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Manifeste de l’imam Dicko : le flou et l’informel !

Mahmoud Dicko a-t-il décidé enfin de s’engager en politique ? Cherche-t-il à se repositionner dans la gestion des affaires publiques ou joue-t-il à la surenchère avec les autorités de transition ? En tout cas, les Maliens en sont encore là à se demander quant à l’objectif réel du manifeste que le leader religieux a publié en fin de semaine dernière. Là-dessus, l’ex-autorité morale du M5 entretient le flou artistique et chaque observateur de la scène politique nationale essaie de déchiffrer les codes qui s’y cachent.

L’imam de Badalabougou sort enfin du mutisme dans lequel il s’était muré dès le lendemain du coup de force du 18 août, ayant conduit à la démission du président IBK.  Alors que les Maliens le croyaient définitivement retourné dans la mosquée comme il l’avait promis à la chute du régime qu’il a combattu de toutes ses forces, Mahmoud Dicko revient au-devant de la scène, mais de façon très surprenante. « Manifeste pour la refondation du Mali », tel est l’intitulé du pamphlet qu’il a déposé dans certaines rédactions.  Le document suscite d’autant plus d’interrogations que c’est l’une des rares fois que l’ex-autorité morale du M5-RFP s’exprime de la sorte. Lui Imam Dicko qui affectionne les projecteurs des caméras ; un abonné des déclarations fracassantes.

Autres intrigues que suscite le Manifeste : sa cohérence, le caractère soutenu du français qu’il contient et le timing choisi pour sa diffusion. Pourquoi donc maintenant, s’interroge-t-on çà et là depuis sa publication ?

Autant de constatations qui méritent réflexion. Il y a aussi lieu de souligner que le fond du message de l’Imam paraît encore plus flou, car il va dans tous les sens. Cela fait dire à plus d’un observateur politique que le document à tout l’air d’une déclaration d’intention d’un homme politique qui annone sa descente dans l’arène.

La théorie de la victimisation et du mea-culpa

Dans sa logique, le parrain de la Cmas montre clairement qu’il n’a pas forcément changé de stratégie pour haranguer les foules. «  Le Mali est en voie de disparition… Mon esprit est tourmenté par le sort du Mali et de mes concitoyens…C’est aussi avec gravité que j’observe les risques d’échec du combat de ce noble peuple épris de paix et de justice pour une gouvernance vertueuse …». Voilà des termes en lesquels il entame ses propos.  Comme pour dire qu’il n’est pas satisfait de la gestion que les militaires font du Mali, avec la persistance des mêmes péchés reprochés à l’ancien régime. Plus loin, l’Imam Dicko donne l’impression, comme il s’est le faire, d’avoir été victime de ses choix.  « Nul être non plus n’est parfait … Je me suis souvent trompé en soutenant des hommes qui, guidés par des intérêts égoïstes et matérialistes, n’ont pas su incarner le redressement du Mali tant souhaité. J’ai cru, comme en 2013, qu’une participation forte à un projet électoral pourrait, à elle seule, porter l’espoir de résolution de nos problèmes de gouvernance politique et sociale. Je me suis trompé. Je le regrette sincèrement », avoue-t-il. Sauf que des Maliens se demandent si l’ex-président du Haut conseil islamique du Mali est sincère dans son mea-culpa.

S’il ne s’attaque pas ouvertement aux militaires qui détiennent la réalité du pouvoir depuis le 18 août, Mahmoud Dicko laisse entrevoir son insatisfaction de la gouvernance de la transition. A ce titre, il laisse entendre : « Depuis le 18 août 2020, j’ai laissé ma porte grande ouverte. J’ai inlassablement écouté et observé, mais la situation me paraît trop grave pour que je garde silence. Si nous ne réagissons pas maintenant, activement et collectivement, l’État qui nous gouverne n’a plus de sens. Il faut sauver le pays. »

La démarche électoraliste de l’imam

L’homme a toujours entretenu un flou sur ses ambitions politiques. Autant il a souvent affirmé vouloir se contenter de l’imamat, autant il a affirmé, dans un passé pas aussi lointain que cela, que « le pouvoir appartient à Dieu et Il le donne à qui il veut ». Mahmoud Dicko avait en son temps illustré cette déclaration par la manière par laquelle il est arrivé à la tête du Haut conseil islamique du Mali qu’il dit n’avoir jamais rêvé occuper. « Si Dieu veut que je sois président de la République, il en serait ainsi », avait-il conclu sur ce chapitre.

Comme pour enfin assumer son intention de briguer la magistrature suprême, le leader religieux indique dans son manifeste : « Je veux porter ici la voix d’un nouvel élan d’émancipation, d’une urgence à agir, à penser haut et vrai, devant l’Histoire pour de nouveaux horizons, avec l’espoir que le génie malien entendra l’écho de cette voix et élèvera à mes côtés, en pèlerin, notre destinée. C’est un acte d’espoir et de paix.  »

Pour lui, cette démarche se justifie par la nécessité de sauver le pays d’une situation périlleuse et qu’il a conscience d’en convaincre les Maliens.

D’où une batterie d’engagements politiques: « Je m’engage à favoriser le dialogue entre tous pour nous réconcilier ; ….à bâtir des passerelles d’échange entre les acteurs civils et armés, pour remettre au cœur des préoccupations, le vivre ensemble et la confiance entre les communautés ;…à aller à la rencontre de nos frères et sœurs pour porter la paix dans toutes les régions en fédérant toutes les énergies confessionnelles ; … à soutenir toute initiative en faveur du développement en faveur de notre jeunesse ; … à contribuer à la construction d’un nouveau pacte républicain entre les acteurs maliens … »

Mahmoud Dicko se dit convaincu qu’il s’agit là d’un appel à un élan de croyance en l’avenir. Et le leader religieux d’affirmer : « C’est le chemin que je veux emprunter dorénavant. Je ne souhaite aucun projet de société autre que celui que les Maliens veulent pour eux-mêmes. »

En dépit de ce discours à l’allure d’un projet de société ou d’une proposition de contrat social, l’imam veut convaincre les Maliens de n’avoir aucun dessein inavoué: « Je suis sans agenda caché, ni ambition personnelle ou intérêt partisan, mais je suis inquiet de ce feu qui embrase nos villes et nos campagnes, et qui pourrait, à terme, détruire « le Vivre ensemble » dans cette maison commune qu’est le Mali. »

Pour sûr, de ce manifeste flou et informel plusieurs hypothèses retiennent l’attention des observateurs. Il y a d’abord l’ambition à peine voilée de l’imam à vouloir troquer la soutane et le chapelet contre le stylo pour signer des décrets au sommet de l’Etat. Il y a ensuite une forte dose d’insatisfaction de la conduite des affaires publiques par ses « poulains de Kati », auprès de qui il veut surenchérir.

Mieux, l’homme tente de se refaire une nouvelle santé politique au moment où son mouvement de propagande, la Coordination des mouvements et associations de soutien (Cmas), traverse une crise de croissance qui risque de le conduire à l’extinction.

Dans tous les cas de figure, Mahmoud Dicko joue à quitte ou double sa crédibilité et son avenir aux yeux des Maliens.

Dieu veille !

Harber MAIGA

Source: Azalaï Express

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