Les marchés relatifs à la conception, fourniture et montage d’installations par la technologie d’énergie par batteries au Mali et au Niger se trouvent devant la Cour de justice de la Cédéao. Elle a été saisie par trois sociétés de droit chinois à savoir China Machinery Engineering Corporation (CMEC) Electric Co. Ltd (NR) et Robestec Energy Co. Ltd pour avoir été “injustement disqualifiées” alors qu’elles sont attributaires des marchés du lot 2 au Mali et lot 3 au Niger. Plus grave, le groupement avait satisfait substantiellement aux critères de qualification du dossier d’appel d’offres et son montant jugé le plus bas conformément aux instructions aux soumissionnaires. Et toutes formalités relatives à la passation desdits marchés avaient été accomplies. La requête formulée au niveau de la Cour de justice de la Cédéao est d’annuler purement et simplement l’avis spécifique d’appel d’offres (processus à deux enveloppes, sans pré-qualification) lancé le 3 janvier 2024, comme étant “irrégulier” et d’autoriser la poursuite avec le groupement “CMEC-NR-Robestec” du processus de finalisation des contrats.
Tout est parti de l’appel d’offres international relatif à la conception, fourniture et montage d’installations par la technologie d’énergie par batteries lancé en septembre 2022 par la direction de l’énergie et des mines de la Commission de la Cédéao. Cela à travers le Projet régional d’accès à l’électricité et de technologie de stockage d’énergie par batteries sur financement de la Banque mondiale. Trois pays sont concernés par ce projet à savoir le Mali, le Niger et la Côte d’Ivoire.
Ainsi, dans le dossier d’appel d’offres, le lot 1 est consacré à la Côte d’Ivoire, le lot 2 au Mali et le lot 3 au Niger. Et les trois sociétés chinoises se sont regroupées au sein d’un groupement afin de soumettre leur offre en vue de l’obtention du marché.
Après l’ouverture et l’évaluation des offres des soumissionnaires, le groupement “CMEC-NR-Robestec” a été déclaré attributaire définitif des marchés lot 2 au Mali et lot 3 au Niger. Cela conformément aux critères du dossier d’appel d’offres et du procès-verbal d’ouverture des offres en date du 21 novembre 2022.
Le groupement a reçu les notifications d’intentions d’attribution relatives des deux marchés le 29 mai 2023. Le processus de passation des marchés a été suivi par la mise à disposition de l’acte d’engagement ainsi que le projet de contrat. En d’autres termes, les marchés ont été donc définitivement attribués au groupement (CMEC-NR-Robestec) pour l’exécution. Sans oublier que les recours des autres soumissionnaires avaient été déjà traités. Cela conformément aux dispositions du dossier d’appel d’offres.
Après cette notification de l’attribution définitive des marchés courant juin 2023, le groupement a été ensuite convié à une séance de clarification plus précisément le 1er juin 2023 afin de finaliser les contrats. C’est là que le comité de clarification a exigé “le remplacement des fabricants proposés dans l’offre pour les modules et les cellules de batteries pour expériences de fabrication insuffisantes”. Et cette demande, selon de sources proches du dossier, “a été immédiatement agréée par la proposition d’un autre fabricant que le comité a également jugé non satisfaisant”.
Malheureusement, le Comité de clarification ne cesse de mettre la pression sur le groupement en lui donnant un délai de 24 h afin de fournir les sous-traitants remplissant les conditions du dossier d’appel d’offres avec les fiches techniques conformes. “Faute de quoi, et ce, après leur analyse, le comité ne contactera le groupement que si les sous-traitants proposés et les fiches techniques remplissant les conditions du DAO. Dans le cas contraire, le comité de clarification se réserve le droit de poursuivre le processus conformément aux procédures”.
Ce qu’il faut surtout savoir, c’est que “nulle part dans le dossier d’appel d’offres, il n’est fait mention d’un délai de 24 h pour soumettre un sous-traitant pour les batteries et pour les modules remplissant les conditions du DAO. Et le respect des clauses du DAO s’impose à toutes les parties et à toutes les étapes du processus de passation des marchés”, précise une source proche du dossier.
A travers une correspondance en date du 9 août 2023, le groupement des sociétés chinoises a finalement renouvelé son engagement à ce que son offre puisse répondre à toutes les exigences techniques et commerciales du dossier d’appel d’offres avant de soumettre tous les documents pouvant justifier leur conformité avec les demandes de la Cédéao.
Ce n’est pas tout. Puisque le ministère de l’Energie et de l’Eau sous la houlette de Bintou Camara avait sollicité la reprise des négociations avec le groupement en vue de la finalisation des contrats, à travers une correspondance en date du 21 septembre 2023. Pour la simple et bonne raison que ce projet est très important pour le Mali en termes de la fourniture d’électricité. Et surtout vu l’urgence pour couvrir les besoins actuels en électricité au Mali.
Comme il fallait s’y attendre, le comité de clarification a finalement transmis au groupement un procès-verbal pour signature le 6 octobre 2023.
Et dans lequel, il affirme en ces termes : “Par la suite, un nouveau sous-traitant a été proposé par le groupement à la fois pour les modules et les cellules de batteries. Des documents portant sur les caractéristiques des batteries et autres équipements ont aussi été soumis par le groupement”. Alors qu’à la date du 5 octobre 2023, le groupement avait écrit au coordonnateur de l’Unité régionale de la Commission de la Cédéao pour lui rappeler l’absence de réponse suite à la proposition du fabricant de batterie BYD, qui est mondialement connu.
Finalement, contre toute attente, le Projet régional d’accès à l’électricité et de technologie de stockage d’énergie par batteries a finalement lancé un nouveau processus de passation des marchés, le 3 janvier 2024. Cela en violation des dispositions des textes de la Cédéao en la matière et du dossier d’appel d’offres précédent.
En tout cas, une séance de clarification ne doit pas servir de fondement juridique pour annuler le processus de passation desdits marchés dans la mesure où celui-ci avait été définitivement clos à partir de la notification d’attribution définitive.
On sait bien qu’une fois la notification de l’attribution définitive faite, le marché n’est plus soumis à une quelconque annulation.
“Donc, toute annulation, s’il y a lieu, doit intervenir avant l’attribution du marché en respectant les formalités et les conditions requises en la matière”.
Pour être remis dans ses droits, le groupement des sociétés chinoises a décidé d’attaquer ce nouveau processus devant la Cour de justice de la Cédéao dont le mandat est d’assurer le respect de la loi et des principes d’équité ainsi que l’interprétation et l’application des dispositions du traité révisé et de tous les autres instruments juridiques subsidiaires de la Communauté. Il compte aller jusqu’au bout dans cette affaire. Il s’agira d’annuler cette procédure.
On sait bien que les trois sociétés chinoises ont été exposées à d’énormes frais financiers pour soumettre leur offre. Sans compter qu’elles avaient aussi pris des dispositions financières et matérielles importantes à hauteur de plusieurs milliards de nos francs. Tout cela en vue de la bonne exécution des deux marchés.
Notons que le recours gracieux en date du 9 janvier 2024 adressé au coordonnateur de l’Unité régionale de la Commission de la Cédéao est resté sans suite.
S’agissant de la Côte d’Ivoire pour le lot 1 du marché, le projet a déjà démarré. Alors que le groupement des sociétés chinoises avait pris l’engagement de travailler avec le même fabricant de batteries que celui de la Côte d’Ivoire. Malgré tout.
Affaire à suivre…
El Hadj A.B. HAIDARA