Fin mars, l’ONG Human Rights Watch rapportait le massacre de 300 civils par les Forces Armées Maliennes et des mercenaires russes du Wagner Group dans le village de Moura au Mali. Une version démentie par le gouvernement putschiste qui utilise la lutte contre le djihadisme dans sa défense.
Entre les discours des forces armées maliennes (FAMa) et le rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW), les tragiques évènements qui se sont déroulés à Moura entre le 27 et 31 mars sont au cœur d’une bataille médiatique. L’ONG estime que 300 civils ont trouvé la mort des mains des soldats maliens accompagnés de mercenaires russes. Une version démentie par les représentants officiels du gouvernement malien qui parlent de victoire contre 203 djihadistes, après une opération de plusieurs jours dans le centre du pays.
Les témoignages recueillis par Libération font état d’un tout autre récit. Les FAMa et les russes auraient procédé à des arrestations sommaires de civils si ceux-ci avaient « une barbe, un pantalon court, des traits ou un accent peul » rapporte un témoin au journal. Selon ce même témoin, les hommes correspondants à ces critères physiques et vestimentaires auraient été emmenés « vers une fosse ou au bord de la rivière et abattus ».
Parmi ces témoignages, certains indiquent que les exécutions ont été accompagnées d’autres atrocités, comme le viol de plusieurs jeunes femmes après qu’elles aient été amenées dans les campements militaires. Les organisations comme HRW et Amnesty International attendent de recevoir des informations de nouvelles sources avant de confirmer ces informations.
Une opération propagande pour le gouvernement malien
Ces derniers jours, plusieurs officiels du gouvernement malien se sont rendus sur place, avec parmi eux le colonel Ismael Wagué, ministre de la Réconciliation Nationale. Ce dernier a d’ailleurs expliqué venir pour « rassurer la population, s’imprégner de leur état d’esprit et d’échanger sur leurs préoccupations majeures ». Ce, après que les gouvernements malien et russe, appuyé par Pékin, aient refusé l’accès au village à l’ONU, qui souhaitait qu’une enquête sur les exactions de l’armée nationale soit menée par le Minusma, organisme relié aux Nations Unies, à la demande de la France. D’autant plus qu’avant d’imposer leur veto, Pékin et Moscou avaient jugé la demande « prématurée » et ne « voyaient pas la nécessité », arguant qu’une enquête avait été ouverte par le gouvernement malien.
L’enquête commanditée par la France intervient dans le contexte du retrait des soldats de l’opération Barkhane du Nord du pays en février dernier, et où une guerre d’influence se mène entre la Russie et l’Occident dans ce pays d’Afrique central. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la venue du colonel Wagué ainsi que son insistance sur le fait que « les populations n’ont fait mention d’aucune tuerie de la part de nos Fama », alors que les témoignages allant à l’encontre de cette version se multiplient.
Une alliance entre la Russie et le Mali : la présence du Wagner Group à Moura
Selon HRW, les forces présentes aux cotés de l’armée malienne appartiendraient au Wagner Group, mercenaires russes qui officient en ce moment en Ukraine ainsi que dans plusieurs pays dont ceux d’Afrique Centrale. Selon Reuters, leur présence sur le territoire malien est assuré par un accord avec le gouvernement putschiste malien, qui inclue le déploiement de 1000 soldats ainsi qu’un versement de 9,15 millions d’euros par mois.
A ce propos, Philippe Alcoy expliquait au sujet des mercenaires russes dans une analyse de la politique malienne : « la Russie tente de remplir un certain vide que le redéploiement français laisse dans la région. D’autres puissances pourraient tenter de faire de même, comme la Chine. C’est une perspective catastrophique pour l’impérialisme français qui dépend fortement de son emprise économique, politique et militaire sur une partie importante du continent africain pour continuer à faire partie du groupe des grandes puissances mondiales. Le déploiement du Wagner Group signifierait sans doute ouvrir la voie aux capitaux russes dans divers secteurs et donc dans le même temps entraver les plans stratégiques de la France en Afrique ».
Des plans stratégiques pour lesquels la ministre des armées française, Florence Parly, était en déplacement le 1er avril au Mali, annonçant à l’occasion « la pleine capacité opérationnelle de la Task Force Takuba » selon le journal Jeune Afrique.Elle profité de son passage à Bamako pour réfuter les accusations des violences commises par l’Armée Française et l’opération Barkhane dans le village de Bounti, où des bombardements auraient atteint une cérémonie de mariage et tué plusieurs civils.
Ainsi, la population malienne est systématiquement victime des conflits armés entre les puissances impérialistes occidentales et les puissances russes ou chinoise, dont les intérêts économiques divergent dans la région. Il est clair que malgré les enquêtes et la couverture médiatique de plusieurs médias comme Libération ou France24, la vérité sur les événements de Moura ne proviendra ni de Moscou, ni de Bamako ou encore des pays membres des Nations Unies dont fait partie la France. Mais face au massacre de Moura, qui démontre le rôle criminel du gouvernement malien et de ses alliances avec la Russie de Poutine, nous devons revendiquer le retrait de tout type d’intérêt impérialiste français dans la région (représenté par Takuba), sans accorder une seule once de confiance à la junte militaire au pouvoir et à ses alliances avec les forces russes.
Source: revolutionpermanente