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Massacre de Moura au Mali : ce que l’on sait des deux militaires sanctionnés par les Etats-Unis

Le colonel Sangaré et le major Togola ont été désignés par Washington, au côté du patron de Wagner dans le pays, responsables présumés de l’attaque qui avait fait au moins 500 morts.

Les auteurs présumés du pire massacre perpétré au Mali depuis le début de la guerre contre le djihadisme, en 2012, ont été identifiés et sanctionnés par Washington. Dans un communiqué publié jeudi 25 mai, le département d’Etat américain a imposé des restrictions de visa à deux militaires maliens, le colonel Moustapha Sangaré et le major Lassine Togola, désignés comme étant « responsables des éléments des forces armées maliennes (FAMA) qui ont mené l’opération à Moura ». En mars 2022, au moins 500 personnes avaient été tuées dans ce village du centre du pays lors d’une opération menée par les FAMA et des membres du groupe paramilitaire privé russe Wagner.

En parallèle des sanctions imposées à ces deux officiers maliens, le trésor américain a également bloqué et saisi l’ensemble des actifs détenus aux Etats-Unis par Ivan Aleksandrovitch Maslov, désigné comme étant le patron du groupe paramilitaire privé russe Wagner au Mali. Selon le trésor, ce Russe a « travaillé en étroite coordination avec les responsables du gouvernement malien pour exécuter le déploiement du groupe Wagner au Mali », à partir de fin 2021.

Le colonel Moustapha Sangaré est quant à lui présenté par Washington comme le commandant du 33e Régiment de commandos parachutistes (33e RPC), une unité d’élite créée en 1961, au lendemain de l’indépendance du pays, et dont les membres sont connus des Maliens sous le nom de « bérets rouges », en référence à la couleur de leur couvre-chef. Selon l’armée malienne, le colonel Sangaré est arrivé à la tête du 33e RPC en septembre 2019.

Au cœur du second putsch

« C’est un “béret rouge” de longue date. Il a été mêlé au contrecoup d’Etat d’avril 2012 », glisse une source sécuritaire qui l’a rencontré il y a plusieurs années au Mali. A cette date, le 33e RPC tentait, en vain, de reprendre la main sur les « bérets verts » dirigés par le capitaine Amadou Sanogo, au moment du putsch qui a renversé le président élu Amadou Toumani Touré, dit « ATT », en mars 2012, dans un contexte de début de guerre, déclenchée deux mois auparavant dans le nord par une coalition d’ex-groupes rebelles indépendantistes et djihadistes.

Onze ans plus tard, le Mali reste en proie à une instabilité tant sécuritaire que politique : les militaires ont repris le pouvoir aux civils après deux coups d’Etat en août 2020 et mai 2021. Le 33e RPC semble quant à lui largement acquis à la cause de la junte dirigée par le colonel Assimi Goïta.

Le major Lassine Togola, également sanctionné, est désigné par l’administration américaine comme étant le commandant par intérim du Bataillon autonome des forces spéciales (BAFS), une unité créée en juin 2018 et notamment chargée de coordonner et de conduire les opérations les plus sensibles de l’armée malienne, tout en participant à la protection des autorités.

Comme le 33e RPC, le BAFS est une unité proche de la junte au pouvoir. Elle a même été commandée, à partir de juillet 2018, par l’actuel président de la transition, le colonel Assimi Goïta, qui en dirigeait déjà l’unité opérationnelle entre 2016 et 2017, selon la présidence malienne. Après avoir participé au premier coup d’Etat d’août 2020, les hommes du BAFS ont été au cœur du second putsch qui a finalement permis à leur chef de se hisser jusqu’au sommet de l’Etat, en mai 2021.

Illustration de l’importance de cette unité au sein du dispositif sécuritaire de la junte, le BAFS a été la porte d’entrée des mercenaires de Wagner au centre du pays. Déployé au Mali pour aider Bamako à lutter contre le terrorisme, le groupe de sécurité privée russe, qui compte désormais près de 1 600 hommes sur le terrain, a pris pied au centre du pays début 2022, en s’installant dans le camp militaire du BAFS à Sofara, selon plusieurs sources sécuritaires locales et internationales.

« Campagne de désinformation »

C’est depuis cette localité que Wagner et les FAMA conduisent une large partie de leurs opérations antiterroristes dans le centre et au cours desquelles plusieurs cas d’exactions contre les civils ont été relevés par les organisations humanitaires et de défense des droits humains. Moura, le village meurtri, est situé à seulement 15 km de la base du BAFS de Sofara.

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Les forces spéciales de ce bataillon, dont le chef par intérim vient d’être sanctionné par Washington, avaient bénéficié d’une formation de la part des Etats-Unis en février 2020, dans le cadre de l’exercice militaire « Flintlock », que le commandement des Etats-Unis pour l’Afrique organise chaque année auprès de ses principaux partenaires sécuritaires sur le continent afin de renforcer leurs capacités opérationnelles. Une formation dont avait également bénéficié le président malien, Assimi Goïta, un an plus tôt.

Cette collaboration n’a pas empêché que les relations entre Washington et Bamako ne se dégradent depuis le coup d’Etat d’août 2020. Elles n’ont toutefois pas non plus abouti à un divorce, comme cela fut le cas en 2022 entre la France et le Mali. Après avoir expulsé l’ambassadeur français Joël Meyer du pays, les autorités maliennes avaient poussé au départ les soldats de l’opération française « Barkhane ».

Dans un communiqué publié samedi 27 mai, elles ont réagi en appelant les Etats-Unis à arrêter la « campagne de désinformation contre le Mali », jugeant les accusations et les sanctions imposées par l’administration américaine « sans fondement et injustes ». « Le message que le gouvernement des Etats-Unis véhicule ainsi que la forme publique de son annonce porte atteinte à la présomption d’innocence des intéressés et jette le discrédit sur l’ensemble de l’institution militaire », a fustigé le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement, qualifiant le colonel Sangaré et le major Togola de « vaillants officiers de l’armée malienne ».

« Récit fictif »

Mi-mai, la junte s’était insurgée contre les conclusions du rapport sur le massacre de Moura publié par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Dans ce document de 41 pages consulté par Le Monde et que Bamako considère comme « biaisé » et « reposant sur un récit fictif », l’ONU avait accusé les soldats maliens et des « personnels militaires étrangers » d’être responsables du massacre.

Une version contestée par le gouvernement malien, qui soutient que seuls des « combattants terroristes » ont été tués par l’armée à Moura et qui persiste, par ailleurs, à nier la présence de Wagner dans le pays, en dépit des confirmations de déploiement du groupe au Mali émanant des autorités russes.

Dans son communiqué du 27 mai, la junte a également nié les accusations portées par Washington cinq jours plus tôt et selon lesquelles Wagner a tenté de passer par le Mali pour acheter des armes afin de soutenir l’effort de guerre russe en Ukraine. « En réaction à cette accusation du département d’Etat », note le colonel Maïga, Rachna Korhonen, l’ambassadrice des Etats-Unis en poste à Bamako, a été « conviée » au ministère des affaires étrangères malien le 25 mai, « pour lui signifier entre autres, l’extrême gravité des fausses accusations portées contre la République du Mali ».

Source: Le Monde

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