appeler au dialogue avec nos frères qui ont rejoint les groupes radicaux. Il s’agit d’une demande maintes fois exprimée, à l’occasion de la Conférence d’entente nationale (2017), du dialogue national inclusif (2019) et plus récemment lors des journées de concertation nationale (2020). Si un consensus s’est dessiné autour de la nécessité d’engager le dialogue avec les groupes radicaux maliens, il est important que ce processus soit appréhendé également comme une opportunité d’engager de vastes discussions avec nos populations, urbaines et rurales, pour redéfinir de façon collective les contours – nouveaux – de la gouvernance.
C’est pourquoi, nous ne devrons pas évaluer son succès, uniquement à l’aune d’un accord signé avec les chefs de ces groupes, mais aussi à sa capacité à “démobiliser” une partie de leurs éléments et à jeter les bases d’un nouveau contrat social. J’insiste pour dire que le dialogue n’est pas une solution exclusive, mais plutôt un moyen supplémentaire de ramener dans le giron de la République, ceux qui l’ont quitté, souvent pour des raisons existentielles éloignées d’un quelconque fanatisme.
À cet effet, le Gouvernement de la Transition mènera les actions suivantes :
– organisation de missions de bons offices ;
– élaboration d’une stratégie de dialogue et de déradicalisation.
Priorité 3 : Favoriser le dialogue entre communautés et acteurs locaux en conflit
Le Gouvernement de la Transition inscrit la Réconciliation nationale comme une action prioritaire de son programme. Il reste convaincu que sans la cohésion sociale et la consolidation de l’unité nationale, l’avenir du pays sera compromis. Nous avons conscience que les efforts doivent être poursuivis afin de réconcilier les communautés et d’instaurer une paix durable.
En plus des actions identifiées par le gouvernement, le processus de réconciliation nationale va également porter sur la résolution des nombreux conflits fonciers, d’ordre politique, social et parfois religieux. Il nous faut, sur l’ensemble du territoire national, développer des initiatives pour dégager des solutions garantissant la paix sociale. Tous les Maliens doivent se mobiliser pour la réconciliation nationale afin que son aboutissement soit une œuvre collective.
Pour atteindre ce résultat, le gouvernement procèdera à :
– la création d’un cadre cohérent et performant de prévention, de gestion et de résolution des conflits ;
– l’institution de la semaine de la réconciliation nationale.
Priorité 4 : Créer les conditions favorisant le retour des déplacés et des réfugiés
Depuis 2012, les violences que le pays connaît ont eu des répercussions directes sur nos populations, en particulier celles vivant dans certaines localités du Nord et du Centre. Ainsi, des centaines de milliers de compatriotes ont été contraints de trouver refuge chez nos voisins et d’autres se sont déplacés à l’intérieur du pays. Cette problématique des déplacés internes et des réfugiés ainsi que celle des retours renvoient à de nombreux défis autant liés à la sécurité des localités, à la fourniture de certains services essentiels qu’à l’accès à la justice.
La problématique du retour des réfugiés met également en exergue les nombreuses difficultés d’ordre sécuritaire, logistique et humanitaire. Pour notre gouvernement, l’acte de retour, en plus de son caractère essentiel pour la reconstruction de la mosaïque, est un indicateur de confiance en l’État mais également dans le processus de paix.
Dans la perspective de favoriser un retour de nos concitoyens, le gouvernement mènera les actions suivantes :
– formation et installation des déplacés internes et des réfugiés dans les domaines de l’artisanat ;
– organisation de la Bourse de l’emploi et de la formation professionnelle au Centre pour l’insertion et l’installation des personnes déplacées ;
– construction de 07 centres de Formation Professionnelle à Tombouctou, Ménaka, Kidal, Gao, Markala, Koulikoro et Sikasso ;
– élaboration et exécution d’un programme Haute intensité de main d’œuvre (HIMO) au Centre et au Nord du pays
Priorité 5 : Accélérer le processus d’indemnisation des victimes depuis 1960
Les différentes crises au Mali, depuis l’indépendance, et leur gestion ont souvent généré des frustrations renforçant le sentiment d’injustice de certains citoyens vis-à-vis de l’État. Dans un tel environnement, les questions relatives à la justice, à la vérité et à la réconciliation sont complexes et d’une grande sensibilité.
Les difficultés posées par la mise en œuvre effective de la justice, l’établissement de la vérité et le traitement des victimes méritent d’être remis en perspective à la lumière des réalités et des attentes exprimées par les populations.
Le dispositif de justice transitionnelle mise en place progressivement depuis 2013 ainsi que l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali donnent l’opportunité d’ouvrir la réflexion sur la réparation et le rétablissement de nos sœurs et de nos frères concernés dans leurs droits. C’est dans cette optique que le processus d’indemnisation des victimes, tel que voulu par les forces vives de la nation à l’occasion des journées de concertation nationale de septembre 2020, sera conduit par le gouvernement.
À cet effet, le gouvernement va mener les actions suivantes :
– poursuite de l’identification des victimes des différentes crises ;
– mobilisation des ressources financières en vue d’assurer l’indemnisation des victimes depuis 1960 ;
– indemnisation de toutes les victimes des différentes crises. »
AXE 6 : ORGANISATION DES ÉLECTIONS GÉNÉRALES
Priorités
1. Élaborer un chronogramme pour les futures échéances électorales ;
2. Organiser les opérations référendaires et les élections générales.
La consolidation de la démocratie exige notamment le respect des choix populaires à travers les élections. À cet effet, la conduite du processus électoral devant couronner cette transition devra être minutieusement préparée. En plus des élections générales, le calendrier élaboré par le gouvernement prévoit également un référendum.
Dans cette perspective, les actions prioritaires suivantes seront exécutées :
Priorité 1 : Élaborer le chronogramme des élections
Pour atteindre l’objectif fixé, le gouvernement œuvrera inlassablement à créer un consensus autour du processus électoral et référendaire, à travers notamment :
– l’évaluation des étapes spécifiques et de leurs contraintes ;
– l’adoption d’un premier projet de chronogramme.
Priorité 2 : Organiser des opérations référendaires et des élections générales
En plus des élections dont celles du Président de la République et des députés, il a été décidé, conformément à l’axe 6 de la feuille de route de la Transition, d’adopter une nouvelle Constitution par voie référendaire.
Dans le cadre de cette priorité, le gouvernement procédera à :
– l’actualisation du fichier électoral, à travers :
● l’audit du fichier et son actualisation ;
● la révision des listes électorales ;
● l’actualisation et la mise en ligne du fichier électoral biométrique.
– la mise à disposition des cartes d’électeur. Il s’agira, de façon spécifique, de pourvoir à :
– la mise en place d’un cadre de concertation ;
– l’organisation de débats, la production et la diffusion de magazines et de microprogrammes sur le processus électoral ;
– la tenue des élections et du référendum. »
Outre les axes du PAG que je viens de présenter, le gouvernement confère un ordre de priorité élevé à la lutte contre la pandémie de la Covid-19 et ses conséquences sur l’économie nationale et les marges de manœuvre budgétaires
Dans ce contexte difficile, des moyens importants ont été dégagés pour soutenir nos concitoyens ainsi que les entreprises des secteurs d’activités les plus affectés par la pandémie.
Le gouvernement maintiendra, malgré les nombreux défis, une politique budgétaire soutenable visant à maintenir le solde global des finances publiques à un niveau compatible avec la viabilité de la dette.
De nouvelles perspectives sont inscrites dans la vision du Cadre pour la relance économique et le développement durable (CREDD), document de référence pour les politiques et stratégies de développement. L’ambition est, comme indiqué dans ce document, de créer les conditions d’une transformation structurelle de l’économie en vue d’une croissance forte et inclusive permettant de réduire significativement la pauvreté et d’asseoir les bases d’une économie émergente.
Pour y parvenir, le gouvernement de la Transition mettra l’accent sur la promotion du secteur privé et le développement des investissements directs étrangers en lien avec l’amélioration du climat des affaires, la promotion du partenariat public-privé ainsi que le développement de nouvelles sources de financement comme la finance islamique ou les financements participatifs.
Confronté à une période d’instabilité et de conflits depuis 2012, le Mali est aujourd’hui à la croisée des chemins. Le traitement de la crise multidimensionnelle que le pays traverse exige des réponses structurelles et l’implication de toutes les forces vives de la nation.
Je sais que le Gouvernement peut compter sur la mobilisation totale du Conseil national de la Transition pour apporter les réponses adéquates aux urgences et engager les réformes structurelles nécessaires à la refondation de l’État. Vous et Nous, nous le ferons avec le concours de toutes les Maliennes et de tous les Maliens, sans exclusive.
C’est dans cet esprit de rassemblement de toutes les forces vives autour du Mali qu’il faut placer ma récente prise de contact avec les représentants des partis et groupements politiques. Il s’agit de travailler avec eux, la main dans la main, pour la réussite de la Transition dans l’intérêt exclusif de la nation malienne. Encore une fois, en cet instant solennel, je salue leur engagement patriotique et leur réaffirme la volonté de mon gouvernement de traduire en réalité, dans les meilleurs délais, leur proposition de cadre de concertation destiné à permettre la réflexion et que l’action propices aux réformes politiques et institutionnelles souhaitées par tous.
Tous les moyens seront mis en œuvre pour organiser, dans les délais convenus, des élections libres et transparentes afin de doter le pays d’institutions fortes et démocratiques et poser les jalons d’une gouvernance saine plaçant le citoyen au début et à la fin du développement.
Avec l’appui soutenu de toutes les parties prenantes, le Mali sortira uni et grandi des épreuves sécuritaires, sanitaires, économiques et sociales qui ont ébranlé ses fondements. C’est en tout cas la volonté des autorités de la Transition avec en ligne de mire un seul et unique objectif : refonder l’Etat pour un Mali nouveau.
Issa Diallo
Source: Mali-Online